Aborder la question de la formation en Algérie, c'est ouvrir un grand chantier. Un chantier qui rappellerait irrémédiablement les travaux d'Hercule. Bien que tout le monde s'accorde depuis au moins quinze ans sur le fait que notre sport roi souffre plus au niveau de la formation, le consensus n'est pas, en revanche, établi quant aux acteurs, modèles et structurations qui seront associés à cet objectif. D'où, d'ailleurs, les difficultés que rencontrent les responsables à mettre en place un plan de relance de la discipline. Mais à ce niveau de l'interrogation, on risque de se heurter à une question autrement plus passionnante, donc dure à cerner. Il s'agit du personnel du sport national. «Notre football ne saurait retrouver ses lettres de noblesse sans un retour à la formation, qui a fait par le passé son point fort.» Le propos a été abusivement entendu de la bouche de plusieurs acteurs. Entraîneurs, dirigeants, anciens internationaux convergent à préconiser le remède par la voie de la formation. Sur le terrain, les choses ont plutôt stagné au moment où l'Algérie du football est dans une situation qui ne permet pas de tergiverser. Il était alors nécessaire d'enclencher le plus vite possible une véritable réforme de la discipline basée sur une formation de qualité. L'objectif devait reposer essentiellement sur des formateurs de haut niveau. Ces derniers se chargeraient d'inculquer leur savoir-faire théorique et leur vécu footballistique aux jeunes techniciens qui seraient appelés, à leur tour, après un processus de perfectionnement, à former une nouvelle génération de techniciens. Aujourd'hui, le football algérien patauge et les hommes qui ont la responsabilité de le redresser ne savent plus que faire. Au-delà de l'incompétence qui est généralisée au sein des instances, il y a lieu de relever la position délicate dans laquelle se trouve présentement notre sport roi qui se cherche encore un modèle de formation. La cause en est simple : notre football s'est éloigné longtemps des grands rendez-vous de la balle ronde à tel point qu'on n'arrive pas à le placer. Ce n'est pas le classement de la Fifa qui nous rassurera. Car, la performance dans toute discipline se vérifie dans la durée. La conséquence de cette régression est que le football algérien a considérablement perdu de son identité. D'où la naissance de la question du modèle de formation. Aujourd'hui, l'absence d'un modèle consensuel de formation semble autoriser toutes les œuvres. Chacun défend son poste et le mode de travail qu'il applique. Pourtant, les résultats récoltés par ce sport depuis bientôt vingt ans exigent réflexions et remise en cause. Mais nous devons bien nous rappeler que les hommes qui sont à la tête de nos instances ne se soucient guère de ces chapitres. La priorité pour eux est de rester en poste. Jusqu'à la prochaine déconvenue. Invasion d'incompétents Ailleurs, on privilégie d'autres logiques. Celle consistant à se remettre constamment en cause pour pouvoir améliorer la qualité du travail accompli auparavant. Quelques années après avoir remporté la Coupe du monde et l'Euro 2002, la France du football était appelée à se poser des questions sur le devenir de la discipline et la place à laquelle pourraient prétendre les sélections nationales de ce pays. Et, dans cette étape, les critiques et les observations fusaient de partout. Parmi ces notes, on peut retenir la suivante : «Malgré des résultats probants à travers des sélections de jeunes et surtout de la “production” de footballeurs de très haut niveau, ce système présente des défauts objectifs et prête le flanc à certaines critiques. D'une part, trop de jeunes restent sur le carreau et alimentent, au mieux, les clubs amateurs, au pire, les statistiques du chômage. La formation française brasse beaucoup d'individus pour n'en amener que très peu dans l'élite : ses ratios de contrats professionnels signés sont ainsi plus faibles que dans des pays qui pratiquent des politiques moins ambitieuses», écrivait un observateur de la balle ronde sur le Vieux Continent. Avant d'ajouter que la rentabilité de ce modèle est compromise à la fois par des lois et des règlements qui font peu de cas des mérite des clubs formateurs et par un marché des transferts en pleine déflation. A ce niveau, les solutions ne sauront tarder. Car, le débat y est et les personnes défendent des approches et des expériences. Ici, en Algérie, on continue à mentir de façon la plus ridicule. Le comble est que des gens, à la différence de leurs postes et statuts, s'évertuent à demander des changements pour le motif que leurs intérêts sont contradictoires à ceux de certaines parties. Nul n'ignore qu'une direction technique nationale fait naturellement office d'autorité technique du football d'un pays. La déliquescence des instances sportives en Algérie semble aggraver toutes les violations des normes de travail. Si le foot national est doté d'une DTN opérante et directrice des orientations, nous ne rétrograderons jamais à ce niveau. Car si, a priori, cette structure a pour mission d'assurer le chantier de la formation à ses différents niveaux, elle est aussi attribuée d'un pouvoir d'intervention dans le volet technique lié aux sélections nationales. Censée définir la politique globale de la discipline, une direction technique nationale de football fait plutôt peur à quelques acteurs qui ont fini, par on ne sait quelle magie, à se faire une place dans cet environnement. L'expérience de Peter Schnittegr, en Algérie, sera rappelée inlassablement. Les instances et les personnes qui ont sabordé son travail devraient avoir honte. Car ils ont privé la jeunesse du pays d'une véritable institution de football. Inscrivant son plan de travail dans la rationalisation et l'unification des méthodes de formation des jeunes joueurs ainsi que de la formation des futurs formateurs, l'expert allemand s'est heurté à un bataillon d'incompétents. De la tutelle à la fédération en passant pas leurs relais médiatiques, une opposition farouche a été ainsi dressée contre le plan de redressement du football promis par Schnittegr et son équipe. Une direction technique telle que définie par l'Allemand menaçait bien des intérêts personnels. Une fédération entourée d'une direction technique pourrait déterminer des exigences auprès de la tutelle notamment en matière d'infrastructures et des moyens de formation. Le personnel de la fédération, de son côté, ne tardera pas à exprimer son incompatibilité avec le travail rationnel qui se profilait à l'horizon. Nous avons dès lors assisté à une réticence commune de la part du ministère et de la fédération à coopérer avec l'intelligence. Contrairement à ce qui se passe régulièrement sous d'autres cieux où des directions techniques s'attirent les foudres des professionnels et d'anciens joueurs internationaux, en Algérie, ce sont plutôt les insensés, les égarés, qui osent porter leur «jugement» sur ceux qui ont fait leurs preuves notamment quand l'environnement est favorable. Plus que jamais le football algérien a besoin d'une autorité technique dans laquelle siégeront les véritables compétences du pays. Son rôle consistera à définir la politique globale de la discipline et du modèle de formation à suivre. Elle pourra même rappeler à l'ordre aussi bien la fédération que les staffs techniques des sélections quand elle constate des imperfections. A. Y.