L'Algérie peut respirer. Il n'y aura pas de crise de pain et point de révolution ni d'émeutes de l'aliment de base des algériens. Craignant une contagion venue de l'Est, à partir de l'Egypte, ou même du Maroc où le pain fait des misères aux gouvernants, les pouvoirs publics en Algérie se préparaient à une éventuelle hausse spectaculaire du prix du blé en cette moitié de l'année en cours, à l'instar des autres produits alimentaires. La famine qui progresse dans le monde et les événements qu'elle provoque avaient de quoi inquiéter moult gouvernements. Cependant, le blé amorçait ce premier semestre une descente des plus salutaires. En effet, le blé a perdu 45% de sa valeur en trois mois alors que le maïs continuait de s'apprécier. Un différentiel auquel s'adaptent cultivateurs et agro-industriels. Depuis deux mois, la menace est sur toutes les bouches, laissant entrevoir des cours agricoles restant durablement ancrés à des niveaux record. Le grand écart ayant séparé ces derniers mois la situation régnant sur le marché mondial du blé et celui du maïs montre cependant à quel point la pénurie sur une culture peut se résorber. Au cours des trois derniers mois, le boisseau de 27 kilos de blé a ainsi perdu près de la moitié de sa valeur à Chicago. En Europe, la tonne de grains a vu son prix fondre de 25% depuis février, pour se traiter 187 euros. Le sentiment de rareté s'atténue. Aux Etats-Unis, la moisson de blé d'hiver s'annonce comme la plus importante depuis une décennie. Et au niveau mondial, la récolte 2008 est bien partie pour toucher des records. Situation radicalement différente sur le maïs, qui continue de voir sa valeur augmenter de 10% aux Etats-Unis. Pour expliquer cette dichotomie, il faut remonter à 2007: pendant des mois, le maïs américain se traitait autour de 100 dollars la tonne alors que le prix des blés américain et européen évoluait entre 200 et 250 dollars. Un différentiel de prix qui a incité les agriculteurs à planter du blé... au détriment du maïs - et du soja - contribuant à l'appréciation du cours de ces deux derniers. Ce différentiel entre les deux grandes céréales tend cependant à s'estomper. En mai, le maïs américain a vu son prix redescendre un peu pour la première fois depuis août dernier, tandis qu'il perdait 8% sur le marché européen. Le discours anti-biocarburants qui fait rage aux Etats-Unis jette un doute sur l'avenir du programme national de développement du bioéthanol. La diminution de l'écart de prix est accentuée par le report des utilisateurs - en premier lieu les fabricants d'aliments pour le bétail - sur un blé devenu moins cher. Sur les 20 millions de tonnes de blé consommées en plus cette année sur le plan mondial, 15 millions serviront à nourrir le bétail européen et américain ! Ces arbitrages montrent à quelle vitesse les récoltes - et les prix - peuvent encore s'ajuster à la demande sur la scène agricole mondiale... à la différence du monde des minerais ou du pétrole. L'inconnue reste la réaction des institutions financières qui ont envahi ces marchés depuis quelques années. Ce dernier pousse déjà les cultivateurs à se protéger contre la poursuite de la baisse des cours. Car il y a encore de la marge: en dépit de leur récent repli, les cours mondiaux du blé demeurent encore 50% supérieurs à ceux affichés il y a un an.