Au huitième jour du procès, témoins et accusés s'accordent sur le fait que la caisse de Khalifa Bank tenait beaucoup plus d'un stock de liquide inépuisable où Abdelmoumen et ses acolytes se servaient sans se gêner. Hier, c'était au tour de l'inspecteur, Said Boumechehour, de témoigner et donner des indications sur le bilan de la commission d'enquête, à la suite de la faillite de la banque. En effet, celui-ci a révélé que la commission d'inspection dépêchée par Mohamed Djellab au niveau de la caisse principale a trouvé seulement un déficit de 1 200 dinars et un surplus de 400 francs suisses. Il s'est dit, d'ailleurs, étonné de cette situation soi-disant très réglementée, ce qui est d'ailleurs anormale vu le dysfonctionnement qui régnait à cette époque dans cet établissement. Les témoignages ont également révélé que les 11 EES (écritures entre sièges) reflétant le transfert de plus de 2 milliards de dinars, ont été rédigés et signés par M. Mohamed Chebli en qualité de receveur de la caisse et ce, pour camoufler le trou qui existait. M. Boumechehour a souligné avoir vu les EES et "ce sont des originaux" a-t-il dit, avant d'ajouter, sur un autre volet que concernant les opérations d'inspection des agences Yousfi Benyoucef a été relevé de ses fonctions tout en étant en mission à Setif, pour être remplacé par Ahmed Mir. "Avec Benyoucef, nous étions cinq à travailler, notre première mission nous a conduite à El Oued pour une durée de deux semaines au cours desquelles nous devions faire notre travail d'inspection. Par contre avec Ahmed Mir nous avons été réduits à une équipe de deux puis une personne et même le délais de la mission été réduits à cinq jours et c'est impossible de travailler dans ces conditions, on ne peut pas inspecter une agence en l'espace de cinq jours c'est un temps record", a-t-il précisé. L'accusé Youcef Akli, caissier principale, appelé à la barre pour plus d'éclaircissement et qui touchait, rappelons-le, un salaire de 90 000 dinars alors que son niveau d'instruction est dérisoire a relevé que Abdelmoumen Khalifa venait personnellement récupérer l'argent dans des sacs ; il récupérait des sommes faramineuses sur un simple coup de fil, alors qu'il ne détient aucun droit pour agir de cette façon même s'il est P-DG, il doit obligatoirement retirer les fonds à travers des chèques qui lui servent de justification. A son tour Hassen Hannech ex-contrôleur à Khalifa Bank a été appelé par la présidente pour témoigner dans le cadre de la mise en place de la commission d'inspection par M. Djellab, puisqu'il a contribué à la tâche. Celui-ci a souligné avoir posé des questions à M. Akli sur les déficits minimes à la caisse principale. Sur la question du surplus qui se transférait à Hussein Dey, il a indiqué que tout surplus de liquidités devait être transféré sur le compte de Khalifa Bank au niveau de la Banque d'Algérie ; mais il s'est avéré que ce surplus était réparti sur les différentes agences. Et c'est là qu'on peut mettre un grand point d'interrogation. La caisse a commencé à se surcharger après que la Banque d'Algérie eut suspendu le 27 novembre 2002 les opérations de commerce extérieur, autrement dit le transfert vers l'étrangers des devises. C'est à ce moment-là que nous avons reçu l'instruction de Abdelmoumen Khalifa par téléphone de ne plus transférer le surplus d'argent vers la Banque centrale, a précisé M. Akli. Et d'ajouter qu'"il m'a demandé de me déplacer à l'agence d'Hussein Dey pour m'enquérir des lieux en matière de sécurité. A partir de ce moment j'ai commencé à accompagner les convoyeurs pour transférer l'argent vers cette agence" a-t-il dit en précisant que "tout le monde était au courant, même mes supérieurs". Poursuivant son récit, il souligne que "quelque temps après le P-DG a sollicité M. Baïchi pour me demander de reprendre l'opération de transfert vers la Banque d'Algérie mais cela a duré deux jours seulement". Il déclaré aussi que durant quatre ans de service au niveau de la banque Khalifa il a souvent donné de l'argent liquide sans chèque au P-DG, c'était des sommes en franc, en euro, en dollar et en livre sterling. De son côté, Ahmed Mir, lui aussi accusé appelé à la barre, a souligné qu'"à chaque opération d'inspection je rédigeais un rapport pour décrire la situation désastreuse qui régnait au sein de certaines agences et je le transmettait à la direction générale mais aucune de mes recommandations n'a été prises en considération". Dans l'après-midi, c'était au tour de Abdelouahab Réda de passer à la barre. Celui-ci, retraité de l'ANP, travaillait pour Abdelmoumen Khalifa comme responsable de la sécurité et touchait un salaire de 150 000 DA. Celui-ci avoua qu'il était chargé de superviser les déplacements de Khalifa et de sa femme. L'accusé indiquera qu'il était également chargé de retirer des sommes faramineuses pour le compte de Khalifa qu'il convoyait dans des sacs. Il dira à ce sujet qu'il a retiré 200 000 DA pour payer les gardiens et les femmes de ménage travaillant dans la résidence de Khalifa. Il également retiré 1 million et demi de dinars à l'occasion de l'Aïd El Kebir que Khalifa voulait distribuer au personnel. Il a également retiré 10 000 dollars américains à l'occasion d'un déplacement de Abdelmoumen Khalifa à Bamako et qui devaient servir à payer les frais d'atterrissage du jet privé de celui-ci à l'aéroport de Bamako. L'accusé a également évoqué un retrait de 30 000 euros à l'occasion d'un déplacement de Abdelmoumen Khalifa aux USA, ainsi qu'un dernier retrait de 5 millions de dinars au mois de février 2003 qu'il devait acheminer à la résidence de Khalifa. Il dira que Khalifa n'était pas en Algérie à ce moment là, "il devait être en France ou aux USA et m'a appelé par téléphone pour commander cette somme". L'accusé dira qu'il conduisait un véhicule de service de type Nissan et qu'il s'était déplacé 3 fois aux USA, 2 fois en compagnie de Abdelmoumen Khalifa et une troisième fois en compagnie d'une délégation. Il avouera néanmoins avoir bénéficié d'une master card en mars 2002 qu'il avait ouvert avec 1 000 dollars auxquels il a ajouté 1 500 dollars.