Malgré les démentis et les usages diplomatiques tenant à ne pas trop envenimer les relations entre les pays, les sujets de frictions se multiplient entre Alger et Paris. Les deux capitales entretenaient déjà depuis plusieurs années des relations conflictuelles malgré toutes les tentatives de rapprochement à cause, notamment, des questions liées à la mémoire, la circulation des personnes et le Sahara occidental. L'arrivée de Nicolas Zarkozy et le processus de création de l'UPM dont l'Algérie n'a pas été associée, ont encore creusé le fossé entre les deux nations. Fossé encore accentué par la récente polémique sur l'implication de l'armée algérienne dans la mort des sept moines de Tibhirine en 1996. Cela a été vécu comme une provocation surtout après les déclarations du président français. Cependant, si sur le plan politique les relations étaient plus ou moins difficiles pour les sujets cités dessus, les relations d'affaires, par contre, étaient excellentes. Mais cette année, de nouveaux sujets de désaccord ont fait leur apparition. Ainsi, les récentes mesures prises en Algérie dans le cadre de la Loi de finances complémentaire 2009 ont été mal accueillies. Elles menacent l'activité du port de Marseille et de plusieurs entreprises françaises travaillant avec l'Algérie. Mais les critiques sur la LFC 2009, formulées notamment par les élus de Marseille et le secrétaire d'Etat français chargé du Commerce, Hervé Novelli, agacent, par ailleurs, le gouvernement algérien. La réaction ne s'est pas fait attendre. En effet, le ministre du Commerce, El Hachemi Djaâboub, a appelé, mercredi dernier, les étrangers à respecter les lois algériennes. «Certains pays n'ont pas réussi à établir des relations économiques privilégiées avec l'Algérie à cause de leur attitude négative dans leur manière de traiter avec l'Algérie ou leur tentative d'ingérence dans les affaires internes en demandant l'annulation ou l'amendement d'une loi qui ne sert pas les intérêts de leurs opérateurs», a déclaré M. Djaâboub, en allusion à la position française. Les deux pays pourraient avoir beaucoup de mal à trouver un terrain d'entente. Le différend entre les deux capitales est plus profond que les mesures de la LFC 2009 : Alger reproche, en effet, aux groupes français d'investir dans les pays voisins, la Tunisie et le Maroc, et de vendre en Algérie, notamment dans l'automobile, l'agroalimentaire et le médicament. «Les groupes français vendent davantage leurs produits en Algérie, mais préfèrent investir dans les pays voisins, comme l'a fait Renault et certains groupes pharmaceutiques. En plus, ces groupes se permettent de critiquer les mesures algériennes visant à protéger notre économie et à réduire la facture d'importation», affirme-t-on du côté algérien. Pour obliger les groupes étrangers à investir dans le pays, le gouvernement a pris, depuis fin 2008, une série de mesures visant à réduire les importations et le transfert des devises vers l'étranger. Désormais, l'Algérie exige des contreparties en matière de transfert de technologie à l'ouverture de son marché aux produits étrangers. Le message est on peut plus clair. A la France d'anticiper sur un marché porteur au risque de se voir distancer par d'autres pays, à l'instar des asiatiques. Les Algériens excluent tout recul sur les mesures annoncées En ce sens, le Premier ministre Ahmed Ouyhia cite souvent l'exemple illustratif pour répondre aux interrogations des partenaires étrangers et algériens sur les nouvelles mesures de la LFC 2009, le cas d'une société dotée d'un capital de 100.000 dinars mais qui a importé en 2008 pour plus de 1 milliard de dollars. Pour Ahmed Ouyahia, ce cas illustre les dérapages et les abus des importateurs privés. Il justifie, à lui seul, le tour de vis gouvernemental en matière de commerce extérieur. Aux étrangers, particulièrement les Français, qui critiquent les dernières décisions, le gouvernement algérien a déjà fait connaître sa réponse : il ne reculera pas. Pour le gouvernement, le fait d'avoir renoncé à la rétroactivité sur la mesure dite des « 30-70 » ne signifie pas un recul. Certes, la décision de supprimer l'effet rétroactif a été prise par le président Bouteflika, inquiet de la multiplication des protestations venant des partenaires étrangers de l'Algérie. Mais dès le départ, de nombreux ministres du gouvernement étaient hostiles à cette mesure. « Cette décision était à l'origine une erreur. La rétroactivité ne doit jamais avoir lieu car elle remet en cause la parole de l'Etat algérien», explique une source proche du gouvernement. Les Français entendent engager une série d'initiatives dans les prochaines semaines pour convaincre le gouvernement algérien de revenir sur certaines mesures de la LFC 2009 : une visite d'élus locaux marseillais à Alger, avec une demande d'audience au président Bouteflika, une initiative européenne, le 8 décembre, à l'occasion de la réunion des ministres du Commerce des pays de l'Union pour la Méditerranée (UPM) et bien sûr des démarches officieuses auprès du gouvernement algérien. Mais ces tentatives semblent vouées à l'échec, surtout dans le contexte actuel des relations algéro-françaises. Selon des sources diplomatiques algériennes et françaises, les deux pays ne se parlent presque plus. Toutes les visites initialement prévues des deux côtés avant la fin de l'année ne devraient pas avoir lieu. Le seul qui semble avoir compris que le gouvernement algérien ne reculera pas est l'ambassadeur de France à Alger, Xavier Driencourt. Réaliste, il appelle les entreprises de son pays à s'adapter à la nouvelle situation. «Il faut s'adapter aux nouvelles mesures, envisager l'avenir. Il ne faut surtout pas baisser les bras en ce moment et encore moins faire la leçon aux Algériens, ce serait très mal venu de la part des Français», a-t-il déclaré, ce jeudi, à Marseille. L'appel sera-t-il entendu ?