Hadj Mansour Abtouche, ancien gardien de but, entraîneur et président de la JSK est décédé hier à l'âge de 93 ans. Il sera inhumé aujourd'hui à Tizi Ouzou. Hadj Mansour Abtouche, ancien gardien de but, entraîneur et président de la JSK est décédé hier à l'âge de 93 ans. Il sera inhumé aujourd'hui à Tizi Ouzou. Cet ancien gardien de but du grand Mouloudia d'Alger des années 40 n'a pas hésité à rejoindre la JSK dès la création de l'équipe kabyle en 46. Depuis, il a été de toutes les batailles d'abord en tant que joueur, ensuite en tant qu'entraîneur puis en tant que premier président de la JSK post-indépendance. Hadj Abtouche tirera sa révérence lorsqu'il était convaincu qu'avec feu Abdelkader Khalef, le club était entre de bonnes mains. Nous vous livrerons en exclusivité le dernier témoignage de Mansour Abtouche sur la JSK au cours d'un entretien accordé au Buteur au lendemain du troisième sacre en Coupe de la CAF en 2002. Appréciez ! Voici son dernier entretien accordé au Buteur Cette JSK qui plane actuellement sur l'Afrique et qui multiplie les titres nationaux et internationaux ne s'est pas faite en une journée. Depuis 1928 et la création du premier club de Tizi Ouzou, Le Raid en l'occurrence, un long, très long chemin a été parcouru «pour faire de la JSK le porte-flambeau de toute la Wilaya III, c'est-à-dire la Kabylie, pas seulement de la ville de Tizi Ouzou», dixit El Hadj Mansour Abtouche, le dernier dirigeant de la première heure encore en vie et dont le témoignage s'avère très précieux. En effet, qui mieux que Abouche, l'ancien gardien de but, entraîneur puis premier président de la JSK post-indépendance pourrait nous retracer l'histoire, la vraie, de la Jeunesse Sportive de Kabylie ? A 85 ans, il était difficile à Abtouche de se remémorer toutes les péripéties de l'histoire du club le plus titré d'Algérie. Victime tout récemment d'un accident vasculaire, Abtouche parlait difficilement et ne comprenait nos questions que grâce à son fils qui les lui criait à l'oreille. C'est dans une petite maison sur les hauteurs de la ville de Tizi en allant vers la montagne de Redjaouna qu'on est allé chercher El Hadj Abtouche. Même fatigué, ce dernier a tenu à venir parler aux journalistes pour rectifier certaines erreurs de l'histoire. A l'arrière-boutique de la boulangerie de ses enfants et assis sur des caisses, la discussion a débuté. Une discussion passionnante qui nous a plongés dans le début du siècle dernier et les tout premiers pas de ce qui deviendra plus tard la JSK. «En 62, je savais que la JSK allait être une grande équipe» En plus d'être le président de la JSK, Abtouche s'était vu confier à l'époque par M. Mohammedi Saïd, ministre des Anciens moudjahidine, la mission de relancer le sport dans toute la Kabylie. La première tâche a été de restaurer le stade Oukil-Ramdane. «Le stade servait de lieu de regroupement aux militaires français pendant la révolution, il était dans un piteux état. Mais grâce à l'élan de solidarité de toute une population, on a pu l'aménager en un temps record afin de permettre à la JSJK d'avoir un stade où recevoir ses adversaires. Le club vivotait grâce aux cotisations des dirigeants et aux aides des supporters. Le premier équipement de la JSJK a été acheté en France grâce à une subvention de 600.000 anciens francs (6.000 FF)», se rappelait Abtouche qui, malgré les difficultés, avait déjà prédit quelque chose de grandiose… A cette époque-là déjà, il savait que la JSK allait devenir une grande équipe. «De par l'engouement qu'elle suscitait auprès de la population, de par sa position de porte-flambeau du football en Kabylie et de par le dévouement de ses dirigeants, la JSK avait tout pour devenir une grande équipe. Je savais qu'elle allait devenir une grande équipe et je suis fier d'avoir participé à l'édification de cette JSK qui gagne», nous a dit Abtouche qui a raccroché en 1972, une année avant que son équipe de toujours gagne le championnat d'Algérie, le premier d'une longue liste de titres nationaux et internationaux qui font aujourd'hui la fierté de toute l'Algérie. «Le vrai bâtisseur, c'est Abdelkader Khalef» «Je n'ai laissé la présidence de la JSK que lorsque j'étais convaincu qu'elle était entre de bonnes mains. Le regretté Abdelkader Khalef sera le véritable bâtisseur de la JSK actuelle. Moi, je n'ai fait que mon devoir», ne cessait-il de répéter, presque gêné de parler de lui-même. «Ma grande satisfaction aujourd'hui est non seulement de voir la JSK gagner des titres, mais de la voir à l'abri du besoin, et ce sur tous les plans. Je demande à tous les dirigeants de conserver ce patrimoine qui nous est très cher à tous.» C'est par ce cri du cœur que le dernier témoin de l'historie du grand club kabyle a terminé sa discussion avec nous. Il était fatigué, malade, mais fier d'avoir fait la JSK. M. S. Abtouche nous raconte sa JSK A l'instar du Mouloudia à Alger et du CSC à Constantine, la Kabylie voulait créer sa propre équipe composée exclusivement de musulmans. A l'époque, il n'y avait que l'OTO (Olympique de Tizi Ouzou), équipe constituée majoritairement de colons. C'est en 1928 donc que naquit le Rapid de Tizi Ouzou sous l'impulsion de Hadj Chikhaoui. C'était le troisième club musulman du pays, qui malheureusement ne dura qu'une seule saison. Il sera réactivé quelques années plus tard sous le nom de RCTO sans pour autant survivre aux coups de boutoir de l'administration coloniale qui ne voulait pas d'une tribune politique supplémentaire dans les arènes sportives. «J'ai signé au Mouloudia grâce à Hadj M'rizek» Durant cette période, Abtouche évoluait dans l'équipe des colons l'OTO «car il n'y avait pas de clubs musulmans à Tizi Ouzou. D'ailleurs à la première occasion, j'ai quitté l'OTO pour aller jouer au Mouloudia d'Alger. Comment ? Au cours d'une fête familiale, Hadj M'rizek, le grand chanteur de l'époque, qui était en même temps dirigeant du Mouloudia, m'a proposé d'aller défendre les couleurs du MCA. C'était en 1935. On m'a proposé également un poste de travail comme chef d'équipe chez Hadj Tiar, à Alger», raconte l'ancien goal du Mouloudia avec nostalgie. «La Kabylie avait besoin de moi, je ne pouvais pas dire non» Dans la capitale, Abtouche passera les meilleurs moments de sa carrière de joueur. «Une fois que la JSK a été créée en 1946, j'ai signé sans me poser de question, tout en m'excusant auprès des dirigeants mouloudéens. La Kabylie avait besoin de moi, je ne pouvais me dérober», dira-t-il avec fierté. Tout en gardant les buts de la première équipe de la JSK, Abtouche, de par son expérience au Moulouda, a été l'un des membres précurseurs de la JSK et un dirigeant actif. C'est lui qui a embauché plusieurs joueurs kabyles chez Hadj Tiar. «En Kabylie, le chômage faisait des ravages. J'ai donc profité de mon poste de chef d'équipe pour faire travailler les joueurs de la JSK.» «La JSK a été dès le départ le porte-flambeau de la Kabylie» «Dès le départ, on voulait donner à la JS Kabylie un cachet régional. « Si on a appelé notre club Jeunesse Sportive de Kabylie, c'est parce qu'on ne voulait pas le limiter à la seule ville de Tizi Ouzou, on voulait en faire le porte-drapeau de toute la Kabyle», dira Abtouche qui se rappelle les premiers balbutiements du club kabyle.» La JSK a été la continuité du Rapid de Tizi Ouzou fondé par Chikhaoui. Les fondateurs authentiques sont donc Hadj Chikhaoui, Hassen Harchaoui et Amar Mekacher. Avant de débuter dans le championnat, la JSK, sous l'égide de la Confédération générale des travailleurs (CGT), le syndicat de l'époque, participait à un championnat corporatif de travailleurs entre 39 et 45, et ce pour contourner les lois rigides de l'époque. Ferré, le sous-préfet de Tizi Ouzou, s'est opposé fermement à la création de la JSK qui, pour lui, était un club militantiste et nationaliste. «La JSK est née après deux tentatives avortées» «Un député musulman a donc intercédé en notre faveur auprès de Maurice Torrès, un député de la France métropolitaine, lequel est intervenu pour que l'agrément nous soit délivré. La JSK est enfin née après deux tentatives avortées.» Les membres fondateurs du club étaient, entre autres, Ramdane Abbès, Oumerzouk Mohamed et Hadj Ramdane Kara. Les débuts de la JSK coïncideront avec l'approche de la fin de carrière de Abtouche, ce qui le poussera à opter pour ce club. Par la suite, il passera de l'autre côté de la barrière jusqu'à l'arrêt des compétitions sportives décrété par le FLN, avant d'être le premier président de la JSK après l'Indépendance. M. S. Hannachi : «C'était un grand Monsieur » «C'est avec une grande consternation que j'ai appris la nouvelle du décès d'El Hadj Abtouche. C'était un grand Monsieur et une grande personnalité. Beaucoup ne le savent pas, mais Abtouche a énormément aidé la JSK à ses débuts, c'est lui qui a aidé au démarrage du club et cela avec ses propres moyens. Cela, on ne doit jamais l'oublier et c'est pour cette raison que le club lui sera redevable et reconnaissant à jamais. C'est pour toutes ces raisons que les gens doivent faire en sorte que son enterrement soit grandiose, à la mesure de l'homme qu'il a été. Personnellement, je présente mes excuses à sa famille car il se pourrait que je rate l'enterrement car à l'heure où je vous parle, je me trouve en France et je ne rentrerai que demain (ndlr : propos recueillis hier) en début d'après-midi. En tous les cas, de l'aéroport je rejoindrai directement le domicile de Abtouche pour présenter mes condoléances et, ce jeudi, à l'occasion du match face au CABBA, une minute de silence sera observée à sa mémoire.» Khalef : «Il a toujours été un rassembleur» «Je tiens d'abord à présenter mes condoléances à toute la famille Abtouche. Je vais d'ailleurs appeler le frère de Hadj Mansour Si Ali pour le faire et lui présenter mes excuses, parce que je ne pourrais pas assister à l'enterrement puisque je serai demain à Amman pour travailler. Ce que je peux dire de Hadj Mansour c'est qu'il était un grand homme très estimé en Kabylie et en dehors de la Kabylie. Il a été le véritable rassembleur car à chaque fois il tentait d'apaiser les esprits au sein du comité des sages dont il faisait partie jusqu'à sa mort. Après avoir été gardien de but et entraîneur de la JSK, il a été le premier président du club après l'Indépendance. Même s'il y avait très peu de moyens à l'époque, il a eu le mérite de faire démarrer l'équipe. Avec le décès de Hadj Mansour, c'est tout un pan de l'histoire de la JSK qui s'en va.» Condoléances Le comité directeur de la JSK, à sa tête le président, Moh Chérif Hannachi, les staffs techniques et l'ensemble des athlètes, très attristés par le décès de El Hadj Mansour Abtouche, présentent à sa famille leurs sincères condoléances et l'assurent de leur profonde sympathie. A Dieu nous appartenons et à Lui nous retournons. Condoléances Les dirigeants du Mouloudia ont appris avec consternation le décès de leur ami et frère Abtouche Mansour, ancien gardien de but au MCA dans les années quarante et le début des années cinquante. En cette douloureuse circonstance les responsables mouloudéens présentent à la famille du défunt leurs condoléances les plus attristées et les assurent de leur profonde sympathie. A Dieu nous appartenons, et à Lui Nous retournons.