C'est un honneur d'entraîner l'Algérie, mais je n'ai pas encore été contacté Ne soyez pas injuste avec Belhadj, car il a encore beaucoup de talent et de qualités à faire valoir Bora Milutinović est un véritable globe-trotter et l'un des plus sollicités pour garantir une participation au Mondial. Ce Serbe d'origine, qui possède aussi la nationalité mexicaine, est le seul entraîneur à avoir qualifié quatre pays différents à une phase finale de Coupe du monde et à y avoir dirigé cinq équipes différentes (le Mexique en 1986, le Costa Rica en 1990, les Etats-Unis en 1994, le Nigeria en 1998 et la Chine en 2002). En pratique, Milutinović a qualifié pour la coupe du monde toutes les équipes nationales qu'il a dirigées. Ce qui a fait dire à Franz Beckenbauer qu'il avait sa place parmi les trois meilleurs entraîneurs de tous les temps. Ce qui n'est pas rien, venant du Kaizer ! C'est cet homme qui est déjà entré dans la légende collective du monde du football que Le Buteur s'est «payé» pour un entretien exclusif. Il a été question, bien évidemment, de la possibilité de le voir entraîner l'Equipe d'Algérie, comme l'ont répété bon nombre de gens. Qui de mieux que Bora himself pour nous éclairer ? Appréciez. Avant tout, nous tenons à vous remercier de nous avoir accordé ce privilège de pouvoir vous faire parler au sujet de l'Algérie… C'est avec un grand plaisir que je m'adresse aux Algériens, car vous êtes un grand peuple que j'admire beaucoup. C'est pour cela que j'ai accepté cet entretien destiné aux lecteurs de votre journal. C'est très gentil de votre part. Entrons d'emblée dans le vif du sujet qui nous intéresse vous concernant. Après la démission de Rabah Saâdane, il a été question de vous faire appel pour prendre en main la sélection algérienne. Un commentaire sur ce point ? C'est très flatteur ce que vous dites à mon sujet. Ce serait un honneur pour moi d'entraîner l'équipe d'Algérie un jour. Mais très sincèrement, je n'ai encore reçu aucune offre de la part des responsables du football algérien. Il n'y a rien de concret, mis à part cet intérêt dont vous me faites part. C'est cela la vérité au jour d'aujourd'hui. Et je tiens, à cet effet, à remercier vivement tous les Algériens qui ont pensé à moi pour succéder à l'entraîneur démissionnaire. Vous affirmez que vous n'avez jamais été contacté par le président de la Fédération algérienne de football ? Non, personne ne m'a contacté à ce jour. Comment s'appelle le président de votre fédération ? Mohamed Raouraoua… Désolé, je ne le connais pas. Je n'ai jamais été contacté par qui que ce soit à ce sujet. Et si demain vous recevez une offre de sa part, accepteriez-vous ? Sincèrement, actuellement, je ne suis pas disponible pour assurer une telle mission. Pourquoi refuser, alors que vous nous avez dit que vous seriez honoré de diriger un jour l'Equipe d'Algérie ? Je l'ai dit et je le répèterai mille fois. Ce sera un honneur pour moi de prendre en main la sélection algérienne. Mais c'est impossible pour moi actuellement, car je suis pris par le dossier de la candidature du Qatar dont je suis l'ambassadeur, pour l'organisation de la Coupe du monde de 2022. Mais est-ce que cette mission vous empêchera de donner votre accord pour la FAF ? Evidemment, cela m'empêchera de répondre positivement à une telle offre. Je voyage beaucoup ces derniers temps et je suis très pris par le dossier de la candidature du Qatar. J'attends avec une très grande impatience le jour de la délibération (en décembre, ndlr). On espère vivement que ce sera le Qatar qui sera choisi pour ce Mondial. Mais je pense que je ne suis pas le seul à attendre ce jour avec autant d'impatience. Il y a aussi beaucoup de gens, notamment les pays arabes dont l'Algérie fait partie. Vous devriez comprendre aisément ce que je ressens. Sans aucun doute. Et pensez-vous réellement que le Qatar a de grandes chances de décrocher cette victoire devant des concurrents aussi puissants que les USA, le Japon, la Corée du Sud et l'Australie ? Bien sûr que le Qatar a des chances. Nous en sommes très confiants même ! Pour votre information, la commission d'inspection de la FIFA a visité les installations sur place et croyez-moi, les membres qui sont venus ont été subjugués par le travail réalisé et le projet du Qatar tout entier. Ils sont repartis très satisfaits de la candidature du Qatar. Comment ne pas être confiant après cette visite ? Les sceptiques évoquent souvent la chaleur suffocante qui règne au Qatar, surtout en été… Il n'y aura aucun problème sur ce plan, puisque tous les stades seront climatisés grâce à des panneaux solaires qui contribueront au respect de l'écologie. Cela va faire oublier la chaleur qui règnera dehors. De plus, les commodités envisagées pour parer à ce souci seront tellement importantes que ni les joueurs ni les visiteurs ne seront gênés par la chaleur. Je vous assure qu'il n'y aura aucun problème dans ce sens. Supposons que la FAF vous fasse appel après le mois de décembre pour diriger l'équipe d'Algérie, quelle serait votre réponse à ce moment-là ? Je pense que les responsables de la Fédération algérienne n'attendront pas jusqu'au mois de décembre pour conclure avec un entraîneur. Je suis sûr qu'ils peuvent même trouver un entraîneur meilleur que moi. Il vaudrait mieux en reparler après le mois de décembre. On va vous embêter un peu plus en restant sur le même sujet. Pensez-vous être capable de réussir avec la sélection d'Algérie ? Vous savez, moi, je suis peut-être un entraîneur très connu qui possède une grande expérience dans ce métier, mais je ne peux pas assurer la réussite. Par contre, je peux vous assurer que je suis en mesure de monter une équipe solide et compétitive. Surtout que l'Algérie possède une bonne équipe avec de très bonnes individualités. Il manque juste un peu d'expérience et de la confiance. Et cela peut venir avec le temps. Que pensez-vous de la prestation des Algériens pendant le Mondial 2010 ? Je pense sincèrement qu'ils pouvaient faire un peu mieux que ça. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ? Face à la Slovénie et aux USA, les Algériens auraient pu gagner leur match s'ils avaient un peu plus de métier. C'est l'expérience qui leur a fait défaut. De plus, j'ai noté quelques carences physiques chez certains de vos joueurs. Ce sont des choses qui ne pardonnent pas en Coupe du monde. Que pensez-vous de la démission de Rabah Saâdane ? Je ne voudrais pas me mêler de ce qui ne me regarde pas. Je dirai juste qu'il a fait du bon travail dans cette équipe et qu'il méritait certainement de rester un peu plus longtemps. Mais on si on l'a poussé à démissionner, c'est parce que l'équipe avait enchaîné une série de mauvais résultats après le Mondial… Les mauvais résultats après le Mondial, ce n'est pas à l'entraîneur seul d'en assumer la responsabilité, mais les joueurs aussi ont leur part dans cet échec. Il ne faut pas lui mettre tout sur le dos. Saâdane a été remplacé par Benchikha. Vous connaissez cet entraîneur ? Non, je n'ai pas eu l'occasion de le connaître, mais puisque la Fédération algérienne lui a fait confiance, cela veut dire qu'il a les qualités pour assumer ses responsabilités. EN tout cas, je lui souhaite beaucoup de succès dans sa mission. Beaucoup d'encre a coulé au sujet de Nadir Belhadj et son engagement avec Al Sadd du Qatar. Etes-vous pour ou contre sa décision ? La décision lui appartient avant tout. Mais personnellement, j'ai suivi plusieurs matchs de Nadir Belhadj ici à Qatar et je peux vous assurer qu'il a encore toutes les qualités qu'on lui connaissait en Europe. Il a encore beaucoup de talent et de qualités à faire valoir. Mais pourquoi fait-on cette fixation au sujet de Belhadj ? Parce que les supporteurs algériens pensent qu'il aurait encore progressé davantage s'il était resté en Europe, pas à Qatar où le niveau est nettement inférieur… C'est vrai que le niveau des championnats en Europe est plus relevé, mais celui du Qatar aussi n'est pas mal non plus. En témoigne le nombre de grands joueurs qui évoluent dans ce championnat, notamment des récents mondialistes. Le public algérien n'arrive pas encore à expliquer comment les Verts qui ont joué le Mondial sud-africain ont pu être accrochés par la Tanzanie à domicile et perdre contre la République centrafricaine, deux sélections parmi les plus modestes au monde. Comment pourriez-vous expliquer cela ? Il ne faut pas être surpris dans un match de football. Car aujourd'hui, il n'y a plus d'équipes faibles et d'autres fortes. On doit toujours faire avec le match nul, la victoire et la défaite. C'est le sort de tout match de football. Mais le plus important est de ne jamais abdiquer. Ne jamais baisser les bras, quel que soit le résultat enregistré. Je suis persuadé que l'équipe d'Algérie a les capacités pour revenir en force dans ces éliminatoires. Mais cela ne va pas être facile face à un adversaire aussi coriace que le Maroc, non ? Tous les matchs sont difficiles, quel que soit l'adversaire que vous avez en face. Si vous avez confiance et que les joueurs qui composent l'équipe sont bons, alors vous n'avez aucune crainte à vous faire face au Maroc ou aux autres adversaires. Il suffit de jouer avec un esprit de guerrier et la culture de la gagne. Maintenant si vous vous attardez à regarder la taille des adversaires, leur histoire et les joueurs que vous allez affronter, soyez sûrs que vos calculs seront faussés. Je ne dis pas qu'il ne faut pas étudier l'adversaire en détails, mais il faut garder en tête que c'est sur le terrain que se fera la différence. Un dernier mot avant de se quitter ? Merci pour cet entretien qui m'offre l'occasion de souhaiter aux Algériens des victoires pour assurer une belle qualification à la CAN 2012 et même en Coupe du monde 2014 au Brésil.