L'Institut culturel français d'Alger organise, demain à 17h, une table-ronde avec pour thématique la «Transmission de la mémoire», en donnant «carte blanche» au débat autour du numéro spécial Algérie, que le magazine spécialisé L'Histoire a publié le mois d'avril dernier. Ce débat sera animé par quelques-uns des auteurs des articles de ce numéro spécial ainsi que des historiens algériens et français à l'instar de Benjamin Stora, historien et spécialiste de la guerre d'Algérie, Michel Winock, professeur émérite à Sciences po, cofondateur de la revue L'Histoire, Abdelmadjid Merdaci, docteur d'Etat en sociologie, enseignant-chercheur à l'Université de Constantine et écrivain, Lydia Aït Saadi Bouras, chercheur post-doctorant, rattachée au Centre Erasme de l'Université Paris VIII Saint-Denis. La rencontre sera modérée par Valérie Hannin, historienne et directrice de la rédaction du magazine L'Histoire.Il est à noter que le magazine est, en France, une publication à la fois grand public et de référence sur la science historique et ses plus récentes évolutions. Son numéro spécial consacré à l'Algérie intitulé «L'Algérie et les Algériens» plonge dans la «longue histoire de l'Algérie, de Jugurtha à Bouteflika». Dans l'édito de cette publication, il est souligné que «cinquante ans plus tard, les médias ont rappelé les joies, les douleurs, le chaos de cette fin de guerre interminable. Par myopie collective, les Français font souvent commencer l'histoire de l'Algérie avec le début de la conquête en 1830. De son côté, l'Etat algérien privilégie la lutte armée pour l'indépendance». Ainsi, il est précisé qu'à travers ce numéro spécial «la revue ‘'L'Histoire'' a voulu compléter le récit par la longue durée en rappelant l'héritage multiple des hommes et des femmes qui peuplent et ont peuplé le territoire appelé aujourd'hui Algérie depuis le temps des royaumes berbères jusqu'à l'heure des printemps arabes».Le débat est encore plus nécessaire dans le contexte actuel qui est marqué par un embrasement de la guerre mémorielle, surtout de la part des «nostalgéries», ces nostalgiques de l'Algérie française, de plus en plus virulents, qui tentent de discréditer la légitimité du combat du peuple algérien pour son indépendance. L'un des premiers signes était l'acharnement contre la combattante de la liberté Zohra Drif, et le plus récent fait d'actualité est le geste irrévérencieux envers l'Algérie, véritable ignominie de la part de Gérard Longuet, l'ancien ministre de la Défense, sur la chaîne française Public Sénat qui lui avait posé une question sur la reconnaissance par la France des crimes coloniaux. Dès lors, les enjeux de cette rencontre dépassent certainement le simple contexte scientifique et elle sera confrontée au défi d'apaiser les tensions et de reconnaitre que les blessures encore béantes du lourd passé colonial de la France sont toujours d'actualité. Au-delà du simple prisme de travaux de recherches d'historiens et de la «myopie collective des Français», la revue L'Histoire a au moins le mérite d'avoir écrit, noir sur blanc, que l'Algérie existait bien avant 1830, en remontant jusqu'au royaume de Jugurtha ce qui est en soi une réponse cinglante à ceux qui croient encore à l'hypocrisie de la volonté civilisatrice de la colonisation française. Aujourd'hui, au moment où la mémoire des martyrs continue à être bafouée, il faut reconnaitre que l'initiative de l'Institut culturel Français est louable, car cela contribue à mettre en relief la richesse de l'histoire de l'Algérie et les racines profondes de l'insoumission des Algériens à toutes formes de colonisation depuis les temps immémoriaux. Toutefois, dans le contexte de la polémique actuelle, où la transmission de la mémoire est au cœur d'une nouvelle forme de bataille mémorielle, le plus grand défi est d'éviter de nouveaux dérapages, qui risquent encore une fois de mettre le feu aux poudres. S. A.