Le G8 envisage de réduire de moitié ses émissions de gaz d'ici à 2050, à condition que les pays émergents suivent. L'ancien Premier ministre japonais Shinzo Abe se souvient des éclats de voix. Au G8 d'Heiligendamm, l'an dernier, Nicolas Sarkozy et George Bush s'étaient, selon lui violemment affrontés sur le climat. Changement d'ambiance, mardi, dans les salons de l'hôtel Windsor Toya situé au-dessus d'un superbe lac volcanique de l'île d'Hokkaido.Pour son ultime G8, le président américain a lâché du lest et accepté, pour la première fois, que les huit pays les plus industrialisés "considèrent, en vue de l'adopter avec leurs partenaires engagés dans le processus de négociation de l'ONU", une réduction de moitié de leurs émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050. La déclaration finale précise ensuite que des "objectifs à moyen terme" et des "stratégies nationales diverses" devront être adoptés pour y parvenir. Les chefs d'Etat et de gouvernement du G8 (Etats-Unis, Russie, Royaume-Uni, France, Allemagne, Italie, Canada, Japon), aussitôt, ont crié victoire. "Nous sommes enfin passés à un niveau contraignant", s'est réjoui Nicolas Sarkozy. "Nous partageons désormais une vision commune des enjeux climatiques, qui rend possible un accord global lors de la future conférence de Copenhague", a renchéri le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso. Pas d'année de référence Sauf que la déclaration finale, tricotée par les "sherpas" jusqu'à 3 heures du matin, est plus que controversée. Le Japon, qui avait avancé la date butoir de 2025, aurait reculé devant les résistances américaines. La référence à la "détermination climatique commune des grandes puissances économiques" n'est pas non plus du goût de la Chine, de l'Inde et du Brésil, conviés ce mercredi à la table du G8 avec l'Afrique du Sud et le Mexique, sans avoir eu leur mot à dire sur ce texte qui les enrôle d'office. L'absence d'année de référence fait aussi tache, tant les émissions américaines et japonaises ont explosé depuis dix ans. Enfin, le report d'objectifs à moyen terme - l'Union européenne s'est, elle, déjà fixé, une réduction de 20% de ses émissions d'ici à 2020 - est décrié. "C'est une défaite pour les quatre membres européens du club, juge Kathrin Gutmann, du WWF. Nous espérions de leur part un plus grand forcing." Le verre n'est pas vide pour autant. A un an et demi de la conférence de Copenhague qui décidera, en décembre 2009, du traité destiné à remplacer l'actuel Protocole de Kyoto après son expiration, en 2012, le G8 ne s'est pas contenté, comme à Heiligendamm, "d'envisager sérieusement" une réduction de moitié de ses émissions qui, rappelons-le, représentent 80% de la pollution atmosphérique mondiale. Les Etats-Unis, administration finissante ou pas, ont fait un pas. "Or, qu'on le veuille ou non, rien ne peut bouger sans Washington", a plaidé José Manuel Barroso. "La vérité est que nous sommes au milieu d'une partie de poker climatique, complète un diplomate. Chacun mise et jauge les autres..." Ligoté par le consensus, le G8 a donc, à Toyako, pris plusieurs paris. Le premier est de penser que ses partenaires émergents vont jouer le jeu et accepter cet objectif vaguement contraignant de 2050, alors que le sort du réchauffement de la planète se jouera, selon les spécialistes, dans les vingt prochaines années. Pas sûr: Ivo de Boer, le patron de la Convention de l'ONU sur le changement climatique, a d'ailleurs vertement critiqué hier l'absence d'objectifs à moyen terme. Le second pari pris à Toyako est celui, implicite, d'une Amérique plus vertueuse après le départ de George Bush. "John McCain, comme Barack Obama, sont bien plus déterminés sur le sujet, confirme un négociateur européen. On peut donc parier sur des engagements climatiques plus contraignants au prochain G8, en Italie." Le dernier pari, non dit, est celui que font les Européens: s'ils parviennent à boucler d'ici à la fin de l'année leur paquet climat sous la présidence française, les Vingt-Sept estiment qu'ils seront en position de force pour rallier dans douze mois l'accord des Etats-Unis et des grands pays émergents. A moins que, d'ici là, la crise énergétique mondiale, la récession, la polémique sur l'impact des biocarburants sur les prix alimentaires, et les revendications légitimes de la Chine ou de l'Inde ne rouvrent les divisions climatiques au sein de ce club des pays les plus riches, décidément plus suiviste que pionnier.