La question des disparitions forcées et de la torture refait surface à la faveur de la visite de travail effectuée en Algérie par Mme Navi Pillay, Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme. Au terme de son séjour algérois, au cours duquel elle aura rencontré la majorité des dirigeants, dont le chef de l'Etat, Mme Pillay a dressé son tableau sur la situation des droits de l'Homme en Algérie. Un tableau dans lequel se déclinent la dégradation des libertés en Algérie et le recul des droits humains.Il a été ainsi question de l'état des lieux des droits chez nous, côté législatif et côté pratique, comme ont été abordés aussi les thèmes sensibles des disparitions forcées et de tortures, pratiquées particulièrement durant la décennie 90. Dans son allocution présentée dans l'après-midi d'hier, la commissaire se voulait conciliante quant à la teneur des discussions qu'elle a eues avec les responsables algériens. C'est dans ce sens qu'elle a évoqué les «progrès réalisés» dans le domaine et la nécessité de «rectifier le tir dans certaines carences». Dans le chapitre des «avancées», la représentante de l'ONU déclare que «l'Algérie a fait d'énormes progrès pour se remettre de la décennie désastreuse des années 1990, lorsque des milliers d'Algériens, hommes, femmes et enfants ont été tués dans une guerre brutale d'usure entre les groupes extrémistes et les forces de sécurité de l'Etat, et plusieurs milliers d'autres ont été blessés, endeuillés, déplacés ou ont disparu». Parallèlement à ces «avancées», la Haut-commissaire de l'ONU met en évidence la détérioration des droits de l'Homme en Algérie, notamment en ce qui concerne les libertés d'association. Elle a exprimé, à ce propos, de sérieuses inquiétudes. «Les droits à la liberté d'association et la liberté de réunion pour divers secteurs importants de la société tels que les organisations de la société civile, défenseurs des droits humains et des syndicats est une source d'inquiétudes. Elle s'est peut-être détériorée au cours de l'année écoulée, en raison, en partie, d'une répression apparente par les forces de sécurité qui s'appuient sur un article controversé du code pénal à savoir l'article 100.» Elle ajoutera que «c'est aussi à cause des restrictions très critiques contenues dans la nouvelle loi sur les associations adoptée au mois de décembre». Dans le détail, la conférencière déclare : «J'ai été très préoccupée d'apprendre qu'elles (les organisations) sont confrontées à des contraintes juridiques et administratives (…) et que certains membres de la société civile sont aussi fréquemment harcelés, intimidés et arrêtés arbitrairement par les forces de sécurité, et ne bénéficient pas d'une protection suffisante contre ces pratiques abusives par le cadre juridique existant.» Après un tel constat, qui ne fera pas des satisfaits parmi les officiels, la commissaire de l'ONU dit avoir «encouragé le gouvernement à réviser les lois et les pratiques relatives aux organisations de la société civile et à la liberté de réunion». Elle recommande également «de demander à toutes les forces de sécurité de s'abstenir de violer les instruments internationalement reconnus qui garantissent le droit à la liberté d'association…». Concernant les conventions onusiennes, Mme Pillay a exprimé sa satisfaction du fait que «l'Algérie ait ratifié la quasi totalité des principaux traités internationaux relatifs aux droits de l'Homme». Comme elle a noté, avec satisfaction, «l'intérêt du gouvernement algérien à ratifier deux des principaux traités non encore ratifiés». Il s'agit, expliquera t- elle, du Protocole facultatif à la convention contre la torture (Opcat) et de la Convention internationale pour la protection de toute personne contre les disparitions forcées.Il faut savoir que le gouvernement algérien a décidé d'accepter la demande de recevoir un groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires. L'envoyée de l'ONU souhaite que «cette visite se déroule rapidement et sans conditions préalables». A. Y.