De notre envoyée spéciale à Doha Faouzia Ababsa Dans son allocution faite devant les chefs d'Etat et gouvernement participant au sommet international sur le financement du développement, le président Abdelaziz Bouteflika a mis en exergue les contradictions et l'inefficience du système financier international qui a mené à la crise économique et financière, voire à la récession pour certains pays développés. Auparavant, le chef de l'Etat était revenu sur la déclaration de Monterry. Il dira qu'en dépit de ses insuffisances et de ses imperfections, elle a constitué un moment privilégié du dialogue international pour le développement. «Pour la première fois, en effet, pays développés, pays en développement, institutions internationales, entreprises du secteur privé et organisations de la société civile ont trouvé un langage commun pour sortir de l'immobilisme et se sont accordés sur un diagnostic et quelques lignes d'action en vue d'atteindre les Objectifs du millénaire en 2015». C'est à cette même occasion, a fait remarquer Abdelaziz Bouteflika, que la communauté internationale a reconnu qu'à côté des flux financiers privés et principalement des investissements directs étrangers, l'aide publique au développement devait constituer une source essentielle de financement du développement, particulièrement en Afrique. Or, estime le président de la République, nul n'est sans savoir que les investissements directs étrangers (IDE) «sont non seulement concentrés sur un certain nombre de pays, mais portent également sur un nombre restreint de secteurs d'activité.» En effet, pendant plusieurs années, les investissements directs étrangers n'ont pas franchi la barre de 1%. Aussi les aides publiques au développement (APD) constituent-elles, souligne-t-il, «un apport essentiel pour ces pays qui font face à des défis multiples en matière d'infrastructures de base, de lutte contre la pauvreté, d'éducation, de santé et même, depuis quelques années, de changement climatique […]». Sept ans plus tard, les participants de Monterry se retrouvent à Doha pour examiner l'état d'application de la conférence du Mexique en 2002. Le président de la République affirmera que, depuis, quelques progrès «ont été enregistrés en ce qui concerne les flux de financement privés en direction des pays en développement, la part appréciable qu'occupent désormais les flux commerciaux générés par les pays en développement dans le commerce mondial, le rôle croissant de la coopération Sud-Sud et l'augmentation significative du volume d'APD provenant des pays en développement émergents». Cependant, le président de la République n'a pas fait dans la suffisance ou l'autosatisfaction. Il a tenu, au contraire, à rappeler à la communauté internationale ses engagements qu'elle n'a pas respectés : «Il reste toutefois que les promesses de la communauté international en termes d'APD sont loin d'être tenues.» Il ajoutera que «tout en visant la qualité et l'efficacité de cette aide, il ne faudra pas perdre de vue l'importance de son augmentation substantielle, afin de nous rapprocher des objectifs de développement internationaux». Abdelaziz Bouteflika soulignera également l'échec cuisant du cycle de Doha. Lequel pénalise, selon lui, d'abord «les plus vulnérables qui voient chaque jour s'éloigner un peu plus les perspectives d'accès de leurs produits sur les marchés des pays développés». Le chef de l'Etat reviendra à la charge par rapport au commerce international en appelant à faciliter l'entrée à l'OMC des pays en développement qui négocient actuellement leur adhésion à cette organisation, «afin de progresser vers un système commercial international, universel, équitable et non discriminatoire». Il estime que l'intégration des pays en développement dans l'économie mondiale reste la solution qui leur permette de «tirer profit des bénéfices de la mondialisation, et elle tarde à se concrétiser». Plus grave, dira-t-il encore, «il est même à craindre qu'un certain nombre de pays, les plus faibles et les plus démunis, ne reçoivent de la mondialisation que ses retombées négatives». Dans le même sillage, le chef de l'Etat aura un verdict sans appel à l'encontre des institutions de Bretton Woods dont il a appelé à la réforme : «Déjà insuffisamment à l'écoute des préoccupations des pays en développement, ce système a montré son impuissance face à la spéculation excessive.» Il en veut pour preuve le fait que «la crise financière sans précédent que nous traversons aujourd'hui a mis à nu les insuffisances de l'actuelle architecture financière internationale. L'assèchement du crédit à l'économie, qu'elle a induit, a déjà fait entrer les pays riches dans la récession, dont ils ne maîtrisent ni les contours ni la durée ni encore moins les effets». D'où l'impérieuse nécessité de réformer, selon lui, les structures financières internationales en y réservant une place importante aux pays africains et ceux émergents ou en voie de développement. Le président de la République fera remarquer que la résolution de la crise financière internationale n'est pas l'unique défi qui attend la communauté internationale. Il ne faudra justement pas qu'elle fasse oublier l'autre danger qui guette la planète, et particulièrement les pays pauvres qui sont devenus les premières victimes des gaz à effet de serre et le réceptacle des déchets du monde : le réchauffement climatique. «La crise financière actuelle ne doit ni occulter nos engagements dans le cadre du protocole de Kyoto ni nous pousser vers le protectionnisme […].» Enfin, le président algérien plaidera, comme il y a 30 ans, «pour des relations internationales plus justes et plus équitable».