Son menu de rêve pour le ramadhan Durant votre carrière d'entraîneur, avez-vous eu un problème avec des joueurs à cause de jeûne de Ramadhan ? Oui, ça m'est arrivé durant ma carrière professionnelle en Europe. C'était avec l'entraîneur Alain Perrin au FC Troyes. Ils disaient aux joueurs musulmans : «Si vous voulez jouer, vous ne devez pas jeûner.» Comme le Ramadhan est sacré pour nous, j'avais refusé de m'abstenir de jeûner, quitte à être chassé du club. Je n'étais pas le seul dans cette situation. D'ailleurs, les concernés avaient été mis à l'écart durant un mois et demi. A Troyes, il y avait un moment où vous étiez 7 Algériens en même temps. Avez-vous été tous mis à l'écart à cause du Ramadhan ? Il faut préciser qu'il y avait deux catégories de jeûneurs : ceux qui se permettent de manger les jours de match sous prétexte qu'en France, ils faisaient ça depuis leur jeune âge, et ceux qui ne veulent pas transiger avec cette question. Moi, je me suis informé auprès de imams et de oulémas et ils m'ont dit tous la même chose : quand tu es chez toi, dans ta ville, il n'y a aucune raison qui justifie que tu ne jeûnes pas. Il faut observer le jeûne même si tu exerces un métier pénible et Dieu t'aidera. En revanche, quand tu joues un match à l'extérieur, dans une autre ville, tu peux manger car cela entre dans la catégorie des voyageurs. Donc, je mangeais uniquement lorsque nous étions en déplacement. Lorsque nous jouiions à domicile, je jeûnais. Comme des coéquipiers musulmans n'en faisaient pas de même, cela avait créé une polémique avec l'entraîneur. Aviez-vous une astuce pour gérer vos efforts durant les entraînements et, surtout, durant les matches ? Vous savez, tout réside dans la façon de s'alimenter. En temps normal, il y a trois repas : le petit-déjeûner, le déjeûner et le dîner. Durant le Ramadhan, il suffit de reproduire le même schéma. Ainsi, à l'heure du f'tour, il faut manger légèrement, comme au petit-déjeûner : un peu de chorba, un bourek et une petite salade. Après la prière de tarawih, vers minuit, il faut manger un plat de résistance, de préférence des sucres lents, comme au déjeûner : des pâtes ou du riz. En plus de cela, il faut boire un maximum d'eau, entre deux ou trois bouteilles, avant de récupérer de la déshydratation de la journée. De nos joueurs, il y a même des boissons de récupération ainsi que des fortifiants. Tout cela aide à faire de la récupération même la nuit. Le troisième et dernier repas, équivalant au dîner, est le s'hour. Là aussi, il faut manger des plats qui sont lents à être assimilés afin de tenir toute la journée Avec la sélection nationale, avez-vous subi un jour des pressions pour manger le jour d'un match très important ? Non, jamais. D'ailleurs, le seul match vraiment important que j'ai disputé avec les Verts en période de Ramadhan a été celui face à la Zambie en 2009. Justement, ce match avait vu les Verts jeûner ensemble en stage durant une semaine. Quel gardez-vous de cette semaine-là ? Chacun de nous aurait aimé passer le Ramadhan chez lui, mais nous avions une cause à défendre, celle d'une qualification de l'Algérie au Mondial. Il y avait le jeûne d'un côté et la pression des supporters de l'autre, ce qui fait que l'ambiance était vraiment spéciale. Cela l'était surtout pour les joueurs émigrés qui, du fait de leurs contraintes, avaient moins l'occasion que nous de vivre pleinement le mois du Ramadhan. Nous discutions beaucoup entre nous sur l'islam, notamment avec Abdoun, Ziani, Raho, Zaoui, et ça avait plu à nombre d'entre eux. Je peux même dire que j'ai appris aussi de certains d'entre eux. Il nous arrivait même de faire la prière en groupe, dans les chambres, durant la nuit. Avec le résultat du match au bout, cela constitue un moment inoubliable. Il faut vraiment l'avoir vécu pour en connaître la saveur toute particulière. Le professionnel que vous étiez se permettait-il quelques gourmandises durant le Ramadhan ? Certes, je faisais de mon mieux pour me surveiller, mais je ne vous cache pas que je me laissais aller quelques fois. La chorba, je ne pouvais pas m'en passer, surtout lorsque ma mère était avec moi. D'ailleurs, elle faisait en sorte qu'elle soit légère. Idem pour le bourek, qui est sacré pour moi. Cependant, lorsque je mangeais après les tarawih, je faisais attention en buvant beaucoup. Cela dit, c'est facile de perdre du poids à l'entraînement. Je peux même vous assurer que les joueurs sérieux, à la fin du Ramadhan, se rendent compte qu'ils ont perdu du poids. Vous est-il arrivé d'avoir réalisé une grande prestation dans un match que vous avez joué à jeun ? Cela m'arrivait même très souvent, si bien que mon entraîneur à Lorient, Christian Gourcuff, me disait qu'il fallait que je jeûne souvent ! En fait, Dieu me donnait de la force durant les matches que je jouais à jeun et je sortais de belles performances. D'ailleurs, Gourcuff a été l'entraîneur qui m'avait le plus respecté dans ce domaine. Les jours du match, il m'autorisait à rester dans ma chanbre durant le déjeûner et me demandait uniquement d'être présent à la réunion technique de 18h30. Je jouais le match et il me faisait remplacer quand j'étais vidé et que je ne pouvais plus marcher sur le terrain. Vous arrivait-il d'être énervé durant les matches ? Oui, je ne vous le cache pas. Durant les matches et même lors des entraînements. Du fait de l'excitation du match, de la soif et de la fatigue, la majorité des joueurs qui jeunent s'énervent facilement. Maintenant que je suis à la retraite, je m'énerve moins facilement, mais ce n'est pas évident quand on est jeune. ---------------------- Son menu de rêve pour le ramadhan «Pour moi, le menu du iftar est la chorba et le bourek. Tout le reste est accessoire. Sans chorba et bourek, je n'aurais pas du tout l'impression d'être en Ramadhan. Comme second plat, je peux prendre n'importe autre chose : des pâtes, une tchektchouka, un tajine de poulet... Mais j'insiste que c'est juste en plus. Même le qalb ellouz ou la zlabia, c'est tout aussi accessoire. Je connais des joueurs qui mangent uniquement de la chorba et du bourek. Pour eux, c'est l'essentiel et il n'y a que ça. Après les tarawih, il m'arrive de prendre un peu de qalb ellouz ou de zlabia de Boufarik avec du café.»