Le satisfecit de Réda Hamiani affiché après l'intervention du Premier ministre Ahmed Ouyahia du jeudi 21 octobre dernier, s'est vite effiloché. Aujourd'hui, il est embarrassé par la politique économique du gouvernement. La perplexité des patrons est, semble-t-il, engendrée par le flottement de l'économie nationale qui est toujours à la recherche d'une stratégie exhaustive, une identité. La désindustrialisation du pays, l'emprise de l'informel, la rareté du foncier et la bureaucratie qui sévit sur les structures censées épauler l'entreprise…sont autant de causes qui ont poussé le président du FCE à reprendre son bâton de pèlerin. Sur les ondes de la Radio nationale chaîne III, le président du Forum des chefs d'entreprises (FCE) a dressé un portrait au vitriol du climat des affaires qui reste toujours loin des espérances du patronat. D'après les déclarations de M. Hamiani, les patrons algériens sont, en l'absence d'une stratégie économique claire et fiable, dans l'embarras. «Autant, nous sommes satisfaits de la définition des politiques économiques, autant il n'y a pas suffisamment de résultats sur le terrain», a-t-il déclaré à la Chaîne III. Selon le président du FCE, la désindustrialisation du secteur public est confirmée par l'infime contribution du secteur industriel qui ne dépasse guère les 5 % au Produit National Brut (PNB). A ce sujet, M. Hamiani dira qu'«il y a eu une descente aux enfers progressive qui a accompagné l'ensemble du secteur public et privé. Il y a eu une perte de substance, des fermetures d'entreprises». Et les conséquences de cette désindustrialisation sont alarmantes. En effet, l'Algérie a perdu des parts importantes de marchés, au profit des produits étrangers importés et ce, nonobstant la promulgation de lois limitant l'import, a annoncé le président du FCE. Il a rappelé, sur cette optique, que le secteur industriel de la Tunisie et du Maroc, contribuent entre 14 et 18 % de la création de la richesse, soit trois (3) fois plus que l'Algérie. A cet effet, le FCE préconise la levée des mesures coercitives et inutiles qui éreintent les efforts des entreprises privées, comme celles publiques. Les résultats du patriotisme économique» toujours absents Dans son intervention à la Radio, Réda Hamiani est revenu également sur l'histoire récente de l'économie nationale : «l'ouverture économique de 1990 a été dénoncée, car organisée de façon très brouillonne, soudaine, brutale, et elle a désarçonné toute l'économie nationale», estime-t-il. Ceci s'est conjugué à court terme par la fermeture en série des fleurons industriels de l'ère socialiste, hausse du chômage et généralisation de l'informel. Aujourd'hui, les responsables parlent d'un retour vers le concept du patriotisme économique. A ce sujet le Réda Hamiani dira que, dans l'environnement économique actuel, le patriotisme économique n'a pas donné les résultats escomptés. En effet, la période allant du lancement du processus d'adhésion à l'OMC et la création de la Zale a été «fatale», selon le FCE, pour les entreprises qui ont été éreintées voire éliminées. L'administration contre le développement du secteur privé ! «Tous les marchés ont été inondés par des productions importées, européennes ou asiatiques», estime-t-il. Pour Réda Hamiani, ce nouveau concept a été prescrit pour «faire face à l'emprise du marché informel, la désindustrialisation, à la mort lente du secteur public et au transfert à peine voilé des capitaux détenus par des sociétés à capitaux étrangers». Et d'ajouter : «pour le moment, on attend les résultats». Le porte-parole du patronat s'est dit également inquiet quant au statu quo qui sévit sur le secteur des PME/PMI. «Les quelque 30.000 PME créées annuellement en moyenne reste insuffisante. Nous ne formons pas assez de champions économiques. Les entreprises créées restent globalement faibles, petites et familiales», assène-t-il. Et de renchérir : «il y a des crédits que l'on n'arrive pas à obtenir, les banquiers restent frileux aux crédits d'investissements, les prix des locaux sont hors de prix, l'ambition des chefs d'entreprises s'écrase sur l'ensemble du climat des affaires. Il y a une difficulté intrinsèque à s'insérer dans cette logique d'entrepreneuriat». Sur le dossier du chômage, Réda Hamiani souligne que «sur 100 diplômés fraîchement sortis des Universités et autres écoles, très peu sont animés par le souci de créer des entreprises. Les diplômés se posent en tant que demandeurs d'emplois. Cinq d'entre eux arrivent à trouver de l'emploi, 5 autres quittent l'Algérie et la grand majorité tourne en rond pour trouver un emploi…convenable». Pour y remédier, le FCE préconise de corriger cette tendance en encourageant les diplômés à créer leur propre entreprise. A contrario, l'administration veut «compromettre l'expansion du secteur privé». Le FCE pour un autre allègement du Credoc Sans accompagnement, le secteur privé ne pourra pas se développer. M.Hamiani a souligné, sur ce registre, que la part du secteur privé est à l'origine de la création de 80 % des richesses produites dans le pays. L'allégement introduit, par le gouvernement, à la Loi de Finances Complémentaire LFC 2009, dans le chapitre du Crédit économique (Credoc) ne semble pas satisfaire le patronat. A ce sujet, M. Hamiani dira qu'«il est prévu un montant de 2 millions de dinars, soit la bagatelle de 27. 800 euros, par an pour régler les inputs. C'est une première phase, mais c'est insuffisant d'autant que cette mesure ne tient pas compte ni de la taille de l'entreprise, ni de ses effectifs, ni de son domaine d'activité», déplore-t-il, souhaitant que le gouvernement doit moduler cette facilitation. Le droit de préemption et la renationalisation La renationalisation des entreprises privatisées qui n'auraient pas respecté leurs engagements, pourrait donner une mauvaise image de l'Algérie, en entravant l'Investissement Etranger, les IDE, selon l'invité de la Chaîne III. M. Hamiani anticipe qu'il «faut faire attention aux signaux que nous émettons à l'échelon internationale. Les signaux que nous émettons risquent d'être négatifs si nous ne prenons pas garde». Surtout, continua-t-il, que l'Algérie a besoin de capitaux étrangers puisque le pays «souffre de l'absence de technologie et un management de qualité». Précisant que «nous avons besoin d'un accompagnement technologique, que seuls les étrangers peuvent nous procurer à travers des partenariats intelligents». Participation du FCE à la Tripartite : «on ne pouvait pas rester hors jeu» Il faut savoir que le FCE n'a jamais participé aux réunions de la Tripartite, alors que son président a toujours estimé que la Tripartie décidera de l'avenir de l'entreprise. Interrogé sur l'annonce de sa participation à la prochaine Tripartite, prévue avant la fin de l'année, éventuellement, M. Hamiani dira qu'«on eu des signaux encourageants. Ces dernières années, la Tripartite fixe non seulement le niveau de salaires, mais aussi d'autres problèmes ayant trait à l'activité économique de l'entreprise. La Tripartie est devenue le seul cadre de concertation où on peut avoir une tribune et faire des suggestions. On ne pouvait pas délibérément se mettre hors-jeu». Ainsi, le FCE se repositionne comme un interlocuteur de marque pour le gouvernement. Une stratégie qui révèlera ses arcanes, lors de la prochaine tripartite.