Deux années après la chute du régime de Mouammar Kadhafi, la Libye semble rentrée dans un cycle infini d'instabilité. Les frontières avec les voisins algériens, tunisiens, égyptiens et tchadiens sont fermées. Les ports et aéroports fonctionnent au ralentit. Les représentations étrangères, notamment occidentales, sont pour la plupart fermées, notamment après l'attentat meurtrier qui a visé le consulat américain à Benghazi. Il y a eu certes des élections législatives pour former un Parlement de deux cents membres siégeant à Tripoli. Mais ce Parlement est souvent investi par des gens en armes, ce qui le fragilise davantage. C'est dire les difficultés de reconstruction de l'Etat auxquelles sont confrontés les libyens. La ville de Benghazi a connu une série d'attaques contre des intérêts occidentaux, des postes de police et des assassinats de responsables de la sécurité ou d'anciens rebelles. La ville est devenue un repère pour les groupes jihadistes, comme Misrata est devenue une entité «indépendante». Le pays est confronté à une situation politique difficile, et les autorités semblent inaptes pour l'heure à y remédier. Une partie des libyens critiquent les nouvelles autorités, réclamant en particulier plus de décentralisation du pouvoir et une réforme de l'armée et des services de sécurité. En plus des difficultés à contrôler tout le territoire, les nouvelles autorités libyennes semblent avoir du mal à instaurer un système judicaire indispensable à tout processus de construction. La relance de l'économie est confrontée à des entraves. La rédaction d'une Constitution qui devrait définir le futur politique du pays est toujours en suspens, faute de consensus minimum. De fait, les nouvelles autorités libyennes sont confrontées à un défi difficile : la construction d'un nouvel Etat. La chute de l'ancien régime, avec la mort dans des conditions troubles de Kadhafi, a fait en sorte que tout l'Etat-système s'est effondré, laissant le pays dans une instabilité périlleuse. A l'occasion de la seconde année après la chute de l'ancien régime des militants libyens des droits humains reconnaissent que «la démocratie, que réclament les Libyens, est encore un objectif lointain». L'image décrite par certains libyens est celle d'un pays (un des plus vastes du monde arabe), déstabilisé et n'arrivant plus à retrouver ses marques. Les milices armées contrôlent des organes de l'Etat et sont devenues même parties prenantes du processus de prise de décision, estiment des observateurs. Une situation qui complique davantage la transition dans ce pays. Les autorités sont accusées d'avoir échoué face à des milices armées qui font la loi. Ils sont aussi accusés de ne pas pouvoir former une armée et des services de sécurité professionnels unifiés, pour mettre de l'ordre dans le pays. Organisés en milices, les «thowar» qui ont combattu Kadhafi (et revendiquent de ce fait un statut), sont, paradoxalement, considérés comme responsables de l'insécurité ambiante et un élément entravant le processus de reconstruction de l'Etat. Les autorités libyennes actuelles se limitent à des promesses à remédier au désordre sécuritaire et d'accélérer les réformes. «Le chaos sécuritaire coûte énormément au pays», en empêchant notamment le retour des sociétés étrangères qui ont quitté la Libye, reconnait le président de l'Assemblée, Mohamed Megaryef. Il a promis d'accélérer la rédaction de la Constitution ainsi que les réformes dans les domaines de la justice et de la réconciliation nationale. L'homme politique libyen promet de mettre fin à la marginalisation de plusieurs régions en Libye et d'améliorer le niveau de vie des habitants. En attendant que ces multiples promesses se concrétisent dans la réalité difficile des libyens, le pays reste esseulé dans sa crise multidimensionnelle. Les pays occidentaux, dont la France, tête de fil de l'Otan dans la campagne anti Kadhafi, font profil bas. La cérémonie officielle en Libye célébrant le deuxième anniversaire de la chute de l'ancien régime n'a pas vu la participation de Nicholas Sarkozy, ni de Bernard Henry Levy, encore moins de hauts officiers de l'Otan. La Libye stable et démocratique, tant annoncés par ces personnalités dès l'intervention en 2011, est loin d'être à l'ordre du jour. Plus grave, Silvio Berlusconi s'est dit récemment absolument convaincu que ce qui s'est passé en Libye n'était pas une révolution mais une ingérence dans les affaires de ce pays, et il accuse la France d'en avoir été l'instigatrice. Le désordre qui empoigne actuellement la Libye post-Kadhafi contraste avec un secteur qui fonctionne étrangement de façon quasi normal. Le pétrole coule à flot, et les entreprises occidentales d'hydrocarbures continuent leurs activités le plus normalement du monde. De récents rapports font même état que le britannique BP entend investir 45 milliards de dollars dans la prospection en Libye. M. B.