Pour comprendre la crise actuelle qui secoue le monde et se déteint sur l'Algérie malgré l'embellie financière, nous savons que tous les voyants ne sont plus désormais au vert pour Alger, examinons alors, ressemblances et dissemblances avec la grande crise. Depuis le début de la crise financière que nous traversons et qui montre une nouvelle fois le poids économique des Etats-Unis dans le système financier international, la référence au krach de 1929 revient fréquemment dans les commentaires. C'est un miroir déformant, car il y a à la fois des similitudes et des divergences avec la situation actuelle. Les conditions géopolitiques et économiques ne sont pas identiques, la globalisation des marchés est aujourd'hui plus forte, la croissance des BRIC (Brésil, Russie, Chine et Inde) et des marchés émergents est sans commune mesure avec la situation de ces pays s'il y a 80 ans, le "shadow banking" et les crédits moins régulés n'existaient pas à l'époque, et les instruments financiers sont bien plus sophistiqués. Néanmoins, la référence à la crise de 1929 mérite que l'on s'y penche de plus près. Elle aurait pu signifier l'arrêt de mort du système capitaliste et marqua un tournant de l'histoire du XXe siècle. Sans le krach de 1929, Hitler n'aurait sans doute pas pris le pouvoir en Allemagne (austérité économique et chute de Weimar), la Seconde Guerre mondiale n'aurait peut-être pas eu lieu (isolationnisme américain et réarmement allemand), l'Occident ne se serait pas affaibli idéologiquement face au bloc soviétique (révolutions marxistes-léninistes et utopie de l'homo sovieticus au moment de la Guerre froide), l'instabilité chronique du système monétaire international n'aurait pas conduit aux accords de Bretton Woods (abaissement des barrières commerciales, régulation du commerce international), et... l'Europe ne se serait pas constituée (pas de réparations demandées aux vaincus, plan Marshall, réconciliation franco-allemande)! Dans son fameux livre, The Great Crash, 1929 (publié en 1954), John K. Galbraith rappelle que les Américains, à l'époque, étaient optimistes et convaincus de vivre dans un pays où la prospérité serait quasiment éternelle. L'Algérie de ce début de millénaire ressemble étrangement à cette euphorie américaine de l'époque. Les prix du pétrole et du gaz qui grimpent sans cesse donnent le tournis aux économistes les plus péssimistes. Quelle similitude avec les prémices de la crise actuelle! Washington avait imposé sa pax americana. La science, la technique et l'industrie étaient les piliers de cette richesse, alimentée par le boom spéculatif, et l'expansion commerciale semblait infinie. Dans cette atmosphère euphorique, de plus en plus de gens souhaitaient participer à la fête, se mettant à emprunter, à spéculer, et le système tout entier s'emballa. Situation quasi similaire en Algérie de l'an 2000. Rattrapé par la crise, le désarroi était général. Le taux de natalité baissa et il y eut 250 000 mariages de moins en 1932 qu'en 1929. La Grande Dépression s'étendit aux pays industrialisés du monde entier. Autre similitude avec la crise actuelle, qui démarre au centre (New York) et se transmet à la périphérie. Mais les Etats-Unis ont su relever le défi de la plus grande crise économique de leur histoire. Elu triomphalement en 1932, trois ans après le krach, le démocrate Franklin D. Roosevelt - un grand communicateur - lança son New Deal, un mélange de pragmatisme et d'optimisme, de discours encourageants et rassurants, et d'émulations créatrices qui contribuèrent à relancer la société américaine. Comme l'a dit Sénèque, "c'est quand on n'a plus d'espoir qu'il ne faut désespérer de rien". Nous en sommes là !