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Mondialisation, modernité et spécificités socioculturelles
Publié dans Le Maghreb le 10 - 07 - 2008

"Depuis deux décennies, le terme de mondialisation tend à s'imposer au détriment de celui d'internationalisation. Alors que l'internationalisation désignait les relations économiques (marchandises, capitaux, firmes ), entre des espaces économiques nationaux, le terme de mondialisation (globalisation en anglais ) suppose l'existence d'un espace économique commercial; financier , productif et culturel de plus en plus unifié. D'admettre alors son inaptitude intrinsèque ( d'un point de vue sociologique et politique) à se libérer de son immobilisme culturel et à se démocratiser non plus seulement dans le principe du discours politique abstrait ( société virtuelle ), mais dans l'acte politique concret ( société réelle). Dans l'attente parfois désabusée de cette mue salvatrice , force est de reconnaître que jusque-là , l'idée de démocratie en Algérie ne semble occuper dans l'imaginaire social qu'une importance relative, subsidiaire même , en comparaison de ce besoin presque mythique de la cohérence culturelle et du fondement identitaire. Nouvelle preuve du déficit de formation culturelle des populations aux catégories générales du progrès social. Déficit structurel s'il en fut que l'on doit sans doute à l'indigence qui avait longtemps caractérisé le système de formation national d'où s'alimentent généreusement l'anomie et le désordre social "( in L'ordre et le désordre, p.166, Casbah Editions, Alger 2006). Nombre d'autres observateurs nationaux et étrangers vont dans ce sens, et d'une manière générale ces préoccupations se justifient. Surtout qu'il ne passe pas un jour sans que ce phénomène de mondialisation s'étende de plus en plus, les paraboles, évidemment y étant pour beaucoup dans cette impression de resserrement du monde. C'est que modernisation,- comme nous avons tenu à le souligner-, ne signifie pas forcément occidentalisation, pour nombre de nations relativement ( telles que la Chine, le Japon, la Corée , la Malaisie, le Mexique, l'Afrique du Sud,etc) qui ont su promouvoir leurs valeurs culturelles dans un cadre de Modernité ( universalisme planétaire) point assimilable à l'Occidentalité ( européocentrisme ) classique… Modernité planétaire au processus restructurateur qui se déploie, de plus en plus, actuellement à travers le globe, entraînant , partout , chez nous en Algérie comme dans le reste du monde en général , la métamorphose fulgurante de l'environnement quotidien , qui change à vue d'œil, avec le développement fantastique des technologies, nouveaux sites urbanistiques, les moyens de communication, notamment audiovisuels et informatiques ( Internet, téléphonies portables, visioconférences, surgissement des locaux de bureautique-informatique, des vidéothèques- dvd,vcd ; des cyberespaces, des commerces de téléphonie portable, des salles de visionnage de spectacles en trois dimensions, et autres nouveautés envahissant brusquement l'environnement de la société moderne en général et qui n'existaient absolument pas il n'y a guère longtemps… ), mutation véritable, en fait, à laquelle nous assistons depuis quelques décennies, au point que les différences entre les cultures du globe donnent l'impression de s 'estomper , et ce, d 'autant plus que des cerveaux , scientifiques et hommes d 'arts et de lettres etc. des diverses contrées sous-développées ou nanties du globe, participent, chaque jour, via les institutions , relations, coopérations et coproductions diverses, à l'extension planétaire, multiraciale et pluriculturelle de ce que l'on a nommé la " mondialisation " . Et comme l 'écrit à juste titre Mohamed Charfi " On peut s'en féliciter parce que le rapprochement entre les cultures favorise la coexistence, la paix et l 'entraide entre les nations,comme on peut le regretter parce que l 'uniformité absolue, la disparition de la diversité constituent un appauvrissement " , faisant observer, pour cela, " les mesures de sauvegarde de la culture, notamment par l 'incitation à la production dans la culture nationale , peuvent être légitimes. Mais à condition que l'incitation ne se traduise pas par des contraintes et interdictions et que la sauvegarde soit effectuée dans le strict respect de la liberté de chacun. " : dans cet ordre d'idées , la notion de spécificité invoquée par les intégristes, par exemple , pour contrer l'universalité des droits de l'homme apparaît sous son vrai jour , nous dit M.Charfi qui dénonce " Ce n'est qu'un moyen de légitimer la contrainte , l 'oppression, les atteintes qu'on veut continuer à porter à la liberté de l 'homme et à l'égalité entre les êtres humains … " ( in Islam et liberté, Le malentendu historique, Mohamed Charfi, Casbah Editions, Alger 2000. ) Dans cet ordre d'idées, la modernité constitue incontestablement un atout incontournable, pour les jeunes pays émergeants,en quête de leur évolution sociale ,culturelle -identitaire et progrès social en général… Cependant, afin d'éviter toute équivoque, il convient de faire observer à l'adresse de certains " esprits incorrigibles et adeptes irréductibles des bricolages catastrophiques ", que la modernité n'est pas à appréhender de manière superficielle par les tenants de s idéologies populistes , nationalistes chauvinistes et autres tendances radicalistes , notamment religieuses extrémistes, tendant , entre autres à islamiser aberrément la modernité, en ne retenant d 'elle qu' uniquement ses apports techniques et technologiques et excluant la quintessence de ses valeurs démocratiques libertaires et culturelles émancipatrices , humanitaires à l 'origine de ses fondements philosophiques historiques. La Modernité , il faut y insister, ne saurait se prêter au jeu des dissection s , ni à celui des " mises en conformités adéquates " etc. , étant un tout harmonieux indissociable de ses grands idéaux liber aux et indépendantistes distants des chapelles inquisitoires religieuses dogmatiques et des dictats des pouvoirs absolus , et autres, ne pouvant absolument pas être l'objet de " nationalisation s " quelconques ou se prêter aux " pliages sur mesure " calculés " fyfty-fyfty " , retenant d'une main l'aubaine du profit technologique procuré et rejetant de l'autre la dimension culturelle libertaire fondamentale … inconvenante !La Modernité , de cette façon - là est complètement annihilée et cacherait des desseins de domination certaine par ceux qui cherchent à la plier à leurs stratégies de pouvoirs foncièrement anti-démocratiques , sous prétexte , qu'elle ( la modernité) est étrangère aux valeurs autochtones , niant ainsi , de la sorte, sa dimension universelle ou les multiples opportunités de progrès et d 'évolution multidimensionnelle qu'elle offre aux sociétés sous-développées. Surtout qu e la Modernité pourrait très bien faire l 'objet d'adaptation s adéquate s ( et non pas pliage ) avec les éléments culturels et civilisationnels spécifiques d 'une contrée géographique quelconque du globe , et ce de façon plus ou moins harmonieuse avec les temps nouveaux ou les exigences du processus de modernisation et d 'acclimatation avec les données de plus en plus évolutives de la vie complexe de nos jours : il n 'y a aucun mal à s'inspirer de ce que la modernité peut contribuer à apporter à nos sociétés émergeantes ou sous-développées , en matière de progrès social , culture e l et technologique etc. Nombre d'esprits cultivent à tort , en entretenant la confusion, cette tendance passéiste consistant à rattacher au courant de la modernité toutes sortes de violences, injustices, abus , crimes et guerres abominables commis dans l'ère moderne et qui ont été , surtout, les faits d'hommes belliqueux ayant trahi , en fait , l es idéaux fondateurs libertaires et émancipateurs originels de la Modernité. ( partisans néo-coloniaux voilant leurs desseins d'hégémonisme et de domination des aires stratégiques pétrolifères, projets de bases militaires, contrôle des énergies diverses et ressources en eau etc.…derrière les prétextes d'idéaux démocratiques, qui ne s'imposent pas ,en principe, de l'extérieur par la force dévastatrice et décivilisatrice, mais doivent émaner surtout d'un processus de maturation évolutif interne de la société concernée).

Des valeurs démocratiques universelles et de l'" Ijtihad "
Tout comme il y a lieu de se garder , en conséquence, d e vite assimiler les valeurs authentiques de la modernité à celles des pouvoirs coloniaux, néo-coloniaux et autres oppresseurs , qui se sont certes appuyés sur s es formidables atouts propulseurs , d'hégémonisme technologique et scientifique mais qui n 'ont , dans le fond, absolument rien à voir avec les valeurs démocratiques libertaires et humaines, héritières de la Magna Carta de 1215, la "Pétition of Rights" à l'issue de la Révolution anglaise de 1688, et surtout la "Déclaration des droits de l'homme et du citoyen" du 26 août 1789 issue de la philosophie des
Lumières qui a permis la concrétisation du lien , conceptuellement et historiquement , entre toutes ces théories et idéaux libertaires antécédents de divers horizons, dans le moule de la Révolution française . Tournant historique universel accentuant, en quelque sorte, l'héritage de l'esprit rationnel et libertaire de l'époque de la Renaissance Européenne et les valeurs humaines pour lesquelles d'illustres hommes d'arts et de lettres, de sciences et de philosophies, théologiens réformateurs et autres gens du savoir de tous les temps et de toutes les contrées du monde se sont battus, au prix de leur vie, pour leur consécration .Et depuis l"année 1948 , la Déclaration universelle des Droits de l'homme est majoritairement historicisée dans la conscience universelle et acceptée formellement par l'ensemble des Etats de la planète. Ce qui marque précisément l'entrée de l'humanité dans la phase active de la Modernité et post-modernité planétaire. A ce propos ,et à l'adresse des réticents vis-à-vis de la modernité et les apports de la culture occidentale en général , il convient de ne pas oublier " que l'un des facteurs essentiels de la Renaissance en Europe a été la découverte de l 'héritage grec et que cette découverte s'est faite grâce aux Arabo-musulmans et Maghrébins qui avaient traduit et enrichi la philosophie e t les sciences helléniques "( Averroès et l'apport de la rationalité, Hunain le traducteur d 'Hippocrate et Avicenne dans le domaine de la médecine , Khawarizmi, Djaber dans le domaine des mathématiques et l 'algèbre, Ibn El Haithem dit " El Hazen " dans celui de l'astronomie et l'optique ( Traité sur la chambre noire), ou encore les berbères Algériens de l'antiquité comme Saint Augustin et l 'impulsion des réformes religieuses Luthériennes , Apulée de Madaure, un des fondateurs du roman etc., etc. …( Bien entendu ces savoirs multiples ne pouvaient s'épanouir dans ces zones arabo-musulmanes en déclin du XIIè siècle, suite à " un dépérissement graduel d'une sorte d'amnésie…mais plus grave encore, de l'improductivité soudaine de l'esprit d'invention, de l'oubli manifeste d'une longue discipline de travail, de méthodes de recherches et d'acquisition du savoir, toute chose pourtant familière dans le passé récent "( dixit Mostéfa Lacheraf in Ecrits didactiques sur la culture, l'histoire et la société, Editions ENAP , Alger 1988. ; c'est le " Roukoud "( décadence) dont partagent la responsabilité historique les monarques oppresseurs , les dictateurs et leurs polices de la pensée, les théologiens extrémistes et fossoyeurs de l'Idjtihad musulman, et entre autres les dangereuses contradictions et misères socio-culturelles engendrées et qui ont entraîné la paralysie de l'esprit de recherche scientifique et d'innovation culturelle-artistique , faisant ainsi le jeu des autres forces de destruction et d'aliénation portées de l'extérieur : chute de Bagdad , capitale culturelle et scientifique de l'Islam en 1258 suite à la razzia mongole, les coups de boutoir portés au proche Orient par les invasions successives des Croisés, des Tartares et des sbires de l'empire Ottoman et également au Maghreb, qui vit défiler depuis le XVIè siècle les invasions coloniales , espagnole, turque, française, italienne…meme cas de figure en Andalousie ou les égarements des consciences contribua au dépérissement des savoirs et à l'autodafé des œuvres d'un maître à penser comme Ibn Rochd ,pour ne citer que lui, favorisant ainsi l'accaparement aisé d'autrui de leurs potentialités négligées et savoirs , patrimoines et gens d'art, de lettres et de culture méprisés et poussés à l'exil intérieur ou extérieur.). Malheureusement, des décennies plus tard, le monde maghrébo-arabo-musulman au lieu d'évoluer et de se développer n'en finissait pas, au contraire, de sombrer dans les marasmes culturels et sous-développements chroniques, au grand désespoir de ses populations opprimées et humiliées : les séquelles coloniales et des pouvoirs féodaux, entre autres, engendrant les multiples conflits politiques , crises économico-sociales et identitaires dont profiteraient notamment les nombreux prédateurs à l'affût , tant à l'intérieur qu' à l'extérieur de ces infortunés pays.
Mohamed Ghriss


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