Si un consensus s'est dessiné sur la nécessité de l'intégration économique, le processus est au stade théorique, voire des premiers pas. Les échanges économiques entre les pays membres restent faibles. Les patrons réussiront-ils là où les politiques ont échoué ? Les hommes d'affaires maghrébins, réunis hier à l'hôtel Sheraton d'Alger, veulent y croire. Le président de l'Union maghrébine des employeurs, M. Hédi Djilani, dans son allocution d'ouverture, dira que le premier forum des hommes d'affaires maghrébins d'Alger souligne cette volonté commune des hommes d'affaires de la région de développer leur coopération et faire avancer le processus d'intégration économique maghrébine. “Il faut traiter les intérêts économiques communs loin des problèmes politiques qui empêchent, jusqu'à maintenant, la concrétisation d'une véritable Union du Maghreb arabe”, estime-t-il. “Nous avons la charge et la mission de nous adapter aux exigences de la mondialisation aux risques de voir nos entreprises disparaître”, renchérit M. Boualem M'rakech, président de la Confédération algérienne du patronat. “L'intégration économique maghrébine est le meilleur rempart contre la mondialisation”, a ajouté le ministre de l'industrie et de la promotion des investissements, Abdelhamid Temmar, qui avec son collègue du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale, Tayeb Louh, ont assisté à l'ouverture de la rencontre. M. Temmar a indiqué que “les stratégies unilatérales ne doivent pas persister car elles sont suicidaires et risquent d'affaiblir les positions des uns et des autres”. Le ministre de l'Industrie et de la Promotion des investissements considère cette intégration comme “facteur de croissance et de développement à long terme et que la création d'un pôle économique régional permettra d'atténuer les effets d'une crise mondiale”. Le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale, M. Tayeb Louh, plaide lui aussi pour l'intégration économique maghrébine, estimant qu'“elle permettra d'améliorer la croissance économique des pays de la région et de lutter contre le chômage”. Il y a donc, du moins sur le plan du discours, un consensus sur les avantages d'une intégration maghrébine. Si l'on en croit le discours politique dominant dans les pays de l'union du Maghreb, la complémentarité et l'intégration font figure de concepts privilégiés. Sur le plan du discours, parce que la réalité du terrain est tout autre. Le président de la CAP lui-même a relevé la faiblesse des échanges commerciaux entre les pays maghrébins, faisant remarquer que la moyenne des échanges intermaghrébins n'atteint pas les 3% des échanges de l'ensemble des pays maghrébins. “Un volume qui reste très limité, comparé à celui de l'ensemble des échanges des pays de l'UMA avec l'Union européenne qui représente pas moins de 70% de leur commerce extérieur.” Le “non-Maghreb” fait perdre, chaque année, à chaque pays de la région deux points de croissance. De nombreuses contraintes se dressent devant toute avancée significative du processus d'intégration économique maghrébine. “Il y a 30 ans, nous avions discuté des mêmes problèmes lors d'une rencontre à Tunis. C'est vraiment dommage”, a regretté un opérateur. “Le billet d'avion Tunis-Alger est plus cher que le billet d'avion Tunis-Paris”, a déploré un autre homme d'affaires, s'interrogeant comme pour renforcer les liens de coopération dans ces conditions. Mais au-delà de ces détails techniques, mais importants dans une relation d'affaires, d'autre éléments bloquent la construction maghrébine. On cite, entre autres, la faiblesse des infrastructures en matière ferroviaire et maritime. L'absence quasi totale des lignes directes de transport terrestre, ferroviaire et de lignes maritimes génère des surcoûts. On évoque aussi l'absence de contacts et de relations entre les différents opérateurs économiques. La création de l'UME pourrait peut-être dépasser cet écueil. On relève, par ailleurs, la lourdeur des procédures et le climat de suspicion qui règne dans les rapports entre les administrations maghrébines. Les opérateurs économiques insistent, dans les coulisses notamment, sur les antagonismes politiques. Sur ce point, le ministre de l'industrie et de la promotion des investissements estime que la fermeture des frontières avec le Maroc n'entrave en rien l'intégration maghrébine. M. Abdelhamid Temmar a indiqué que l'ouverture des frontières est subordonnée à l'assainissement de tous les contentieux entre les deux pays. La concrétisation de l'intégration maghrébine serait de nature à susciter des effets sur le commerce régional et les investissements directs étrangers destinés aux pays de l'UMA. Une étude effectuée par les experts de l'UME a défini un ensemble de projets réalisables dans nos pays et qui touchent aux secteurs de la construction navale, les industries chimiques, le transport maritime, les industries pharmaceutiques, les énergies renouvelables, les industries mécaniques et autres. M. R.