Photo : Riad Par Hasna Yacoub «Je ne viens pas ici -ce n'est, ni ce qui m'est demandé, ni ce que je veux faire- faire repentance ou excuses. Je viens dire ce qu'est la vérité, ce qu'est l'Histoire», a dit François Hollande. Cette phrase, à elle seule, résume la visite du président français, entamée hier pour une durée de 36 heures, à l'invitation du président Abdelaziz Bouteflika. Dans la conférence de presse qu'il a animée, le chef d'Etat français a décidé de ne pas maintenir le suspens jusqu'à aujourd'hui où il dira donc «ses» vérités sur l'Histoire devant le Parlement. «Il y a une vérité à dire sur le passé et il y a surtout une volonté à prononcer pour l'avenir. Et ce voyage, il est sur l'avenir, il est pour engager une mobilisation de nos deux sociétés», a déclaré le président dans son propos liminaire. «J'ai toujours été clair sur cette question : vérité sur le passé, vérité sur la colonisation, vérité sur la guerre avec ses drames, ses tragédies, vérité sur les mémoires blessées», a-t-il précisé. La vérité sur la colonisation ne revient-elle pas à énumérer les crimes coloniaux et à les reconnaître ? François Hollande va-t-il franchir le pas et réussir là où ont échoué ses prédécesseurs ? La visite du président Hollande est une tentative de relancer le partenariat économique avec l'Algérie, mais il sera difficile au chef d'Etat français de faire l'impasse sur le passé colonial de la France en cette année du Cinquantenaire de l'indépendance algérienne. François Hollande a affirmé que «ce voyage était nécessaire, il vient comme un aboutissement mais aussi comme le temps d'un nouvel âge que je veux engager entre la France et l'Algérie, 50 ans après». En automne, François Hollande avait pourtant reconnu la «sanglante répression» par la police française de la manifestation du 17 octobre 1961, il est attendu de lui, aujourd'hui, une reconnaissance des crimes du colonialisme. M. Hollande avait bien dit, il y a quelques mois «l'Histoire doit servir à bâtir l'avenir et non pas à l'empêcher». En fait, même si l'Algérie a qualifié cette visite d'une visite «tournée vers l'avenir», «cela n'empêche pas la France officielle de prendre toute initiative pouvant être utile dans la lecture de l'histoire commune», comme l'a déclaré M. Medelci à France 24, en réponse à une question de savoir si l'Algérie s'attend à une reconnaissance et des excuses de la part de la France sur ses crimes coloniaux. François Hollande est arrivé hier, en début d'après-midi à Alger, accompagné d'une délégation de près de 200 personnes, dont 9 ministres, une douzaine de responsables politiques et une quarantaine d'hommes d'affaires. L'hôte de l'Algérie a été accueilli avec les honneurs par le président Bouteflika. Une salve de 21 coups de canon a été tirée. Un accueil populaire a également été réservé au président français, à l'entrée du Boulevard Zighoud Youcef où il s'est vu remettre la clef de la ville d'Alger et une gerbe de fleurs, dans une cérémonie symbolique. Empruntant à pieds le boulevard menant au siège de l'Assemblée populaire nationale, le président Hollande a été salué par les citoyens qui se sont entassés de part et d'autre de cette avenue, pavoisée aux couleurs de la France et de l'Algérie. Dans la résidence d'Etat de Zéralda où s'est dirigé le convoi présidentiel, un entretien en tête-à-tête entre les deux chefs d'Etat a eu lieu. Une occasion pour les deux présidents de procéder à un échange de vues et d'analyses sur les grandes questions de l'actualité régionale et internationale. La crise malienne a été, à ne pas en douter, au cœur des entretiens, puisque la France souhaite obtenir l'appui de l'Algérie pour une intervention dans le nord de ce pays. En marge des discussions des deux présidents, les membres des deux délégations algérienne et française se sont également entretenus. Plusieurs départements sont concernés par ces échanges notamment, les ministères de la Défense nationale, de l'Intérieur, des Affaires étrangères, du Commerce, de l'Industrie, de l'Agriculture et du Développement. Il est bien évidemment attendu à l'occasion de cette visite, la première du genre du président Hollande, la signature de nombre d'accords et conventions touchant à plusieurs secteurs, dont la défense, l'industrie, l'agriculture, la culture, l'enseignement et la formation. L'un d'eux, rudement négocié, porte sur la construction près d'Oran d'une usine de montage de Renault susceptible de produire à compter de 2014 au moins 25 000 véhicules par an. Il est attendu que les deux chefs d'Etats adoptent dans la soirée d'hier une «déclaration conjointe» ouvrant la voie à la coopération dans de multiples domaines. Aujourd'hui, devant le Parlement, le président Hollande devra poser «un regard lucide» sur les 132 années de colonisation française et dire «ses» vérités. Après son discours devant les deux chambres, le président Hollande effectuera un déplacement à Tlemcen où il sera fait docteur Honoris Causa de l'Université Aboubakr-Belkaïd. Au deuxième et dernier jour de sa visite, le président français s'adressera à la jeunesse algérienne qu'il rencontrera à l'université de Tlemcen. «Il soulignera à cette occasion que les questions d'éducation, d'échanges universitaires et de formation seront au cœur de l'agenda bilatéral», selon la porte-parole de l'Elysée.