«Je veux être le deuxième Algérien à brandir la Coupe d'Europe» « Avec la qualité qu'il y a en sélection, c'est sûr qu'on peut aller en Coupe du monde » Depuis quelque temps, la comparaison entre Sofiane Feghouli et Rabah Madjer est devenue presque inévitable. Des deux côtés de la Méditerranée et depuis que Valence avance dans la compétition européenne, les journalistes ne s'empêchent pas de rappeler le parcours de Madjer à chaque fois qu'ils parlent de Feghouli. En plus de la Coupe d'Europe, les deux joueurs portent le numéro 8 en club. Star d'une saison à Valence, Madjer a été oublié notamment par les plus jeunes parmi les supporters « Chés ». Il a fallu que Feghouli gagne des galons à Valence et qu'il honore sa première sélection avec les Verts pour qu'on reparle encore de Rabah Madjer. Feghouli est naturellement très honoré d'être comparé à un aussi grand joueur, mais comme il nous le dit dans cet entretien, il veut écrire sa propre histoire, que ce soit à Valence ou en Equipe nationale. Il portera désormais le numéro 10 Bien malgré lui, Sofiane Feghouli a été l'objet d'une polémique en héritant, sans l'avoir demandé, du numéro 15, resté l'apanage de Karim Ziani durant de longues années. Conscients que ce choix de lui donner le numéro 15 peut être mal interprété, les responsables de l'Equipe nationale lui préparent déjà un maillot à sa taille floqué du numéro 10, pour les prochains matchs de la sélection. Un numéro qui va bien à Feghouli, considéré comme le nouveau patron de la sélection pour les années à venir. Il défiera ce soir le Real à Bernabeu Ce soir à 21h 30, le FC Valence rendra visite au tout puissant Real Madrid. Un match qui fait rêver pas mal de joueurs, mais pas Feghouli qui considère cette rencontre comme une occasion de prendre des points pour se rapprocher des objectifs du club. Une étonnante insouciance qui a permis à l'international algérien de tirer son épingle du jeu à chaque fois qu'il affrontait les deux grands d'Espagne, et qui lui permettra ce soir encore de nous sortir un grand match. -------- Merci Sofiane de nous accueillir de nouveau ici à Valence. Non, y a pas de problème, c'est toujours un plaisir de recevoir un compatriote. Au lendemain d'une belle qualification en demi-finale de l'Europa League, on voudrait bien vous demander de revenir un peu sur la rencontre face à l'AZ Alkmaar… Avant d'entamer cette compétition, notre objectif était clair : arriver en finale. Aujourd'hui on est en demi-finale après avoir éliminé de très bonnes équipes. Hier, on a écarté l'AZ Alkmaar en jouant bien et en dominant le match. On a été costauds en défense et dangereux à chaque fois qu'on se rapprochait des buts adverses et qu'on changeait de rythme. Cela ne veut pas dire que l'adversaire n'était pas bon, au contraire, au match aller ils nous ont battus et mené la vie dure. Comment jugez-vous votre prestation hier ? Je suis satisfait de ma prestation. Je me suis donné à fond comme d'habitude, j'ai pu toucher beaucoup de ballons. J'ai essayé de jouer mon jeu porté vers l'offensive, j'ai provoqué. Au bout, il y a eu la réussite, j'espère que ça va continuer. On dit souvent que le public est le meilleur juge, ce dernier vous a réservé une standing-ovation au moment de votre changement. Qu'est-ce que ça vous fait ? Le public de Valence est très exigeant, il demande toujours beaucoup aux joueurs. C'est pour eux aussi qu'on se donne à fond. C'est bien d'être ovationné comme ça par le public de Mestalla, cela veut dire que je suis dans la bonne direction. J'espère que ça continuera. Sur le premier but qui a débloqué la situation, tout le monde a accouru vers le buteur, Rami, sauf Jordi Alba qui est venu le premier pour vous féliciter… Le normal c'est que les joueurs vont vers le buteur, mais comme Jordi Alba était près de moi, il est venu me féliciter pour avoir donné à Rami la balle de but. On est une équipe et peu importe celui qui marque ou celui qui donne la passe, le plus important c'est que l'équipe gagne. Si aujourd'hui, on est en demi-finale et qu'on réalise une bonne saison en championnat c'est par rapport à ça, on forme réellement un groupe uni. Lorsqu'on est en demi-finale d'une coupe européenne, accorde-t-on de l'importance au nom de l'adversaire ? Personnellement, je ne donne pas d'importance à ça car à ce niveau de la compétition, tous les adversaires sont très forts. Si une équipe arrive en demi-finale de l'Europa League c'est qu'elle le mérite. L'Atlético Madrid, c'est très solide avec de belles individualités, mais nous aussi nous sommes le FC Valence et nous allons tout faire pour arriver en finale. Ça va être deux matchs très compliqués, mais j'espère qu'on ira au bout. A la fin du match en zone mixte, on vous a vu rigoler avec le président, M. Manuel Llorente. Qu'est-ce qu'il vous disait ? La preuve que le président est proche des joueurs et c'est une chance pour nous. Personnellement, j'ai de très bons rapports avec lui. Mais qu'est-ce qu'il vous disait ? Il m'a félicité, il nous a tous félicités et il était très heureux de la qualification, c'est tout. Savez-vous que vous êtes sans doute le troisième Algérien à atteindre les demi-finales d'une compétition européenne après Madjer avec Porto et Hemdani avec Marseille et les Rangers. Quel est votre sentiment ? On m'en a parlé oui, mais je ne vais pas me contenter d'une demi-finale, j'espère être le deuxième joueur algérien à brandir la Coupe d'Europe. Avant votre remplacement, on vous a vu essoufflé. Est-ce si difficile d'enchaîner des matchs tous les trois jours ? C'est vrai qu'il est difficile d'enchaîner des matchs comme ça tous les trois jours avec très peu de récupération. L'organisme souffre énormément, mais quand on joue le haut niveau on se doit d'être performant à chaque fois comme le font toutes les très grandes équipes. Et puis, il vaut mieux être sur le terrain que sur le banc, non ? En tant que compétiteur, je préfère jouer tous les trois jours. J'aime le football, les gros matchs. Je préfère ça que jouer une fois par semaine. Vous allez justement enchaîner dès dimanche avec un gros match contre le Real. Jouer contre une telle équipe au Bernabeu fait-il vraiment rêver ? Mon souci c'est d'essayer de prendre des points même face au Real. Ils sont premiers, on est troisièmes, ça sera forcément un match très dur. Peu importe qui est en face, on ira à Madrid pour jouer un football offensif, jouer pour marquer en espérant revenir à la maison avec un résultat positif. Estimez-vous Valence capable de stopper le Real Madrid comme l'a fait Malaga, il y a peu ? On va jouer pour la gagne comme d'habitude avec une grosse envie de faire un résultat positif. On sait que le match sera difficile pour nous, mais comme on n'a rien à perdre, on ira là-bas avec une grosse détermination. Si Valence se qualifie en finale incha'Allah, vous allez enchaîner les matchs tous les trois jours jusqu'à la mi-mai pour ensuite entamer un stage avec l'Equipe nationale pour préparer trois matchs très importants pour l'avenir du football algérien. Ne craignez-vous pas d'arriver lessivé aux éliminatoires du Mondial et de la CAN ? Ce sont les exigences du haut niveau, et le haut niveau c'est 50 à 60 matchs par saison. C'est comme ça et il va falloir que je m'y habitue. Je ne pense pas encore à la sélection parce que c'est encore loin, je me concentre pour le moment sur mes objectifs en club en faisant attention à mon hygiène de vie. J'espère arriver en sélection et apporter ma contribution pour pouvoir réaliser de bons résultats, mais pour le moment je suis concentré avec Valence en espérant réaliser nos objectifs aussi. Depuis très peu de temps, Ghezzal a emménagé juste en face de vous. Comment ça se passe avec lui ? Avec Kader, ça se passe très bien, on est très proches. Je suis très content de ce qui lui arrive avec Levante, ça se passe bien pour lui et il en est heureux. Entre frères algériens, on est très solidaires. Vous arrive-t-il de parler de la sélection ? Oui, mais on n'est pas tous les jours ensemble par rapport à nos calendriers respectifs. On parle de tout et aussi de la sélection. L'autre jour, vous vous êtes lancé un pari avant le derby Valence – Levante. Le match s'étant soldé par un nul, qui a payé le dîner en fin de compte ? (Il rit franchement.) Comme d'habitude, c'est toujours moi qui paye. Kader a des oursins dans les poches, chaque fois qu'il y met la main, ça le pique. Voilà, c'est moi qui ai payé. Comment il est, Kader ? Toujours très souriant et de bonne humeur. C'est vraiment quelqu'un de très très bien. Il y a deux jours, Saâdane a dit textuellement qu'il avait envisagé de vous prendre pour la Coupe du monde 2010 avec l'équipe d'Algérie. Aviez-vous eu un contact direct avec lui ? Ça remonte à un petit moment maintenant. Il y a eu effectivement un contact entre la fédération et mon conseiller, mais comme je sortais d'une grosse blessure, j'ai décliné l'offre. Je ne pouvais pas me permettre d'aller en sélection, blessé. Je ne voulais pas non plus y aller avec très peu de matchs dans les jambes. Enfin, je n'aurais pas été fier d'aller en Coupe du monde sans avoir participé aux éliminatoires dès le début. Ce n'était pas le bon moment pour moi d'y aller. J'ai toujours dit que la sélection, je la rejoindrai lorsque je me sentirai capable d'apporter quelque chose. Donc, dès que j'ai commencé à avoir du temps de jeu avec Valence, j'ai dit oui au sélectionneur. Vous comprenez qu'on soit un peu surpris qu'un jeune de 20 ans refuse de jouer une Coupe du monde qu'on lui offrait sur un plateau… Je ne peux pas aller en sélection tant que je sens que je ne peux pas apporter un plus au groupe. Ma santé passait avant tout, il ne servait à rien de prendre des risques alors que je sortais d'une grave blessure au genou. C'était la meilleure décision pour moi et pour l'Equipe nationale. Je voulais participer à un projet depuis le commencement, et c'est le cas aujourd'hui avec ce match de la Gambie. Même avec deux courts regroupements en sélection, vous avez eu le temps de connaître le groupe. L'estimez-vous capable d'aller une seconde fois en Coupe du monde ? Absolument ! Il y a une grande générosité chez les joueurs, il y a aussi beaucoup de qualité. On a donc les moyens de se qualifier à la prochaine Coupe d'Afrique et en Coupe du monde, et on fera tout pour y arriver. Première sélection, un but, une belle prestation. Vous ne pouviez pas espérer mieux, n'est-ce pas ? L'équipe a réalisé un grand match malgré les conditions difficiles. On est passés par plusieurs moments d'émotion avec ce but valable de Guedioura refusé par l'arbitre, l'ouverture du score des Gambiens et, enfin, notre réaction qui nous a permis de renverser une situation très compliquée. Moi, je n'ai jamais lâché et j'ai pu marquer pour ma première sélection. Tous les joueurs qui débutent en Afrique se plaignent des conditions de jeu, mais pas vous. Qu'est-ce qui s'est passé dans votre tête avant et pendant le match ? Je savais qu'en Afrique c'est toujours compliqué, mais je savais aussi que ça fait partie du jeu. Quel que soit le contexte, je savais que j'étais en train de défendre les couleurs du pays et c'est cela qui m'a permis de me donner à fond. On nous a dit que les nouveaux sélectionnés ont eu droit au traditionnel bizutage. Etait-ce votre cas ? Rien de particulier, non. On ne vous a rien demandé ? Si, j'ai dû faire un discours devant tous les joueurs et j'ai juste dit que j'étais content d'être là. Certains joueurs ont chanté une chanson, moi j'ai préféré le discours. Pourquoi ? Parce que je ne sais pas chanter. Depuis le match de la Gambie, on parle de vous comme du futur meneur de jeu, du futur patron de l'Equipe nationale. Cela vous met-il la pression ? C'est plutôt dans les médias qu'on parle de ça. Si on dit ça de moi, c'est qu'on pense que je peux être important dans le groupe. Mais moi, je suis dans ma petite bulle, qu'on parle en bien ou en mal de moi. La pression, je me la mets moi-même en voulant toujours aller le plus haut possible, que ce soit avec l'Equipe nationale ou avec Valence. J'essaie de faire mon travail du mieux que je peux. Quand je rentre sur un terrain, c'est toujours avec une grande envie et une grande détermination d'être le meilleur. Mesbah pense qu'on doit vous laisser tranquille et vous laisser prendre tranquillement vos galons petit à petit parce que vous venez à peine de débarquer… Chacun a sa manière de voir les choses. Je respecte beaucoup Djamel et son point de vue, mais comme je viens de vous le dire, moi je ne donne pas d'importance à ce qui se dit depuis l'extérieur. Le plus important, c'est que la sélection progresse et vit bien quel que soit mon rôle dans le groupe. C'est le collectif qui m'importe le plus. Mon souci c'est de travailler tous les jours pour être meilleur à chaque fois et pour aller loin avec la sélection. En parlant de Mesbah, qu'est-ce que ça fait de savoir qu'un compatriote joue au grand Milan AC ? Ça fait déjà énormément plaisir pour Djamel et pour l'Equipe nationale. C'est quelqu'un de très bien, très humble. J'espère voir d'autres joueurs algériens dans les meilleurs clubs d'Europe car il y a de la qualité en Equipe nationale. J'espère aussi que Mesbah réalise une grande saison et termine champion d'Italie avec Milan. Il nous a dit l'autre jour que son statut de joueur du Milan n'a rien changé à sa situation en sélection où il est considéré comme un joueur parmi d'autres. Est-ce le cas aussi pour vous qui jouez à Valence, un grand d'Europe ? En sélection, tout le monde est sur un pied d'égalité, on est tous là pour un même objectif : bien représenter notre pays. Celui qui joue doit se donner à fond, celui qui est sur le banc doit se préparer à rentrer à tout moment et à apporter un plus. Ce n'est que de cette manière qu'on peut aller loin. Il ne faut surtout pas changer cet état d'esprit car c'est ça qui nous permettra d'aller très haut comme l'a fait la génération qui était là avant nous. C'est ce même état d'esprit qui va pouvoir contribuer à nous qualifier à la prochaine Coupe d'Afrique et à la Coupe du monde. Vous jouez à Valence, il a joué à Valence, vous vous apprêtez à remporter une Coupe d'Europe, il l'a déjà gagnée avec Porto, vous portez le numéro 8 à Valence, il a toujours revêtu le 8 à Porto. La comparaison est devenue inévitable avec Rabah Madjer. Vous voyez-vous comme son héritier naturel ? Tout d'abord, je respecte beaucoup ce qu'il a fait. Quand on parle du football algérien, on parle toujours de Madjer et cela me fait plaisir en tant qu'Algérien. Ce fut un très grand joueur. Moi, pour ma part, j'essaye de faire ma propre carrière, je veux faire comme il a fait, voire mieux. Non, je ne me considère pas comme l'héritier de Madjer, je m'appelle Sofiane Feghouli et je veux écrire ma propre histoire. Avec votre niveau de jeu, cette saison, il y aura sans doute des clubs qui vont s'intéresser à vous. Envisagez-vous un départ de Valence dans un avenir proche ou privilégiez-vous la stabilité en restant encore ici ? A Valence, ça se passe très bien pour moi. On fait une très bonne saison, on est troisièmes en championnat et qualifiés pour les demi-finales de l'Europa League, et en Coupe du Roi, on a été éliminés par Barcelone. Vous voyez bien que ce n'est pas du tout le moment de parler de transfert. Même si au bout il y aura une victoire finale en Europa League ? Qu'on la gagne ou pas, j'espère continuer le plus longtemps possible à Valence. ------ Un bon jus d'orange avec Ghezzal à Valence Quelques moments avant d'aller à Mestalla pour suivre et couvrir le match de l'Europa League, entre le FC Valence et l'AZ Alkmaar, nous nous sommes attablés à un café, à deux stations du métro du stade de Valence, pour casser la croûte et prendre un bon jus d'orange valencien, une contrée connue pour ses fertiles orangeraies. De l'autre côté de la vitrine, une tête qu'on connaît bien passait par là. C'était Abdelkader Ghezzal accompagné de son frère venu lui rendre visite. L'attaquant de Levante était tout content de rencontrer des compatriotes et, fidèle à son caractère joyeux, il s'est attablé avec nous pour discuter de l'Algérie et du football. A travers cette discussion très passionnante, on s'est vite rendu compte que Ghezzal est heureux de sa nouvelle vie à Valence et de son statut à Levante qui lui permet d'avoir du temps de jeu. Ghezzal n'avait pas programmé de voir le match, mais il a été heureux de nous rencontrer et de partager un bon jus d'orange avec nous. Comme un bon Algérien, il a tenu à payer la note et démentir ainsi les déclarations de Feghouli (lire l'interview).