En plus de la crise au Mali et du conflit en Syrie qui étaient, vendredi dernier, au centre des débats lors du 43e Forum économique mondial de Davos, un autre dossier de grande importance a focalisé, hier, l'intérêt des participants, principalement les représentants des organisations non gouvernementales (ONG). Il s'agit des cessions de terres agricoles dans les pays pauvres. Des cessions menées dans l'opacité et accompagnées de violences, selon les participants au forum. La course à la sécurité alimentaire dans certains pays, comme le Qatar, a fait que les terres agricoles sont de plus en plus convoitées avec toutes les conséquences que cette opération engendre pour les pays touchés par ce phénomène. «Les cessions se font trop souvent dans la plus totale opacité, les terres sont cédées par le chef de village et le fermier se retrouve sans ressources», a déclaré à ce sujet Mme Barbara Stocking, présidente de l'ONG Oxfam Grande-Bretagne, lors d'une table ronde sur la sécurité alimentaire. Et d'ajouter qu'«être fermier dans un pays pauvre peut être dangereux, il y a eu des morts», reprise par les agences, faisant référence à des militants au Guatemala abattus il y a 18 mois, pour s'être opposés à des cessions de terres agricoles. Mme Stocking a réclamé une «réglementation légale du droit de la propriété», opposable aux vendeurs et aux investisseurs. En octobre dernier, un rapport de cette ONG a montré que la superficie totale des terres agricoles acquises depuis dix ans permettrait de nourrir un milliard d'humains, autant que de personnes souffrant de la faim dans le monde. L'ONG s'était même alarmée du risque de nouvelle flambée des accaparements de terres du Sud par des investisseurs de pays développés. Des acquisitions largement destinées à produire du biocarburant, au moment ou la rareté de matières premières alimentaires s'accentue dans certain pays en raison notamment des aléas climatiques.Toujours, selon la même source, l'accaparement de terres a pris de l'ampleur avec la flambée des cours des matières premières agricoles. D'ailleurs, le rapport d'Oxfam relève que «les transactions foncières ont triplé lors de la crise des prix alimentaires en 2008 et 2009».Parmi les pays touchés par ce phénomène le Nigeria, dont le ministre de l'Agriculture, Akinwumi Adesina, a annoncé la mise en œuvre d'un registre foncier des terres agricoles. «Nous travaillons aussi sur une base de données des fermiers, ce qui nous permettra d'optimiser la taille des exploitations», a-t-il ajouté. Les participants à cette table ronde, se sont dits globalement confiants dans les capacités de l'industrie agricole à nourrir neuf milliards d'individus d'ici à 2050. «Je suis optimiste», a déclaré Jaidev Shroff, le patron du groupe agrochimique indien UPL (United Phosphorus). «L'agriculture est devenue aujourd'hui un business, et le principal défi est de régler les problèmes logistiques». De nombreux produits agricoles sont en effet jetés, faute de capacité de stockage et de conservation. Le ministre nigérian de l'Agriculture a indiqué à ce sujet que 45% des tomates produites dans son pays devaient être jetées, faute d'infrastructures de stockage ou d'usines de transformation. Selon une récente étude des Nations unies, 1,3 milliard de tonnes de nourriture sont perdues ou gaspillées chaque année. D'où le lancement, la semaine dernière, d'une nouvelle campagne mondiale contre le gaspillage alimentaire. Cette initiative du Programme des Nations unies pour l'environnement (Pnue), la FAO et leurs partenaires, s'inscrit aussi dans la logique des initiatives «Faim Zéro» du Secrétaire général des Nations unies, selon la même source. «La nouvelle campagne cible spécifiquement les aliments gaspillés par les consommateurs, les détaillants et le secteur hôtelier et de la restauration et mobilise l'expertise d'un certain nombre d'organisations, ainsi que (...) les gouvernements nationaux, qui bénéficient d'une expérience notable en matière de ciblage et de modification des pratiques entraînant du gaspillage», a-t-on précisé. Elle vise également, à «accélérer» la lutte contre le gaspillage tout en offrant un portail pour «une vision globale et le partage d'informations» sur les nombreuses initiatives actuellement en cours à travers le monde, a-t-on ajouté. S. I.