De notre correspondant à Tizi Ouzou Lakhdar Siad Un constat qui crève les yeux : la violence dans toutes ses manifestations verbale et physique dans les arènes sportives d'Algérie est générée par des responsables et des organisations censés protéger le sportif, le supporter et le téléspectateur contre des comportements contraires à l'essence même de la pratique du sport. La violence, instrument favori de gouvernance dans les pays sous-développés, est un moyen de gestion des problèmes pressants pour la sauvegarde et le maintien des leviers du pouvoir par des individus en mal de crédibilité ou d'assises populaires dans le milieu des supporters. Il ne faudra d'ailleurs pas s'étonner que c'est à partir du début de l'ère des tentatives de démocratisation du pays, après les événements d'octobre 1988 et les manœuvres de récupération tragiques que l'on a commencé à entendre parler et à vivre des scènes d'une rare violence dans des villes réputées jusque-là pour le fair-play de leur galerie. L'apparition de ce phénomène qui évolue en fonction des pulsations profondes de la société a aussi coïncidé avec la multiplication des indices de la misère sociale et intellectuelle des Algériens. Dans ce cas, le sport n'a pas échappé aux barons et aux hommes politiques et le stade est transformé par le peuple en exutoire des colères et répressions diverses. Dans ce contexte, le club symbole de la région de Kabylie, la JSK, a connu un traitement exceptionnel de la part des autorités. Porte flambeau de revendications politiques, la JSK a longtemps été et est toujours aux prises avec les milieux politiques locaux et nationaux. Ses innombrables supporters et fans concentrés, dans la région centre-est d'Algérie, se trouvent aussi dans les quatre coins du pays ; un atout pour satisfaire pas mal de convoitises et d'appétits extra-sportifs. La question de la gestion des supporters kabyles, connus partout dans le pays pour leur sportivité même dans les situations hostiles et défavorables, n'a été posée réellement que lorsque la violence a gagné une partie de son public à partir des années 2000. La situation est devenue très dangereuse lorsque le stade du 1er Novembre de la ville de Tizi Ouzou, infrastructure dépassée et loin de refléter la notoriété de la JSK, a été «hissé» en terrain de règlement de comptes politiciens et violents entre divers acteurs locaux soucieux de leurs intérêts de pouvoir et d'argent facile. Pour ce faire, la règle, c'est le recours à la mainmise sur le comité de supporters. De ce fait (c'est le cas des clubs les plus populaires d'Algérie), pour s'assurer le contrôle d'une telle structure devant émaner d'élections démocratiques en assemblée générale des supporters, les conditions de la tenue de cette exigence n'ont jamais été respectées. «On ne sait pas qui élit qui», résume un supporter kabyle. Cette situation a conduit à l'apparition de scènes de violence jamais enregistrées au stade de la JSK. Des agressions à l'arme blanche ont été souvent commises sans suite de la part des «cadres» payés pour assurer sécurité et confort aux spectateurs ; des envahissements de terrain et des violations des règles du jeu ont été maintes fois relevés entraînant la suspension du stade et la délocalisation de la JSK pendant des mois sans que des décisions adéquates et durables soient prises. «Il est impossible pour n'importe quel comité d'avoir de l'influence sur les milliers de supporters de la JSK dans un stade aussi petit, inconfortable et très mal pourvu en conditions de sécurité. Quand vous avez si peu de points de vente de tickets [et la vente des tickets à quelques heures seulement du début des matches avec les queues habituelles], l'absence d'issues de secours fiables, de restauration et de sanitaires en nombre suffisant, on ne peut pas s'en prendre aux seuls supporters qui expriment dans ces conditions leurs émotions comme ils peuvent», affirme de son côté un habitué du 1er Novembre qui «rejette» la gestion policière du phénomène de la violence en milieu sportif. Une façon de dire que la matraque reproduit et répand la violence.