Le programme des représentations théâtrales hors compétition du Festival national du théâtre professionnel (Fntp 2013) a débuté avec la représentation, samedi soir dernier à la salle El Mouggar, de la pièce de la troupe tunisienne Clandistine Prod intitulée Iltifef, mise en scène et écrite par Walid Daghsni. Pendant près d'une heure, la pièce aborde dans sa thématique la situation, existentialiste, sociale et politique dans la Tunisie post révolutionnaire. Ainsi, le printemps arabe fait place à l'hiver des incertitudes et de déluge des opportunismes de tout bord. Dans un décor épuré, avec pour seul accessoire scénique une spirale en noir et blanc dessinée sur les planches où évoluent les comédiens Makram Alssanhouri et Mounir Amari. Le ton de la pièce est donné dès le lever de rideau avec la déclamation des vers poétiques signés de la plume acérée de Djamel Slili. Le metteur en scène a privilégié de mettre en avant le jeu des comédiens et une scénographie basée sur les effets sonores, la musique et les jeux de lumière. Une démarche qui a porté ses fruits grâce à la maîtrise technique, permettant au son et à la lumière d'être de véritables outils dramatiques au service des situations scéniques. Il est à saluer la prestation dynamique d'Alssanhouri Makram et Mounir Amari, qui ont enchainé avec un rythme endiablé, les différents tableaux ou a été condensée la succession des événements qui marquent la Tunisie depuis une année. Les comédiens occupent l'espace, souvent dans un mouvement incessant avec un déluge de tirades, dont la verve est dénonciatrice. Il est à noter la dominance du grotesque dans le jeu théâtral, telle une catharsis, pour exprimer le paradoxe de la situation que vivent les personnages mis en scène mais aussi les peuples des pays en quête de démocratie. Une sorte de caricature de la réalité afin de mieux faire parvenir le message de la pièce qui se veut alarmiste et revendicatif. Ainsi à travers les différents éléments scéniques, le public est entraîné dans cette vertigineuse spirale des évènements qui ont marqué ces derniers mois la Tunisie. Une agitation du verbe et du corps tel un miroir à l'agitation régnant non seulement en Tunisie, mais aussi dans d'autres pays arabes. Thématiquement parlant, le verbe se veut critique et dénonciateur, personne n'est épargné, du peuple qui a baissé la garde, au révolutionnaire de pacotille qui tente de confisquer le sang et les larmes versés par le peuple, des élections bâclées, et surtout une élite clouée au pilori par son inconstance, son opportunisme et sa versatilité. Ainsi, à travers Iltifef Walid Daghsni offre sur les planches sa perception de l'évolution de la situation suite à la révolution menacée d'être confisquée. Une manière d'alerter et de tirer la sonnette d'alarme pour dire que la révolution n'est pas encore terminée, quelle est toujours en marche et que ce n'est pas le moment de baisser la garde. S. B.