Fouzia Belkichi Il y a un mois, M. Chakib Khelil président de l'Opep et ministre de l'Energie de notre pays ainsi que le très écouté analyste Ole Slorer, de la firme Morgan Stanley, prédisaient que le prix du baril de pétrole atteindrait les 150 $ US aujourd'hui, 27 juillet, qui marque également un long congé et des vacances d'été. Je ne sais si le baril touchera ce seuil cet été sur le marché de Londres (celui de New York est encore sous influence américaine), mais il n'en sera pas loin. Hier, le baril a touché une descente encore imprévisible et rien ne laissait anticiper une quelconque baisse ou une reprise à la hausse à court terme. Le jour où Messieurs Chakib Khelil et Slorer firent part de leur prévision, le baril de brut avait bondi de 10 $. Évidemment, une grande part de l'augmentation pouvait être attribuée à la spéculation. Les dirigeants de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) ne cessent d'ailleurs de répéter que c'est l'activité spéculative de firmes financières qui est en bonne partie responsable de ce que le prix du baril a doublé depuis un an. Or, l'Agence internationale de l'énergie vient de mettre beaucoup de bémol à cette croyance, répandue chez plusieurs, et en somme toute logique. Dans un rapport rendu public il y a quelques semaines, l'AIE fait la démonstration que c'est d'abord la loi de l'offre et de la demande qui tire les prix pétroliers vers le haut, démentie d'ailleurs par les faits ces derniers jours. L'Agence ne nie pas que la spéculation financière influe sur la flambée des prix. Mais elle soutient que ce n'est là qu'un élément parmi d'autres, plus fondamentaux. L'AIE prévoit que les prix demeureront élevés au moins jusqu'en 2013. Cela ne les empêchera pas d'être volatils et parfois de redescendre. Mais ils risquent de rester plus hauts que bas. S'il est vrai que le niveau actuel a pour effet de modifier le comportement des utilisateurs dans les pays industrialisés, la baisse de la consommation prévue ne sera pas suffisante pour faire chuter les prix. Les ventes d'automobiles, surtout des petits camions et des véhicules utilitaires sport, sont en chute libre. Les automobilistes tentent d'économiser en réduisant leurs déplacements ou en utilisant les transports en commun. Mais le gros des économies d'énergie a été réalisé après les deux chocs pétroliers précédents. L'AIE soutient que les changements dans les comportements auront une incidence marginale sur la consommation mondiale de pétrole. En Amérique du Nord, on s'attend à une baisse moyenne de seulement 0,1 % au cours des cinq prochaines années. Pendant ce temps, la demande dans les pays émergents, notamment la Chine, augmentera de 3,7 % en moyenne pendant la même période. Dans cinq ans, la moitié du pétrole consommé dans le monde sera dans les pays en développement. La demande mondiale passera de 86,9 millions de barils par jour en 2008 à 94,1 millions de barils en 2013. À cette croissance irrépressible de la demande s'ajoute le problème de l'offre : la production ne parvient pas à suivre. Les pays de l'Opep siphonnent à plein régime alors que dans plusieurs pays (notamment le Mexique et la Russie), on constate que des réservoirs s'épuisent. Selon l'AIE, il faudra 3,5 millions de barils par jour de nouvelle production chaque année seulement pour maintenir le niveau actuel de l'offre. Or, ce que constate l'Agence, c'est que plusieurs projets de développement tardent à sortir de terre. Les délais de mise en valeur s'allongent, les coûts de construction explosent, des contraintes politiques ou réglementaires ralentissent les investissements, etc. De plus, plusieurs grosses découvertes dans le golfe du Mexique, au Kazakhstan ou encore au Brésil n'entreront en production qu'après 2013. Alors, l'équation n'est pas trop complexe à faire : avec une production qui stagne et une demande qui continuera de croître, les conditions seront propices au maintien de prix élevés.Faudra s'y habituer. Et c'est tant mieux pour l'Algérie.