Le prix du blé flambe au niveau mondial. Les exportations des pays producteurs vers les zones à forte consommation diminuent. Nos concitoyens n'y vont pas de mains mortes. À la sortie des boulangeries, les sacs sont pleins à craquer pour la consommation quotidienne. Les statistiques le prouvent et le confirment. La Russie qui vit des moments d'angoisse et de panique côté bourses du monde vient de trancher. Pas d'exportation de blé pour le reste de l'année courante, soit du 15 août au 31 décembre 2010. Elle doit faire face aux conséquences des flammes qui ravagent le pays,. Tant pis si cela enflamme les prix et brûle les bourses des ménagères. Un peu partout, les prix de la matière première du pain, principale nourriture dans certains pays pour ne pas dire nourriture essentielle du pauvre, sont à la hausse. Et ils risquent de grimper davantage. Déjà, nous en sommes à un prix jamais égalé auparavant. La sécheresse et les feux sur les terres du troisième exportateur mondial de blé affectent ainsi rapidement et dramatiquement les marchés. Sauf au Québec où, pour l'instant, les prix du pain et des produits transformés du blé restent stables au Québec, mais les consommateurs pourraient faire les frais de cette flambée des prix de gros à moyen terme. Hier, le boisseau de blé s'élevait à 7,89$US pour livraison en septembre, en hausse de 64% à la Bourse de Chicago depuis le 30 juin, et même à 8,1525$US pour livraison en décembre. Et certains experts s'attendent à ce que le prix grimpe encore de 12%. Cette situation rappelle l'emballement extraordinaire du prix des aliments en 2008, alors que le boisseau valait 13,495$US. La hausse avait donné lieu à des violences dans les pays affectés par l'inflation des denrées alimentaires, comme Haïti et l'Egypte. «Ça va ébranler les marchés, estime Bob Young, l'économiste en chef de l'American Farm Bureau Federation. Bien des gens pensaient que la Russie utiliserait ses stocks pour compléter ses exportations», plutôt que d'égratigner sa réputation de fournisseur de choix et ainsi perdre des parts de marché. Mais, de nombreux analystes laissent croire que les risques de pénuries sont écartés. Les stocks mondiaux sont à des niveaux suffisamment élevés «pour compenser toute défaillance des cultures», selon l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture. Comme en 2008, l'Australie, qui sème présentement, vit une sécheresse. Par ailleurs, les récoltes de l'Ouest canadien sont affectées par la fusariose, un champignon qui pousse en milieu humide. Mais, cette fois, tout semble bien aller pour les Etats-Unis, le plus grand exportateur. «Les récoltes sont très bonnes et les stocks sont plus élevés que lors de la montée en flèche des prix, en 2008», selon Mark Klein, porte-parole de Cargill, la plus importante entreprise d'agriculture aux Etats-Unis. Les prix stables en magasin Cette fois donc, on aurait tort de courir au supermarché pour s'approvisionner en pain et en pâtes alimentaires. Ça ne devrait rien changer pour les cinq à six prochains mois, autant pour les consommateurs que pour les entreprises. Les grandes boulangeries sont couvertes. Les meuniers aussi.» Le mois d'août a commencé sous les mêmes auspices que les semaines précédentes, les prix du blé s'envolant à leurs plus hauts niveaux en deux ans sur le marché à terme de Chicago alors que la Russie a officiellement suspendu ses exportations jusqu'à la fin de l'année. Le marché continuait de se concentrer sur les conséquences de la sécheresse en Russie et dans certains pays de l'ancienne Union Soviétique, notamment l'Ukraine et le Kazakhstan, où les récoltes étaient dévastées. «Comme la FAO (l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture) le souligne, les stocks mondiaux sont à des niveaux suffisamment élevés pour compenser toute défaillance des cultures», ont rapporté les analystes de Commerzbank. Les prix du maïs et des graines de soja sont montés dans une moindre mesure dans le sillage des cours des céréales, même si fondamentalement les deux marchés restaient marqués par les conditions excellentes dans lesquelles se trouvent les récoltes en cours. Les investisseurs devraient continuer à se focaliser sur le blé la semaine prochaine, surveillant l'état de la sécheresse en Russie. La semaine prochaine sera par ailleurs marquée par la publication jeudi du rapport mensuel du département de l'Agriculture américain sur l'état de la demande. Le contrat de maïs pour livraison en décembre valait 4,1250 dollars le boisseau, contre 4,0675 dollars il y a une semaine. Le contrat de graines de soja à échéance en novembre s'établissait à 10,3050 dollars le boisseau, contre 10,05 dollars vendredi dernier. Moscou a par ailleurs proposé au Kazakhstan -un autre grand producteur de céréales- et au Bélarus d'introduire aussi un moratoire sur leurs exportations, dans le cadre de l'Union douanière entre ces trois pays d'ex-URSS. La Russie, qui fournit environ 8% de la production de blé de la planète, avait annoncé en début de semaine une révision à la baisse de ses récoltes de blé à 70-75 millions de tonnes cette année, contre quelque 90 millions de tonnes habituellement. En 2009, le pays a exporté 21,4 millions de tonnes de céréales. «Il faut empêcher l'inflation des prix intérieurs et également sauver le cheptel russe» qui risquerait d'être abattu en cas de manque de nourriture en raison de prix intérieurs trop élevés sur les céréales, a expliqué M. Poutine lors d'un conseil des ministres. La consommation intérieure de céréales en Russie est d'environ 77 millions de tonnes en moyenne, et les réserves du pays s'élèvent à moins de 10 millions de tonnes. Le Premier ministre a en outre annoncé une aide financière de 35 milliards de roubles (900 millions d'euros) aux producteurs de céréales touchés par la sécheresse. Dix des 35 milliards seront une «dotation sans contrepartie» et les 25 milliards restants seront accordés sous forme de «crédits à taux avantageux», a-t-il dit. En raison de la sévérité de la sécheresse, l'état d'urgence a été décrété dans 27 régions agricoles de Russie. En fin de semaine dernière, le Conseil international des matières premières agricoles (IGC), basé à Londres, avait estimé que la production de blé de la Russie pourrait se limiter de 50 millions de tonnes en 2010. Des inquiétudes portent aussi sur les productions du Kazakhstan et de l'Ukraine, également touchés par la sécheresse. Le vice-ministre de l'Agriculture russe, Alexandre Belaïev, avait tenté mardi de calmer les marchés en affirmant que «pour le moment» Moscou n'envisageait pas de limiter ses exportations. La Russie avait exprimé l'ambition de doubler ses exportations à 40-50 millions de tonnes par an, en modernisant son agriculture et en augmentant ses livraisons à des pays comme l'Egypte.