Sur fond de crise mondiale, la question de l'intégration économique du Maghreb a surgi une nouvelle fois comme un impératif dicté par la géo-économie et les nouvelles données qui commencent à s'installer sur l'échiquier international. C'est, en fait, lors de la visite effectuée par le patron du Fonds monétaire international que le sujet a refait surface même si les tentatives de réanimer ce bloc régional ont été au centre de plusieurs politiques. L'intervention du big boss de l'institution multilatérale, Dominique Strauss-Kahn, vient nous rappeler encore une fois qu'un gisement énorme demeure jusqu'à aujourd'hui inexploité. Il s'agit tout simplement de la complémentarité économique qui pourrait naître de la fusion de plusieurs potentialités existantes dans les quatre coins du Maghreb. Le patron du FMI, qui a ainsi visité deux pays de la région (Libye et Tunisie), a tenté, à sa manière, de soulever la question de l'intégration économique et même d'inciter les responsables à engager des actions dans ce sens. Cette institution, qui reconnaît «l'existence de facteurs de développement considérables dans les pays du Maghreb qui ne demandent qu'à être valorisés», est «disposée à appuyer» cette intégration maghrébine, affirme le patron du FMI. Ce dernier, qui a voulu pousser le bouchon un peu plus loin, a pressé les pays de la région, de dépasser les entraves politiques, pour «concrétiser leur intégration économique». Il a estimé ainsi que «des progrès tangibles sont entrepris par les pays de la région dans ce sens, mais il reste encore du chemin à faire», en appelant à «surmonter l'adversité de l'environnement international actuel». Le directeur du FMI n'en est pas resté là dans son évaluation de la situation. D'après sa vision des choses, «ce n'est pas compliqué de concevoir qu'ils appliquent à eux-mêmes les relations qu'ils ont avec les pays de l'Union européenne» sur le commerce et la suppression des tarifs douaniers. Le FMI considère que le volet politique dans la question reste décisif. «La question est de savoir si l'on est capable d'avancer sur les dossiers économiques même lorsqu'il reste des différends politiques», s'est-il demandé en citant les entraves au commerce, les projets d'infrastructures communes et divers projets privés restés en suspens. «Chaque pays a tendance à rester chez lui. On est loin du compte», a-t-il soutenu. Même si les déclarations du directeur du FMI viennent encore une fois apparaître au grand jour nous rappelant le triste sort réservé à cette union dont l'acte de naissance avait été signé il y a maintenant près de deux décades, il n'en demeure pas moins que la réalité est plus complexe et plus profonde. Car, au-delà des questions politiques, les observateurs ne cachent pas que les économies de ces pays demeurent de nature extractives et dépendent énormément de ressources volatiles tels que les conditions climatiques, le marché pétrolier, etc. Les pays du Maghreb n'ont pas su aussi assurer la formation de véritables agents de l'économie de marché qui pourraient créer une dynamique économique, reconnaît-on. Cela a donné naissance à un commerce régional ne dépassant pas les 3% du total des échanges des cinq pays du Maghreb (Algérie, Libye, Mauritanie, Maroc et Tunisie) au moment où ils effectuent près de 80% de leurs échanges avec l'Union européenne. Les pays du Maghreb semblent se tourner le dos au moment même où les pays du Golfe ont franchi des pas géants dans la complémentarité économique. Ainsi, résume-t-on, cette intégration nécessite, outre la volonté politique, la mise en place de nouveaux dispositifs et de mécanismes juridiques adaptés au contexte actuel mais également l'association de la société civile dans cette construction. Une banque maghrébine en 2009 Pour évoquer certaines actions qui méritent d'être citées, il y a lieu de mettre en relief le projet annoncé la semaine dernière lors de la tenue de la Conférence sur les progrès de l'intégration régionale et la promotion des projets communs au Maghreb, en Libye. Les cinq pays de la région envisagent, en fait, de rendre opérationnelle une banque maghrébine, en 2009, selon un plan d'action. Cette banque a été recommandée par le Fonds monétaire international (FMI). Le communiqué final, rapporté par les agences, recommande d'«œuvrer à rendre opérationnelle la Banque maghrébine de l'investissement et du commerce extérieur (Bmice) au cours de l'année 2009». Lundi dernier, le directeur général du FMI avait appelé à l'accélération de la mise en place de la banque maghrébine pour faciliter la création de projets communs. La création de cette banque avait été décidée, en 1991, et son statut a été établi, sans toutefois que cette institution soit opérationnelle. Dans leur plan d'action, les participants composés essentiellement des ministres des Finances et des gouverneurs des Banques centrales des pays du Maghreb ont recommandé, par ailleurs, d'«élargir les champs d'application des préférences tarifaires, telles qu'accordées à l'Union européenne, au commerce inter-Maghreb», la libéralisation de l'accès des produits aux marchés du Maghreb et l'accélération de la construction d'une autoroute et d'une voie ferrée transmaghrébines. Enfin, il y a lieu de dire que la constitution des blocs régionaux ne constitue pas uniquement une contrainte économique mais vise beaucoup plus. Les enseignements de la crise financière peuvent l'attester. Faire face à des menaces économiques ou à des crises qui dépassent même les capacités des différentes économies n'est plus du ressort des Etats mais des blocs régionaux comme c'est le cas actuellement de l'Europe, des Etats-Unis, des pays émergents ou ceux de l'Amérique latine d'autant plus que ces blocs sont considérés comme des boucliers face à ces risques qui se feront de plus en plus sentir. S. B.