La hausse des prix et l'inflation galopante due à l'indexation de leurs monnaies au dollar placent les membres du Conseil de coopération du Golfe dans une situation inconfortable.Avoir les mains liées, c'est ce qu'il y a de pire pour un décideur. Les Emirats arabes unis, le Qatar, l'Arabie saoudite, Bahreïn et Oman souffrent d'un taux d'inflation galopante, sans avoir pour autant l'option d'entreprendre des mesures pour la freiner. L'inflation surgit dans ces pays, parallèlement à la chute libre du dollar, auquel leur monnaie est indexée. Or, ce dernier connaît une forte dépréciation depuis environ 6 mois successifs.Il suffit de noter qu'en 2007 l'inflation a été estimée à 11 % aux Emirats et 12 % au Qatar. " L'inflation des pays du CCG est une inflation importée puisqu'entre 30 à 40 % de leurs importations, dont la plupart est des produits alimentaires, viennent de l'Union européenne ", explique Fakhri Al-Fiqi, professeur d'économie à l'Université du Caire. Ce qui explique que le fait que ces pays du Golfe (CCG) aient largement bénéficié de rentrées financières abondantes, fruits des recettes pétrolières records, n'arrange rien.Car le prix de ces produits européens a augmenté, suite à la hausse de l'euro. Ce dernier a enregistré au cours du dernier trimestre une hausse de 14 à 15 % face au dollar. Une étude de l'Union des chambres de commerce, d'industrie et d'agriculture du CCG, publiée en décembre, a justifié l'inflation rampante par les liquidités abondantes et l'indexation des monnaies du CCG, à l'exception du dinar koweïtien au dollar en chute libre. Et d'ajouter : " les importations du CCG sont passées de 154,5 milliards de dollars en 2003 à 376 milliards en 2007, en hausse de 143 % ".De quoi relancer un véritable débat au sein des pays du CCG : faut-il abandonner l'indexation au dollar pour freiner cette inflation ? Surtout que le Koweït avait décidé de supprimer le 20 mai 2007 le lien fixe entre sa monnaie, le dinar, et le dollar en se basant désormais sur un panier de devises, avec entre autres le billet vert. La Banque Centrale koweïtienne a assuré que la baisse du dollar contribuait à accroître l'inflation. Et en fait, dès lors, la valeur du dinar a progressé de plus de 8 % face au dollar. De plus, en 2007, l'inflation s'est repliée, passant à 5 % contre 7,5 % en 2006.Aux Emirats et au Qatar, des pressions sont exercées sur le gouvernement pour qu'ils emboîtent le pas au Koweït. " Ces pays continuent à lier leur monnaie au dollar pour une seule raison. L'indexation actuelle avec le dollar facilite la mise en place de leur monnaie commune au sein du bloc en 2010 ", rétorque Al-Fiqi. Avis partagé par Faïqa Al-Réfaï, ex-vice gouverneur de la Banque Centrale d'Egypte et experte financière. Elle explique que " ces pays tentent depuis les années 1974 d'établir une monnaie unique. Le lien de leur monnaie à une seule devise rend la tâche plus facile ". De plus, Al-Réfaï estime que même si ces pays lient leur devise à un panier des devises diversifiées, le poids du dollar s'emparera de presque 80 %. Et ce pour la simple raison que la grande majorité de leurs transactions se fait en dollar. " Il est donc plus judicieux de ne pas mâcher cette indexation au dollar jusqu'à la création de leur monnaie unique ", conclut-elle. Pour ces 5 pays du CCG, augmenter leurs taux d'intérêt pour inciter les gens à opter pour des dépôts bancaires ne semble pas aussi une option louable. Car ces pays qui ont maintenu leurs monnaies nationales indexées au dollar ont des politiques monétaires tributaires de la Réserve fédérale américaine (Fed), qui réduit régulièrement ses taux d'intérêt pour relancer l'économie des Etats-Unis, au bord de la récession. C'est ainsi que ces pays sont contraints de suivre les baisses de taux d'intérêt de la Réserve fédérale américaine (Fed), alors qu'ils devraient faire l'inverse. " On ne peut pas juger par des généralités. C'est vrai que pour freiner l'inflation, il faudrait augmenter le taux d'intérêt. Mais on devrait avoir en même temps tout un équilibre entre les différents facteurs, puisque toute hausse du taux d'intérêt pourrait porter atteinte aux investissements et entraver le développement et le secteur privé. Puisque tous ces facteurs sont imbriqués ", conclut Al-Réfaï. Pour dire que ces pays du Conseil de coopération du Golfe sont pour la première fois de leur histoire dans une situation financière pas très reluisante. Ibtissam Zayed