Le gouvernement turc a menacé hier, de recourir à l'armée pour éteindre la contestation antigouvernementale qui agite le pays depuis plus de deux semaines, alors que deux puissants syndicats ont appelé à la grève générale pour soutenir les manifestants. Au lendemain de la démonstration de force du Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, devant plus de 100 000 partisans, son vice-Premier ministre, Bülent Arinç, a durci le ton en envisageant de mobiliser les forces armées pour ramener le calme dans la rue. La police «usera de tous les moyens qui lui sont conférés par la loi», a déclaré M. Arinç dans un entretien accordé à la chaîne de télévision A Haber. «Si cela ne suffit pas, même les forces armées turques peuvent être utilisées dans les villes sous l'autorité des gouverneurs» de régions, a-t-il averti. Gardienne autoproclamée de la Turquie laïque, l'armée turque est longtemps intervenue dans la vie politique, notamment par des coups d'Etat. M. Erdogan est parvenue à la mettre au pas à coups de procès. La mise en garde du gouvernement est tombée alors que la Confédération syndicale des ouvriers révolutionnaires (DISK) et de la Confédération syndicale des salariés du secteur public (KESK) ont décidé de monter dans le train de la contestation, en difficulté depuis la chute de son bastion du parc Gezi d'Istanbul samedi. Comme elles l'ont déjà fait le 5 juin dernier, ces deux organisations classées à gauche ont lancé un appel à la grève et prévu de faire descendre hier leurs militants dans les rues. En début d'après-midi, plusieurs milliers de personnes se rassemblaient en deux cohortes distinctes de part et d'autre de la place Taksim avec l'intention de la rejoindre. Vidée de ses occupants par une intervention musclée de la police samedi soir, cette place emblématique est bouclée par les forces de l'ordre. Tout au long de la journée de dimanche, la police a repoussé les manifestants qui tentaient de s'en approcher à grand renforts de gaz lacrymogènes et de canons à eau. Pressé d'en finir avec la pire fronde qu'il essuie depuis son arrivée au pouvoir en 2002, le gouvernement turc a menacé de réprimer les défilés syndicaux de lundi. Très virulent, le Premier ministre a également promis de poursuivre tous les «responsables» de la contestation, même les médecins qui ont soignés les manifestants blessés ou les hôtels de luxe qui les ont accueillis. Signe de la fermeté des autorités, près de 600 manifestants ont été arrêtés dimanche à Istanbul et Ankara, selon les barreaux des deux villes. Comme celle qui a lancé la contestation dans toute la Turquie le 31 mai, l'intervention de la police dans le parc Gezi samedi soir a fait descendre des dizaines de milliers de personnes dans les rues d'Istanbul, d'Ankara et Izmir. Hier, la chancelière allemande, Angela Merkel, a jugé «beaucoup trop dure» la répression des manifestations turques. «Ce qui se passe actuellement en Turquie ne correspond pas, selon moi, à notre conception de la liberté de manifestation et d'expression des opinions», a-t-elle jugé. R. I.