Après le long silence du week-end et durant les quatre jours d'émeute, la classe politique sort peu à peu de sa légendaire léthargie. Pour le ministre de l'Intérieur, ces actes obéissent à des «instincts revanchards.» parce que, a-t-il expliqué, les jeunes n'ont rien à voir avec les problèmes économiques. Le ministre estime que les actes de protestation violents constatés à travers des villes et localités du pays sont des «agissements criminels.» à travers lesquels les jeunes se sont attaqués à des édifices publics et ont pillé des commerces. Le parti du chef du gouvernement, en l'occurrence le RND, par la voix de son porte-parole exprime quand à lui ses regrets et son indignation suite aux dégâts causés aux infrastructures publiques et privées. Miloud Chorfi, qui qualifie ces comportements d'immoraux, a dénoncé les «provocations de certains lobbies de la spéculation qui sont derrière cette situation et qui ne ratent jamais une occasion pour pêcher dans les eaux troubles». Pour le RND, ces lobbies, profitent de la situation «en manipulant les jeunes et en jouant du pouvoir d'achat des citoyens pour préserver leurs intérêts ayant pâti des nouvelles mesures gouvernementales visant à organiser le marché et à préserver et protéger l'économie nationale.» Réagissant promptement à la situation, la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (CNCPPDH) a qualifié de «contraires aux droits de l'homme», les actes de violence enregistrés lors du mouvement de protestation dans plusieurs villes du pays. La CNCPPDH déclare « avoir pris acte des émeutes engagées par une jeunesse désespérée en proie à la mal vie et au chômage et qui ont affecté les grandes villes du pays». La commission de maître Ksentini souligne que « Aussi légitimes que soient les motifs apportés à ces manifestations, ils ne sauraient justifier l'usage de la violence et des exactions à l'encontre des édifices publics qui symbolisent l'Etat et des commerces appartenant à des particuliers». La CNCPPDH rappelle dans son communiqué, «avec détermination», que les actes de violence «sont contraires aux droits de l'Homme et qu'ils retardent l'édification de l'Etat de droit à laquelle aspire précisément cette jeunesse qu'il faut délivrer sans délai de la souffrance sociale qui l'habite depuis des décennies et qui n'a pas encore rencontrée toute sa médication». A l'issue d'une réunion de son bureau politique, le porte-parole du PT constate que «Contrairement à ce que veulent faire croire certains acteurs, l'Algérie n'est pas à feu et à sang. Le mouvement est limité». Louisa Hanoune enregistre «Cependant, ce n'est pas un mouvement de toute la jeunesse, mais de la plus défavorisée». Selon l'analyse du PT, la protestation exprime «une angoisse par rapport à l'avenir». Pour le PT il n'y a aucune similitude avec les évènements qui ont mené au mouvement d'octobre 1988. «C'est une période qui est marquée par un retour à la revendication sociale mais ce n'est pas octobre 1988, pas même avec les événements de 2001". A-t-elle affirmé. Pour Me Mustapha Bouchachi, président de la Laddh «Il y a une rupture entre les institutions officielles et la population». L'analyse de la Laddh considère que «La société civile doit encadrer ce mouvement pour pouvoir formuler des revendications politiques». Lors de la conférence de presse organisée, hier, au siège de la Ligue, Me Bouchachi a fait état de contacts en vue d'encadrer le mouvement, affirmant «Il y a des responsables au sein de certaines organisations syndicales indépendantes qui nous contactés. On va organiser prochainement des rencontres». Selon la Laddh «l'encadrement et la structuration de ce mouvement est une nécessité».Sur les raisons de la révolte populaire, Me Bouchachi a précisé que l'envolée des prix de l'alimentaire n'est pas la cause réelle. «Le mal est beaucoup plus profond», a-t-il indiqué. «Ce ne sont pas les jeunes adolescents, sortis pour manifester, qui achètent l'huile et le sucre à leurs familles», a-t-il poursuivit. L'intervenant est revenu sur les dernières mesures économiques adoptées par le gouvernement notamment celle imposant la facture et le chèque comme moyens de paiement pour les grossistes dans l'objectif d'éradiquer le marché informel. «C'était l'étincelle», a-t-il assuré. «Avant de prendre ce genre de décisions, il faut qu'il ait une étude, il faut mettre en place une commission», a-t-il ajouté. Pour Me Bouchachi «le régime en place s'est attelé à laminer et à isoler la société civile et avec elle la classe politique». «Aujourd'hui, le régime fait appel aux imams qui, eux-mêmes ont perdu leur crédibilité à force d'être utilisés par le régime». Le premier responsable de Ligue fait part de sa crainte de voir certains actes de violence «utilisés par le régime pour porter atteinte aux revendications légitimes de la population». Dans son analyse de la situation, Me Bouchachi considère que « La fermeture des espaces d'expression et l'interdiction des rassemblements et des manifestations sont à l'origine de cette explosion sociale». «Nous avons attiré l'attention sur cela, il y a plus d'une année». A déclaré Me Bouchachi, insistant sur le fait que tout ce qui se passe actuellement en Algérie est le résultat de la politique répressive du régime. «J'ai la conviction que tout le régime n'a cure du destin du peuple algérien. Ce qui l'intéresse par contre, c'est sa pérennité». A-t-il dit en commentant le silence des responsables au sein du gouvernement quant aux évènements qui secouent ces derniers le pays.