De notre envoyée spéciale à Doha Faouzia Ababsa Rencontré dans les coulisses de l'hôtel Sheraton de Doha, le président du G24, Adib Mayalah, était loin d'afficher l'optimisme de certains chefs d'Etat, de gouvernement, et de ministres quant à la résolution de la crise financière internationale. C'est sans doute ce qui a décidé, hier, le G24 à adopter la proposition algérienne portant mise en place d'un comité de liaison entre le G24 et le G20. Une réunion préliminaire a déjà eu lieu, en marge du sommet de Doha avec les représentants de l'Algérie, du Brésil, du Mexique, de l'Argentine, du Venezuela. «Nous nous sommes mis d'accord sur les échanges d'informations et de propositions pour les discuter dans une autre réunion préliminaire avant le rendez-vous de Londres pour les intégrer dans les débats du G20. A charge pour les pays développés, notamment la France, d'appliquer ce qu'a dit M. Sarkozy, dans son intervention à l'ouverture du sommet, à propos de la participation des pays en développement aux côtés des pays avancés dans la prise de décision.» Quant à sa réserve en ce qui concerne la capacité des pays riches de résoudre la crise sans l'implication des pays émergeants, elle trouve ses raisons dans l'échec du sommet de Monterry tenu au Mexique en 2002 et qui n'a pas atteint ses objectifs. M. Mayalah nous a affirmé que Monterry avait appelé au renforcement de la surveillance par le FMI de tous les pays membres. Toutefois, cette surveillance est restée asymétrique en ce sens que l'accent a été mis sur les pays en développement, omettant de porter leur attention sur les vulnérabilités des pays avancés. «Monterry a souligné l'importance d'une coordination macroéconomique pour garantir une plus grande stabilité mondiale et une réduction de la volatilité des taux de changes», a affirmé M. Mayalah qui est également gouverneur de la Banque centrale syrienne. Lequel, déçu, a précisé que, compte tenu de l'accumulation des déséquilibres mondiaux, Monterry n'a pas réalisé ses objectifs. Ce même sommet de Monterry a également insisté sur la nécessité d'accorder, selon le gouverneur de la Banque centrale syrienne, les facilités d'accès aux ressources financières du FMI pour permettre aux pays en développement de résister aux effets de l'instabilité et aux risques de contagion. «En dépit des récents progrès, beaucoup d'efforts sont encore requis», nous dira encore Adib Mayalah. Et d'ajouter : «D'autre part et malgré les longues discussions et négociations sur l'examen du mécanisme international en vue de trouver une solution à la dette pour assurer un partage équitable des charges et réduire les risques, aucun accord n'a pu être obtenu sur un mécanisme de restructuration de la dette.» Interrogé sur la particularité de la rencontre de Doha, le président du G24 a affirmé que les réunions se tenaient dans des «conditions extraordinaires. Nous sommes en train de traverser une crise importante. On parle présentement d'une récession qui touche essentiellement les pays développés, mais qui va avoir des répercussions extrêmement graves sur les pays en développement. Les premiers disposent des moyens nécessaires. Ils peuvent, par conséquent, se mobiliser pour affronter ce type de crise. Ce qui n'est malheureusement pas le cas pour les pays en développement». Le président du G24 ajoutera qu'il était impératif que ces derniers soient associés aux prises de décision internationales. «Le G24 est tout à fait disposé à faire partie d'un processus pour participer aux délibérations internationales comme celle du G20 qui se tiendra à Londres au début du mois d'avril 2009.» Revenant, sur le rejet par les Etats-Unis d'une partie du projet de déclaration finale, M. Mayalah ne semblait pas étonné. «Il est tout à fait normal qu'ils opposent une fin de non-recevoir, car les réformes profondes des institutions de Bretton Woods remettent en cause les intérêts des Américains.» En revanche, la France, comme présidente de l'Union européenne, est tout à fait d'accord pour que les pays africains, pays en développement, soient partie prenante des rencontres, notamment celle du G20. A la question de savoir si le sommet de Doha allait sortir avec des propositions concrètes à même de résorber cette crise, le gouverneur de la Banque centrale syrienne, presque dépité, dira : «Cela reste un souhait. Il faut dire que les pays développés éprouvent des difficultés pour trouver des liquidités afin de financer leurs économies et injecter de l'argent dans leurs systèmes bancaires. Aussi, je suis certain que l'aide au développement viendra en deuxième position.» Le président du G24 ajoutera, rejoignant ainsi le point de vue de beaucoup de participants, qu'il ne faudrait pas que les pays avancés mettent sur le dos des pays pétroliers la responsabilité de la crise. Celle-ci est claire, elle trouve son origine dans les appétits sans fin du système monétaire américain, notamment des cinq grandes banques.