Photo : S. Zoheir Par Hassan Gherab Rien ne va au service de pédiatrie du Mansourah, EHS de Sidi Mabrouk, à Constantine. Les hostilités sont ouvertes entre le médecin-chef, le Pr Allas H., et le collectif des médecins, résidents et permanents, du service, à tel point où ces derniers, après avoir exprimé leurs griefs qu'ils ont transmis à tous les responsables du secteur et n'avoir reçu aucun écho, se sont résolus à durcir le ton en recourant à la grève. Après un contact téléphonique, les représentants du collectif nous ont envoyé par mail leurs motivations et leur revendication, car elle est seule et unique : ils demandent le départ du médecin-chef. «Face à l'attitude, notamment le déni affiché par le médecin-chef du service et vu les antécédents infructueux de nombreuses tentatives de règlement à l'amiable du conflit existant depuis des années dans le service et qui en réalité n'a fait qu'empirer, l'ensemble des médecins contestataires ont voté à l'unanimité la poursuite du mouvement de protestation afin de demander la suspension du Pr Allas de son poste de responsable de service […], ainsi, à partir du 17 mars, une grève cyclique de 3 jours par semaine débutera le 17, 18, 19 mars puis le 26, 27, 28 mars si aucune réponse positive à nos revendication n'est donnée ; suivie d'une grève de 4 jours par semaine les 31 mars et 1, 2, 3 avril puis les 8, 9, 10, 11 avril. Et en l'absence de suite, la grève deviendra illimitée à partir du 14 avril prochain. Seul le service minimum sera assuré», écrit le Collectif des médecins protestataires (permanents et résidents) du Service de pédiatrie du Mansourah, EHS de Sidi Mabrouk, à Constantine, dans le communiqué qu'il nous a transmis. Des copies de ce communiqué ont été transmises au directeur général de l'EHS SMK, au président du conseil scientifique de l'EHS SMK, au doyen de la faculté de médecine de Constantine, au président de la commission paritaire, à l'Inspection du travail, au ministre de la Santé et au ministre de l'Enseignement supérieur. Par ailleurs, dans une autre missive adressée au directeur de la Santé de la wilaya de Constantine, les médecins permanents (professeurs, maîtres-assistants et praticiens spécialistes de santé publique) du Mansourah détaillent les griefs qu'ils reprochent à leur responsable. «Au vu de la situation précaire dans laquelle se trouve notre service actuellement, nous venons aujourd'hui et en ultime recours vous saisir officiellement par la présente requête pour attirer votre attention sur les graves problèmes causés par le médecin-chef du service de pédiatrie. On a constaté, en particulier ces derniers mois, un manque de respect flagrant de la part du médecin-chef à notre égard. Ce dernier n'a pas cessé de nous humilier, de dénigrer notre travail, d'une façon quasi-continue devant l'ensemble du corps médical et paramédical du service et même devant les malades. A ce titre, il saisit le staff du matin en particulier mais aussi les différentes séances pédagogiques (cours, séances de dossiers) pour nous humilier (moqueries, propos de diffamation, insultes…) tout en discutant de notre vie privée devant l'assistance sans aucune retenue (situation familiale, nombre d'enfants, travail du conjoint, grossesse en cours…). Cette même personne traite d'une façon inéquitable et provocante l'ensemble des médecins (nombre variable de gardes, attribution de gardes supplémentaires, changements inopinés et fréquents d'affectations à visée punitive…), déclarent-ils. S'agissant de la gestion du service, les médecins parlent tout simplement de «mauvaise gestion et dilapidation des biens publics». «Nous vous signalons que des équipements sophistiqués et très onéreux (EEG, Fibroscopie digestive, PH-mètre) ont été acquis depuis quelques années par l'EHS au profit de notre service sur demande du médecin-chef et qu'ils n'ont jamais servis alors que le malade les réalise en ambulatoire à coût de milliers de dinars !» «Par ailleurs, nous vous signalons que toutes les décisions médicales ou d'autre ordre sont prises de manière unilatérale par le médecin-chef […], ce service est devenu une véritable monarchie, à ce titre, nous vous rapportons les propos qu'il ne cesse de nous répéter : “je suis le ministre, je suis le directeur de la santé et de la population et je suis la République, je fais ce que je veux, c'est mon service, si vous n'êtes pas contents, partez, démissionnez…” En définitive, nous vous prions monsieur le directeur de la santé, de bien vouloir intervenir dans les plus brefs délais pour mettre fin à ces abus et à ces dépassements inadmissibles et à cette grande anarchie dans laquelle nous travaillons actuellement en exigeant le départ pur et simple de ce médecin-chef peu scrupuleux et despote», conclut la lettre. Les mêmes reproches sont énumérés par la représentante des médecins permanents du service de pédiatrie du Mansourah qui affirme qu'ils sont le premier motif de la grève «dont l'unique revendication demeure le départ du médecin-chef actuel du service de pédiatrie». «Nous subissons au quotidien un harcèlement moral des plus tenaces […]. Chaque jour est une nouvelle occasion d'humiliation publique où différents médecins essuient l'avanie en affrontant les discours injurieux du médecin-chef devant le personnel médical, paramédical, le corps estudiantin et même les parents de malades et ce sur un ton menaçant et provocateur. Les rencontres scientifiques (staff, cours, visites et séances de dossiers) deviennent le théâtre d'un monologue injurieux à la fois inutile et insipide où il est question de tout sauf de malade ou de maladie […]. Des propos dévalorisants sont aussi relatés n'épargnant aucun médecin quel que soit son grade, nous traitant d'incompétents, d'inutiles, de bras-cassés en présence d'étudiants, du corps paramédical et même de parents de malades avec qui il critique nos conduites thérapeutiques à notre insu en osant accuser les médecins de tuer les enfants… des propos amenant quelques fois les parents à retirer leurs enfants contre avis médical dans un climat de méfiance et de déception totale […]. A l'évidence de tels dépassements suscitent l'interrogation des médecins qui interpellent leur médecin-chef en demandant réparation sinon explication et qui auront pour seule et unique réponse : “C'est mon service, je fais ce que je veux, je suis intouchable ; indétrônable ; je suis la loi ; je suis le ministre ; je suis la République. À qui ne plaise partez ; démissionnez ; ne travaillez pas chez moi. Echkiw (plaignez-vous, Ndlr) au doyen, echkiw au ministre. Je suis prof médecin-chef sur titre. Wahed ma'y tayerni (personne ne me fera sauter)” […], les internes, médecins généralistes et spécialistes de demain n'ont pas accès à la consultation, même de loin, dans le meilleur des cas ils sont réduits à des agents de bureau donnant les tickets aux malades ou avec beaucoup de chance ils pourrons peser un malade, ailleurs, ils font le travail des archivistes et des commis de salle… oui nos internes ont même fait le ménage». La pédiatre précise que ce mouvement n'est pas le premier du genre. Des rapports similaires ont été déjà fait auparavant donnant à chaque fois une nouvelle chance au médecin-chef, mais, malheureusement, en vain. Même son de cloche chez la représentante des médecins résidents qui dira que «les nombreux problèmes qu'ils vivent au quotidien au niveau de l'établissement, les ont amené à déclencher ce mouvement de protestation à l'encontre du premier responsable, car la situation est devenue plus qu'insupportable et incompatible avec l'exercice de leurs tâches dans cet hôpital […]. Il faut nous trouver une solution définitive à cette situation misérable qu'on est entrain de vivre depuis des années». C'est pour ça que cette fois-ci, on n'a pas demandé autre chose que le départ de notre chef, ajoutera-t-elle. Précisons que la réaction du Collectif des médecins protestataires (permanents et résidents) du Service de pédiatrie du Mansourah, EHS de Sidi Mabrouk, à Constantine, nous ont contacté suite à la publication par notre journal d'extraits d'une lettre que le Pr Allas avait adressé, au cours du mois de février dernier, au directeur de la santé de la wilaya. Dans sa missive, le médecin-chef charge tout le personnel médical de son service, l'accusant de saborder son travail et de bloquer la bonne marche du service. «Je ne terminerai pas cette lettre de réponse sans préciser les tensions psychologiques que je subis au quotidien, compte tenu des conditions de travail […], du manque de matériel et médicaments d'urgence et surtout du manque d'assiduité observé par la quasi-totalité du corps médical, m'obligeant à plusieurs reprises de rédiger des déclarations d'absence ou d'abandon de poste aux rapports de garde, aux consultations et astreintes de l'après-midi et particulièrement aux séances d'enseignements. Sans plus tarder, je vous prie, Monsieur le directeur, de bien vouloir diligenter, dans les meilleurs délais, une commission d'enquête chargée d'inspecter le service qui m'est confié et vérifier sur le terrain la véracité de tous mes propos». On notera que les deux parties s'accordent au moins sur la nécessité d'une commission d'enquête. Les différentes directions et tutelles sont informées et devraient donc réagir pour désamorcer la situation et mettre fin à cette grève tournante. Des décisions et des sanctions s'imposent. Il faut espérer que ceux qui ont la charge de les prendre le fassent, même si ça doit trancher dans le vif et faire tomber des têtes.