Madame Maurice Audin a reçu, vendredi dernier, un courrier de François Hollande. La veuve du martyr Maurice Audin, toujours à la recherche de la vérité sur le sort de son mari, arrêté par des parachutistes en juin 1957 à Alger, était restée sans réponse à une démarche effectuée auprès du président Sarkozy en 2007. Elle craignait le même sort à la lettre qu'elle a adressée en juillet à son successeur. Ce n'est pas le cas.Dans sa lettre, Hollande affirme que :«Plus de cinquante ans après la fin de la Guerre d'Algérie, l'Etat français doit faire face à ses responsabilités et au devoir de vérité qui lui incombe envers vous et votre famille d'abord, mais également envers l'ensemble des citoyens.» Tout en lui confirmant qu'il se rendra «sur la place Maurice Audin, en hommage à la mémoire» du militant de la guerre de libération algérienne, il l'informe de sa décision : «J'ai par ailleurs demandé à Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, de vous recevoir afin de vous remettre en mains propres l'ensemble des archives et documents en sa possession relatifs à la disparition de votre mari.» Cette louable initiative, qui tranche avec le silence méprisant affiché aux multiples demandes de Mme Audin par la droite au pouvoir, est un pas en avant significatif mais malheureusement pas suffisant pour connaître les responsables qui ont torturé et tué Maurice, camouflant leur crime par une évasion au cours d'un transfert. Outre que la lettre ne précise pas s'il y a levée du secret-défense, rien n'est sûr que l'ordre d'exécution ait fait l'objet d'une trace écrite. Mais la hiérarchie militaire savait. C'est le général Aussaresses, tortionnaire en chef toujours vivant, qui a assuré, il y a quelques années que la hiérarchie militaire et des responsables politiques recevaient des rapports sur les exécutions sommaires. «Je le disais à Massu. En plus de la réunion quotidienne du matin, j'écrivais en quatre exemplaires tous les jours, ce que nous faisions, de façon détaillée. Il y avait un exemplaire pour Massu, un pour le ministre résident Lacoste et un pour le général Salan. Massu (mort avec ses secrets) savait tout. Le gouvernement aussi» disait-il. Et Aussaresses reconnaissait l'existence d'exécutions sommaires : «Il y en a eu quelques-unes,c'est vrai, à la villa des Tourelles. Des types arrivés de jour…On les enterrait sur place. Ils doivent être encore dans le jardin.» Mais le général tortionnaire a tenu bouche cousue sur Maurice Audin. Il y a l'enquête effectuée, en mars dernier, par Le Nouvel Observateur qui a révélé que dans un manuscrit, le colonel Godart, ancien commandant de la zone Alger-Sahel, infirmait la thèse de l'évasion pour confirmer que le militant nationaliste a été exécuté par des militaires et donné le nom de l'assassin : le sous-lieutenant Gérard Garcet. Celui-ci vit toujours. A quatre-vingt ans, il profite des délices de sa retraite dans un village de Bretagne.