Les Congolais ont entamé un nouveau processus de discussion pour ramener la paix dans le nord-Kivu, à l'est de la République démocratique du Congo, après huit mois de violences armées entre les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) et les troupes régulières de Kinshasa. Cette réunion a été reportée à plusieurs reprises en raison du retrait tardif des rebelles du M23 de Goma, la capitale du nord-Kivu. Le M23, en référence aux accords de paix du 23 mars 2009, a pris le contrôle de Goma et a contraint le gouvernement de Kinshasa à répondre favorablement à sa demande de dialogue, ce qu'avait refusé au départ le président de la RDC, Joseph Kabila, pensant que ses troupes allaient réussir à éteindre rapidement le feu de la violence qui a failli se propager à toute la RDC. Il a conditionné l'ouverture de discussions politiques par le retrait total des rebelles de Goma afin, surtout, de sécuriser les dizaines de milliers de déplacés qui ont fui les violences armées pour se réfugier dans les camps installés par les organisations humanitaires onusiennes et indépendantes. Officiellement, le M23 a déclenché sa rébellion en raison de la non-application des accords de 2009 par les autorités de Kinshasa. Ce que réfute évidemment le gouvernement, accusé entre autres de délaisser les autres provinces de la RDC et de ne s'occuper que du développement de la capitale et de ses environs. L'ouverture des pourparlers de paix avec le M23, qui a vite affirmé que sa rébellion a des visées politiques, répond en fait à la nécessité de stabiliser un pays qui vient à peine de sortir d'une guerre civile qui a pris la tournure d'un génocide et qui a touché plusieurs pays de la région des Grands Lacs. Le massacre de millions de civils dans les zones frontalières, communément appelé le génocide rwandais, a plongé toute la région des Grands Lacs dans le chaos. Environ quatre millions de personnes ont trouvé la mort dans cette guerre ethnique.
Pas de paix sans tous les Congolais Les négociations menées à Kampala se déroulent sans la participation de tous les Congolais, qui ont réellement besoin de se réconcilier entre eux pour pouvoir poursuivre le processus de reconstruction du pays, entamé depuis 2002 seulement avec l'accession de Joseph Kabila à la tête du pays, en remplacement de son père Laurent Désiré Kabila, assassiné en 2001 lors de la seconde guerre du Congo, puis en tant que président élu au suffrage universel en 2006. L'opposition parlementaire a décidé de boycotter ces pourparlers, estimant que la paix concerne tous les Congolais et non pas seulement le gouvernement de Kinshasa et les rebelles du M23. Une coalition des parlementaires, formée par quatre partis de l'opposition, a donc refusé d'enfiler le costume d'«observateur», Il s'agit des groupes parlementaires MLC et alliés, UNC et alliés, Udps, FAC ainsi que les Libéraux démocrates sociaux, ce qui a été approuvé par une grande partie de la population civile, notamment les habitants du nord-Kivu qui vivent avec la peur au ventre de voir d'autres groupes rebelles agir de la même manière que ceux du M23. Pour cette coalition, «seules les solutions politiques et diplomatiques efficaces sont à même de mettre un terme définitif à cette crise», lit-on dans un communiqué rendu public jeudi et repris par les médias congolais. Les présidents des groupes parlementaires de cette nouvelle coalition estiment que «le dialogue de Kampala n'a aucun fondement juridique et va à l'encontre de la Constitution», a rapporté Radio Okapi, un média financé par l'ONU pour la promotion de la paix en RDC et dans l'ensemble des pays des Grands Lacs. Mais les opposants contestent surtout le fait que Kinshasa veuille négocier seulement avec le M23 et ne pas aborder la question de la stabilité politique et sécuritaire du pays d'un point de vue global.
Que doit négocier Kabila ? L'opposition parlementaire et la société civile se demandent en fait sur quoi se focaliseront les discussions de paix à Kampala, tant il est vrai que les rebelles du M23 ne sont pas réellement intéressés à prendre le pouvoir à Kinshasa mais de contrôler d'une manière légale la province du nord-Kivu. Les chefs politiques de ce mouvement rebelle avaient clairement affiché leur volonté de voir s'installer en RDC un système de gouvernance fédéral pour permettre au nord-Kivu de prendre son autonomie financière. Mais les autorités de Kinshasa refusent de répondre favorablement à cette demande car les enjeux d'une telle politique sont énormes. Le nord-Kivu est instable non pas en raison de la politique sociale et économique du gouvernement de Kabila seulement, mais surtout à cause de cette guerre souterraine pour le contrôle des richesses naturelles dont profitent uniquement les multinationales, via des groupes armés dont certains seraient financés par Kigali. Il est donc clair que Joseph Kabila n'est pas parti à Kampala pour négocier un nouveau système de gouvernance politique avec des rebelles qui sont prêts à prendre les armes à n'importe quel moment. L'opposition parlementaire qui ne mâche pas ses mots et qui dit être prête à en découdre politiquement avec le président congolais, soupçonne les rebelles de chercher à revenir aux négociations de 2002 en Afrique du Sud. Pour elle, le président Kabila ne doit pas accepter d'inscrire cette question à l'ordre du jour, au risque de se mettre à dos tout le peuple congolais, d'où la nécessité de «lever toute équivoque», a estimé le président de l'Assemblée nationale et chef de la délégation congolaise à Kampala, Audin Minaku. «Si le M23 croit que ça (les pourparlers de Kampala) sera le dialogue intercongolais bis (à Sun City [Afrique du Sud], en 2002), il fait fausse route. Ce n'est pas le cas», a précisé Aubin Minaku, repris par les médias locaux avant son envol pour la capitale ougandaise. Pour rappel, en 2002, à Sun City, le dialogue intercongolais a pris huit semaines et s'est achevé sur la signature d'un accord partiel, ce qui a constitué un échec quelque part puisque les conséquences du désaccord entre les différentes factions congolaises sont visibles aujourd'hui. Le cycle de violences qui a marqué la RDC depuis cette période est la preuve que le processus de réconciliation n'est toujours pas achevé dans ce pays d'Afrique centrale. Joseph Kabila ne voudrait pas revenir à 2002 mais préfère se focaliser sur l'évaluation et une meilleure mise en œuvre des accords du 23 mars 2009. Il faudrait par ailleurs que le M23 affiche une bonne volonté politique pour permettre aux milliers de déplacés vers Goma de rentrer chez eux dans un nord-Kivu qui a les moyens pour reprendre son destin en main. L. M.
Goma, ville meurtrie Goma, qui compte environ un million d'habitants, a connu une longue période d'événements tragiques depuis 1994, quand les réfugiés hutus ont afflué en nombre depuis le Rwanda voisin vers cette ville au bord du lac Kivu. A la fin des années 90 et jusqu'en 2006, Goma a été le théâtre de violences continues exercées par des généraux rebelles qui contrôlent la ville, dont la population ne cesse de grandir avec l'arrivée de nouveaux réfugiés. Le retour au calme a toujours été très relatif dans cette province du nord-Kivu : de nouveaux affrontements ont eu lieu ces dernières semaines. Ce contexte difficile ne bride pas complètement l'esprit d'entreprise. Fin mai, un nouveau magazine glamour, Mutaani Magazine, a été lancé à Goma. Il vise un public de jeunes branchés. En 2002, le volcan Nyiragongo, qui surplombe Goma, est entré en éruption et une coulée de lave a détruit le quartier commerçant du centre-ville. Source : Le Potentiel (quotidien congolais)