Rébellion en République démocratique du Congo et en Centrafrique, et violences interethniques au Kenya… l'Afrique équatoriale vit une situation politico-sécuritaire explosive en cette fin d'année 2012. Les crises politiques dans cette région se sont enchainées depuis le début de l'année, plongeant les peuples locaux dans une véritable incertitude. Ceci sans compter le flux de déplacés que ces crises ont engendré. Cela en RD Congo, où la rébellion déclenchée par le Mouvement du 23 mars (en référence aux accords du 23 mars 2009) dans le Nord-Kivu, à l'est du pays, a contraint des dizaines de milliers de civils à fuir vers Goma, la capitale de cette province riche en ressources naturelles. La présence des forces armées de la mission onusienne de maintien de la paix dans cette zone fort instable n'a pas empêché les rebelles du M23 de s'emparer de Goma et d'imposer à Kinshasa des négociations que le président de la RDC, Joseph Kabila, était obligé d'ouvrir à Kampala, en Ouganda, au début de ce mois de décembre. Le M23 s'était engagé dans l'action armée avant de se transformer en un «mouvement politique» pour revendiquer l'application des accords signés entre plusieurs factions rebelles et Kinshasa, le 23 mars 2009. Le recours à la violence pouvait bien être évité dans le Nord-Kivu où le M23 a imposé son diktat et instauré sa loi depuis la mi-avril, ne cessant pas de terroriser les populations locales, de violer des femmes et d'enrôler des enfants dans ses rangs. Les enjeux ne sont pas seulement d'ordre politique mais ils flirtent avec les milieux mafieux, aussi bien à l'échelle locale qu'internationale. La réalité est là en effet. Comment les rebelles ont réussi à se doter de l'armement nécessaire pour s'assurer la victoire contre les troupes militaires congolaises régulières si ce n'est grâce à l'implication des réseaux de vente d'armes qui ont tissé leur toile dans le continent ? Il est évident que le M23 s'est équipé grâce à la vente des minerais qu'il extrait illégalement dans les dizaines de gisements qui échappent au contrôle des autorités de Kinshasa. Autrement dit, la rébellion du M23 est loin d'être liée à la simple problématique politique interne et à l'application partielle des termes d'un accord signé entre le gouvernement de Kabila et les rebelles. C'est le cas aussi en République centrafricaine, où une coalition de trois groupes rebelles a pris les armes depuis trois semaines, refusant toute négociation avec les autorités de Bangui et toute médiation continentale. Ainsi, en trois jours, les rebelles ont pris le contrôle de plusieurs villes dans le nord du pays et continuent d'avancer vers le centre et le sud. La coalition Séléka, formée de plusieurs groupes rebelles, a réussi en l'espace de trois semaines de combats à s'emparer des villes de Ndassima et d'Ippy, dans le centre du pays, après avoir assuré sa victoire contre l'armée dans le Nord. Au milieu de la semaine écoulée, la coalition du Séléka a contraint l'armée régulière à battre en retraite avant de prendre le contrôle de plusieurs villes du centre du pays, dont la cité diamantifère de Bria. Si on fait le parallèle avec le voisin congolais, on sera aussi surpris d'apprendre que les rebelles Séléka sont sur la voie du M23, car, eux aussi revendiquent «le respect» des accords de paix signés entre 2007 et 2011. Ces accords prévoyaient, entre autres, le désarmement et la réinsertion des anciens rebelles. Cela est difficilement réalisable sur le terrain, en raison du manque d'engagement réel de toutes les parties en conflit, qui affichent une très grande méfiance les unes envers les autres. Engagée comme médiateur dans cette crise, la Communauté économique des états d'Afrique centrale (Ceeac) s'est réunie à Ndjamena, au Tchad, et a exigé le retrait des troupes du Séléka. En contrepartie, la Ceeac a accepté le principe de renégociation de certains points des accords de paix évoqués précédemment. Mais le climat de méfiance qui règne a rendu l'engagement des deux parties et le travail de la médiation complètement caducs. La reprise des armes par la coalition Séléka, en Centrafrique, a-t-elle vraiment quelque chose de surprenant ? Est-ce le succès du M23 en RDC qui a inspiré le Séléka et l'a poussé à jouer avec le feu en Centrafrique et à replonger ainsi ce pays de 5 millions d'habitants dans l'incertitude de l'instabilité politique et sécuritaire ? Ce n'est pas vraiment le cas si on observe de près le développement de la situation en Afrique et dans cette sous-région du continent où les multinationales, les marchands d'armes et tous les prédateurs profitent des rivalités tribales, de la soif du pouvoir de certains politiques et de l'ignorance des populations pour déstabiliser des pays entier. Dans un autre sens, faut-il avoir peur de la reprise des violences interethniques au Kenya, qui ont fait depuis septembre plus d'une centaine de morts et poussé à l'exode des centaines d'autres personnes à fuir régulièrement leurs villages ? Affirmatif ! En Afrique, et notamment dans cette région de l'Afrique équatoriale, le génocide rwandais de 1998 a été commis au nom d'une rivalité ethnique qui a opposé Tutsis aux Hutus. Au vu du développement récent de la situation politico-sécuritaire dans cette région, le risque d'une instabilité régionale plane à l'horizon si rien n'est fait pour engager un réel dialogue politique pour un meilleur avenir socioéconomique et sécuritaire sur l'ensemble du continent. L. M.