De notre envoyée spéciale à Djanet Mekioussa Chekir à 23 ans, il porte sur ses épaules la lourde responsabilité de la sauvegarde et de la perpétuité du legs de son père, Athmane Baly, emporté par la crue d'un oued à Djanet, un certain 17 juin 2005. Nebil Baly en est très conscient et c'est non sans émotion qu'il se souvient du dernier concert joué avec son père, l'année de sa mort, à la salle Ibn Zeydoun (Alger). «Sans que je m'y attende, il s'est adressé à la salle pour leur dire : ‘‘je vous présente celui qui va prendre la relève, Baly junior. C'est lui qui va reprendre le flambeau de la chanson targuie''», se souvient Nebil, qui a eu l'amabilité de nous recevoir chez lui à Djanet. Cette annonce prémonitoire ne tarda pas à devenir réalité avec la mort, quelques semaines plus tard, de celui qui a su porter au-delà des frontières ce genre musical ancestral. Son fils, à la guitare ou au luth, l'avait accompagné dans ses nombreuses sorties, que ce soit en Algérie ou à l'étranger. Il se rappelle particulièrement la tournée occidentale effectuée avec le célèbre compositeur et jazzman Jean-Marc Padovani. «Depuis la disparition de mon père, c'est une lourde responsabilité pour moi que de représenter la chanson targuie, de parler de ses contraintes. Il faut transmettre cette musique pour garantir sa survie et la faire davantage connaître. Cela n'est pas toujours évident notamment lorsqu'il s'agit d'un public étranger. Nous essayons de faire de notre mieux.» Comme une bonne partie de sa génération, le jeune Nebil est très porté sur la musique dite moderne, celle qui est dominée par les sonorités de la guitare électrique, même si l'âme du genre dit traditionnel est sauvegardée. A 23 ans, le successeur de Athmane Baly s'est engagé à poursuivre l'œuvre remarquable de son père et à achever celle qui n'a pu l'être du vivant de ce dernier. «Il y a des chansons qu'il n'a pas achevées datant des années 70 qui ont été reprises en 2008. Elles n'ont pas encore été diffusées en Algérie, cela dépendra de la maison d'édition.». Avec l'ami de toujours et producteur du défunt Athmane, Steve Shehan, son fils prépare un album qui doit sortir en 2009. Il devrait contenir certaines chansons non encore composées. Tous deux doivent présenter un concert programmé pour les 18 et 19 décembre prochain à Paris, intitulé Assikel, de Bali à Baly (voyage en targui). «Ce sera un concert où se mêleront les sonorités africaines, occidentales et autres. Ce qui est intéressant avec Steve Shehan, c'est qu'il est toujours possible d'innover et d'oser des mélanges de genres», dira Nebil. Quand on lui demande ce qu'il pense de ce festival dédié à la musique targuie, il rétorque : «C'est une sorte d'hommage à mon père, à travers par exemple les grandes affiches qui portent sa photo.» Cela étant, le projet d'une œuvre signée du fils en hommage au père est en gestation, nous informera le concerné. «Athmane Baly a su donner une place à la musique targuie sur la scène internationale. Il a fait aimer cette musique et cette mélodie aux Algériens et aux étrangers.» Tout comme son aîné, Nebil va s'essayer à transmettre l'âme du tindi en arabe, voire dans d'autres langues. Il faut dire que, chez les Baly, la musique est une histoire de famille et Nebil n'est pas le seul à avoir vocation d'artiste. Sa sœur, fille unique de Athmane, joue du violon et chante dans la chorale féminine. Le plus jeune des garçons est saxophoniste. «Il nous arrive souvent de créer en famille notre chorale et de jouer», témoigne l'épouse du défunt Athmane Baly. Car d'autres membres de la grande famille des Othmani sont aussi versés dans l'art, chacun dans son domaine. Plus de trois ans après la disparition tragique de l'ambassadeur de la musique targuie, Djanet ne se résout toujours pas à cette absence de taille. Les qualités morales, humaines et professionnelles de cet enfant prodige sont souvent remémorées par ceux qui l'ont connu, de près ou de loin. Ceux qui ont aimé Athmane Baly voient en Nebil sa réincarnation et espèrent que son envol vers la célébrité ne sera pas rompu aussi promptement et brutalement que celui de son père.