La première semaine de consultations sur les réformes politiques, entamées depuis samedi dernier, a laissé facilement transparaître, dans une atmosphère plutôt studieuse, une volonté de changement clairement exprimée par la partie de la classe politique nationale consultée, jusqu'à présent, mais aussi de réelles divergences tant sur la nature du système politique à construire que sur la manière de faire pour y parvenir. Pour l'instant, neuf partis politiques, trois personnalités nationales et quelques organisations de la société civile ont été reçus, au total, par l'instance que dirige M. Abdelkader Bensalah, assisté des conseillers du président de la République, MM. Mohamed Ali Boughazi et Mohamed Touati. L'Instance avait tenu à préciser, dès son installation, qu'elle n'était pas une «commission de dialogue» mais un espace de consultations où chaque parti, organisation ou personnalité nationale qu'elle reçoit viendrait déposer ses avis et suggestions pour faire avancer la réalisation des réformes politiques annoncées. A bien écouter les déclarations faites par chacun des invités à l'issue de la quinzaine de séances tenues dans le cadre de ces consultations, il s'avère que l'option pour le système parlementaire, synonyme de «véritable séparation des pouvoirs», s'est nettement dégagée, en attendant la suite, c'est à dire jusqu'à la fin juin et les nombreuses personnes qui restent à auditionner. Ainsi, le Mouvement de la société pour la paix (MSP), qui est membre de l'Alliance présidentielle, a affiché sa volonté de s'impliquer dans le processus de consultations en cours pour faire aboutir des réformes politiques se voulant être une «tournant décisif» dans l'histoire de l'Algérie. Par la voie de son premier responsable Bouguerra Soltani, ce parti dit avoir axé son intervention devant l'Instance de M. Bensalah, sur nombre de thèmes majeurs, à commencer par la réforme constitutionnelle, l'adoption d'un régime parlementaire et l'organisation d'élections «transparentes et régulières». Cette vision est partagée, à quelques nuances près, par le Parti des travailleurs (PT) qui estime, toutefois, que le report de la révision de la Constitution à 2012, soit après les élections législatives, constitue une «reconnaissance» de la part du chef de l'Etat que l'actuelle Assemblée populaire nationale (APN) «n'a ni légitimité ni crédibilité». Le PT, qui a dépêché sa secrétaire générale Louisa Hanoune, a en outre formulé des «réserves» liées au fait que les projets de loi seraient soumis à une Assemblée issue d'élections qu'il considère «douteuses» et qui «n'est pas en mesure, selon ce parti, d'examiner et d'approuver la loi électorale révisée». Le mouvement El-Islah a, quant à lui, remis à l'Instance de consultations des propositions portant sur la création de mécanismes «viables» à même de parachever les réformes politiques dans le cadre d'un consensus entre tous les acteurs activant sur la scène politique et sociale. Pour cette formation politique, «il est impératif de faire montre d'une volonté réelle de mener les réformes politiques à leur terme en prenant en considération les aspirations du peuple algérien, la particularité de la conjoncture et les mutations régionales et internationales en cours». Si la plupart des acteurs politiques invités se sont montrés favorables à un système parlementaire, certains d'entre eux lui préfère le système présidentiel garant, à leur avis, de la nécessaire stabilité politique et sociale. Ils ont, à ce propos, plaidé pour la limitation des mandats présidentiels pour donner plus de crédibilité à l'élection présidentielle, tout en insistant sur le respect de la nature républicaine et démocratique de l'Etat. La révision de la Constitution D'autres encore remettent en cause le calendrier qui place la révision constitutionnelle en fin de parcours, après la révision du dispositif législatif (loi électorale, loi sur les partis, code de l'information...) et suggèrent le processus inverse considéré «dans l'ordre naturel des chose». Une personnalité comme le général Khaled Nezzar, ancien ministre de la Défense et ancien membre du Haut Comité d'Etat (1992-1994) s'est démarquée en proposant la mise en place d'une «commission indépendante» pour préparer les textes de lois à réviser dans le cadre des réformes. Pendant ces six jours de consultations, l'accent a été mis, d'autre part, sur le rôle de la société civile, considérée comme un «partenaire essentiel» dans le processus de la bonne gouvernance et un «acteur principal» dans la réussite des réformes politiques engagées. La jeunesse a été tout naturellement au centre de la problématique puisque des organisations de la société civile ont insisté sur la nécessité d'associer cette frange vitale de la population à la prise de décisions, d'autant qu'il s'agit, a-t-on souligné, d'un «élément important» dans la dynamique enclenchée pour la consécration de la démocratie dans la vie publique. Le respect de l'alternance au pouvoir et l'édification d'institutions législatives et exécutives élues selon le principe de l'égalité des chances, à tous les niveaux du pouvoir, ont été également parmi les points évoqués lors de ces consultations. Il a également été question de soutenir les efforts de lutte contre la corruption et la réforme du système de gouvernance, l'élargissement des libertés et des droits de l'homme et l'ouverture du champ médiatique. Les consultations se déroulent dans le plus strict huis-clos à El Mouradia dans des locaux dépendant de la présidence de la République. Les hôtes de l'Instance sont reçus séparément pour des séances dont la durée unitaire a oscillé entre 60 et 90 minutes. A l'issue de la séance, l'invité du moment se présente devant un pupitre placé dans une salle séparée de la salle d'audience pour s'adresser à la presse, s'il le désire et sans limitation de temps. Une seule restriction cependant: les journalistes n'ont pas le droit d'interroger l'orateur ni la possibilité de croiser les membres de l'Instance. Une fois ces consultations achevées, d'ici à la fin du mois de juin, l'instance devra établir un «rapport final détaillé» qui reflèterait «fidèlement» les avis et les propositions émis par les participants et qui devra être soumis au président de la République. Les propositions seront ensuite présentées au gouvernement qui élaborera, sur cette base, des projets de loi à soumettre à l'APN dès septembre prochain. Si le projet de révision de la Constitution se révélait «profond», le peuple devrait, «après le Parlement, en disposer en toute souveraineté, par la voie d'un référendum transparent», après les élections législatives de 2012, avait tenu à préciser le chef de l'Etat en annonçant ces réformes. Le président s'assurera, en tout état de cause, que les amendements proposés respectent les «principes fondamentaux et les composantes de l'identité nationale que sont l'islam, l'arabité et l'amazighité énoncés par la Constitution en vigueur».