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Nigeria : les enjeux économiques d'une sécession en marche De nouveaux affrontements interconfessionnels meurtriers ont eu lieu entre musulmans et chrétiens
De nouvelles violences ont secoué dimanche le Nigeria, de nature à ne laisser indifférent personne, notamment les dirigeants politiques de l'un des pays les plus peuplés d'Afrique, avec ses 167 millions d'habitants, selon les dernières estimations. L'attaque d'une église, en plein office, qui a causé au moins huit morts et plus d'une dizaine de blessés a été suivie par des représailles de la part de jeunes chrétiens, qui ont ainsi allongé la liste des victimes à une dizaine de morts. Le fait n'est pas nouveau dans ce pays où les tensions religieuses et ethniques ont conduit en 1967 à la création du fameux Etat du Biafra, qui a été le début d'une guerre civile et une tragédie humanitaire qui a bouleversé la planète. Le conflit du Biafra a duré près de quatre ans. Le bilan était lourd. Un million de personnes sont mortes, dont une partie a succombé à la famine, résultat du blocus initié par les autorités fédérales de Lagos (l'ancienne capitale du pays, aujourd'hui devenue le poumon économique du Nigeria alors qu'Abuja a été élevé au rang de capitale politique). Ce blocus avait pour objectif de contraindre les Biafrais à déposer les armes et à réintégrer la Fédération du Nigeria, ce qui a été donc fait en 1970. Ce conflit a servi de leçon pour les dirigeants de l'époque, qui ont revu leur système politique et administratif en créant trente six Etats fédérés, tout en promulguant une politique de réconciliation qui, malheureusement, n'a pas abouti aux résultats escomptés. Les tensions interethniques demeurent depuis. Pour rappel, plus de 250 ethnies peuplent le Nigeria, mais les plus dominantes sont celles des Haoussas-Peuls (musulmans) dans le Nord, les Yorouba au Sud-Ouest et enfin les Ibos dans le Sud-Est, où se concentrent toutes les richesses minières et pétrolières du Nigeria. Ces deux grandes ethnies sont chrétiennes et animistes. C'est au centre du pays que les tensions interreligieuses sont importantes et deviennent de plus en plus inquiétantes pour l'avenir et la stabilité du Nigeria, le premier producteur des hydrocarbures en Afrique.
Guerre des religions et économie En 2002, la secte islamiste Boko Haram a été créée par le prédicateur Salafiste Mohamed Yusuf, à Maiduguri, où des centaines d'attaques ont été commises par ses partisans contre la minorité chrétienne et certains symboles de l'Etat nigérian comme les services de sécurité et l'administration publique. Cette secte, issue du groupe de Jama'atu Ahlu Sunna Lidda'awati Wal Jihad, veut imposer la loi islamique comme seule mode de gouvernance à travers le Nigeria, sachant pourtant que cela est impossible dans la partie sud à dominante chrétienne. Et c'est justement par la violence qu'elle veut imposer sa vision de la gouvernance et de la politique. Si dans le nord du pays, majoritairement musulman, le problème ne se pose pas pour Boko Haram, qui domine pas moins de douze Etats fédéraux, c'est surtout dans les Etats du centre du pays que les violences ont lieu régulièrement. Ces attaques, suivies de représailles de part et d'autres, ont déjà coûté la vie à plus de deux mille personnes, majoritairement des civils et contraignent, à chaque fois, des villages entiers à l'exode vers des lieux plus au moins calme en attendant le retour à la normale dans leurs régions. Les efforts du gouvernement à Abuja à ouvrir des négociations avec les chefs influents de la communauté musulmane des Etats du Nord ont subi un cuisant échec. Boko Haram domine, en fait, par la terreur les populations locales qui sont, par ailleurs, prédisposées idéologiquement à accepter l'application de la charia dans leur pays. Le radicalisme idéologique de Boko Haram a ouvert ainsi la voie, au sein de certains cercles chrétiens dans le sud du pays, à l'émergence de l'idée de division du Nigeria en deux Etats différents pour mettre fin à cette guerre de religions qui pousse les Nigérians à vivre constamment dans la peur et l'insécurité. L'idée de la sécession a fait son chemin aussi au sein des populations du sud même si le débat public n'est pas lancé à ce propos. Mais les nordistes ne sont nullement intéressés par cette option qui nous rappelle le cas du Soudan et du Soudan du Sud. En 1967, lorsque la guerre du Biafra a éclaté, les autorités fédérales de l'époque ont tout fait pour faire revenir cette région dans le giron du Lagos, mais en vain. Le blocus a été la seule solution pour décapiter l'armée biafraise, avec le soutien de plusieurs puissances occidentales, en pleine période de guerre froide entre les blocs est et ouest. Les efforts du gouvernement de Lagos étaient justement motivés par la présence de l'or noir sur le territoire pris par les Biafrais pour construire leur nouvel Etat mort-né. Les Nigérians du nord ne se laisseront pas prendre les richesses naturelles par un sud qui a tout à gagner de se séparer du nord. Mais à regarder de près le cours des évènements actuels, le Nigeria est menacé à moyen et à long terme par une guerre de religions qui lui sera fatale et le conduirait inévitablement à la sécession et à la création de deux Etats distincts, comme cela fut le cas au Soudan après deux décennies de guerre meurtrières. Les évènements actuels au Mali peuvent aussi faire réfléchir à deux fois les Nigérians aveuglés par une haine religieuse dont on ne peut attendre que le pire. Toutefois, dans tous les cas de figure, une division du Nigeria en deux ou plusieurs Etats sera plutôt bénéfique pour les multinationales pétrolières plus qu'au peuple nigérian. Outre les multinationales pétrolières, les entreprises d'armement sont à l'affut d'une guerre entre musulmans et chrétiens au Nigeria pour fructifier leur commerce. Cette guerre des religions constitue un moteur suffisamment solide pour l'industrie de l'armement et pour ce nouveau colonialisme qui veut transformer l'Afrique en une mosaïque de petits Etats incapables de se prendre en charge sans l'appui d'un Occident à la recherche constante de nouveaux marchés et de ressources énergétiques pour son développement économique. L. M.