Gel des lettres de crédit de plus de 60 jours : « Si l'entreprise est déjà en difficulté de trésorerie ce qui est, faut-il le rappeler, le cas de beaucoup de PME Algériennes, une telle mesure la conduirait immédiatement à une situation de cessation de paiement » avertissent des chefs d'entreprises. Dans une lettre adressée au chef de l'Etat, publié dans maghrebemergent .com, un groupe de chefs d'entreprises s'alarme du fait que les banques refusent depuis un mois d'ouvrir des lettres de crédits supérieurs à 60 jours. « Depuis près d'un mois, les banques refusent d'ouvrir des lettres de crédit à des termes supérieurs à 60 jours. Aucune Loi n'a été publiée à cet effet, mais les banquiers nous ont confirmé que cette mesure est la conséquence d'une instruction de la Banque d'Algérie, datée du 9 décembre 2010, qui a été rendue publique par un média ». En effet, le 18 décembre dernier «maghrebemergent.com» faisait état d'une instruction datée du 9 décembre 2010 adressée aux banques et établissements financier. Cette instruction constate que l'endettement à court terme de l'Algérie «enregistre une croissance à un rythme non souhaitable» et «invite à prendre toutes dispositions pour réduire ce type d'engagement». L'instruction souligne que dans le cadre du suivi de «cet indicateur et afin d'éviter l'accroissement de cette dette à court terme de l'Algérie, alors que la stratégie adoptée en matière de désendettement a permis de réduire fortement la dette extérieure à moyen et long termes, nous vous invitions à prendre toutes dispositions nécessaires pour réduire ce type d'engagement». L'instruction n° 286 du 09.12.2010 demande, à titre de «première mesure» de ramener «l'encours de la dette à court terme à fin décembre 2010 au niveau enregistré à fin décembre 2009". L'instruction demande également que soit transmis à la Direction de la Dette extérieure, les informations «relatives aux débiteurs et aux conditions de mobilisations». «Les banques ont donc appliqué cette instruction en restreignant l'ouverture de lettre de crédit à terme pour leurs clients » explique les rédacteurs de la lettre. Au point de vue purement analytique et de prospective économique, les chefs d'entreprises rédacteurs de la lettres se disent «étonnés de la teneur de cette instruction », expliquant que « l'apparition de l'accroissement de la dette à court terme est la conséquence mécanique de l'instauration de la lettre de crédit comme seul moyen de paiement des importations ». Les chefs d'entreprises estiment qu'»il est peu compréhensible que nos autorités monétaires découvrent cet effet en décembre 2010 alors que celui ci était prévisible dès la promulgation de la LFC 20009 ». D'autre part, affirment-ils, « cet accroissement ne reflète pas une détérioration de la situation financière de notre pays ». Ils indiquent qu'avant, lorsque qu'une entreprise payait à 90 jours ou 120 jours son fournisseur, cette dette n'apparaissait pas dans les agrégats de la Banque d'Algérie. Elle était «hors bilan». La généralisation de la lettre de crédit a fait apparaître ces dettes. Il n'y a donc aucun changement économique fondamental. Il s'agit juste d'une dette qui était «hors bilan» qui apparaît aujourd'hui au «bilan» de l'Algérie. «Cette mesure, avertissent les rédacteurs de la lettre, «a des conséquences directes sur les besoins de fonds de roulement des entreprises algériennes. Elle est inflationniste et elle est susceptible de conduire les entreprises à la situation financière fragiles à l'insolvabilité». D'autre part, ajoutent-ils, «cette mesure n'effectue aucune discrimination entre les entreprises productrices et les entreprises qui font de la revente en l'état». «Il est même probable que les entreprises productrices soient celles qui vont le plus pâtir des conséquences ce cette mesure, et ce pour plusieurs raisons». Les chefs d'entreprises expliquent que «les importateurs sont les meilleurs clients des banques. Ce sont ceux dont la clientèle est la plus rémunératrice. Dans un contexte de «rationnement par banque» du volume de crédit documentaire, il est commercialement prévisible que les banques vont favoriser leurs meilleurs clients. Par ailleurs, les producteurs ont un cycle d'exploitation plus long que les importateurs. Ils doivent stocker différentes matières premières, tenir compte des délais de productions et maintenir assez de stocks tampon de toutes les matières premières (car une rupture de stock peut arrêter toute le process de fabrication). Enfin, les producteurs ont généralement une situation financière plus fragile que les importateurs, notamment car leurs actifs composés d'une part importante d'immobilisations sont moins liquides que ceux des importateurs. Chiffre à l'appui, les patrons rédacteurs de la lettre déplorent l'effet dramatique de cette mesure sur une entreprise productrice moyenne. «Généralement la trésorerie d'une entreprise Algérienne moyenne ne dépasse que rarement une semaine de chiffres d'affaires (elle est souvent négative) » précisent-ils. Partant de cette première hypothèse, les rédacteurs de la lettre donnent l'exemple d'une entreprise qui réalise 300 millions dinars de chiffre d'affaires hors taxes (CAHT) mensuel et qui disposerait d'une trésorerie de plus de 70 millions dinars en moyenne. «Si cette entreprise est industrielle et qu'elle importe 70% de ses intrants (emballages + matières premières non disponibles localement) et que sa marge - surcoût matière - soit de 40% au mieux, son volume d'importation mensuel s'élèverait donc à 300 millions dinars x 60% x 70% = 126 millions dinars. En décalant ses délais de 90 jours à 60 jours, sur l'ensemble de ses importations, la variation du besoin en fonds de roulement (BFR) ferait directement glisser la trésorerie de cette entreprise de – 126 millions dinars. Soit à un niveau négatif de -56 millions dinars. Ceci affecterait son résultat (frais financiers 12% effectif sur découvert/ 8% nominal) et mettrait en difficulté son fonctionnement», expliquent-ils. Si l'entreprise est déjà en difficulté de trésorerie ce qui est, faut-il le rappeler, le cas de beaucoup de PME algériennes, une telle mesure la conduirait immédiatement à une situation de cessation de paiement. Les chefs d'entreprises affirment que «les effets ravageurs de cette nouvelle mesure vont commencer à apparaître dès la fin du premier cycle d'importations, c'est à dire, fin février 2011 «. En outre, les chefs d'entreprises rédacteurs de la lettre, indiquent que sur le secteur de l'importation «cette mesure est susceptible d'avoir un effet inflationniste découlant directement de l'augmentation du besoin de fonds de roulement ». Des perturbations en termes d'approvisionnement du marché pourraient surgir. «De façon naturelle, à ressources constantes, les opérateurs vont favoriser les produits les plus rentables au détriment d'autres produits moins rentables », mettent-ils en garde.