Les différentes audiences du procès Khalifa tenues à ce jour ont permis de révéler les magouilles utilisées par les responsables de la banque pour maquiller, du moins dans la comptabilité, la saignée continuelle de sa caisse principale et des agences d'où au moins 3,2 milliards de dinars ont été sortis dans des sacs sans le moindre justificatif. Selon les recoupements des déclarations de plusieurs témoins et accusés, le 23 février 2003, presque cinq ans après la création de la banque, son fondateur et P-DG Rafik Abdelmoumen Khalifa, appelle par téléphone son second, le P-DG-adjoint, Ismaïl Krim, pour lui demander de régulariser la caisse principale. Cet appel a eu lieu le jour même où trois cadres du groupe Khalifa, ont été arrêtés à l'aéroport international Houari-Boumediène en leur possession des mallettes contenant 2 millions d'euros qu'ils tentaient de faire sortir frauduleusement du pays. L'accusé Youcef Akli, caissier principal depuis fin 1998, a reconnu avoir maintes fois remis d'importantes sommes d'argent en dinars et en devises à d'innombrables personnes travaillants à cette époque pour le compte de Abdelmoumen Khalifa sans aucun document officiel, ni chèque, ni reçu et ni bon. A chaque retrait, le patron lui promettait de lui fournir des documents justificatifs, chose qui n'a pas été faite. D'autre part, Akli, qui a été chargé par Smail Krim pour régulariser la caisse en l'absence de pièces justificatives, a recouru à un artifice comptable. Akli a cependant demandé à Mohamed Chebli, d'élaborer onze EES (écritures entre sièges), des documents comptables sensés signifier des sorties d'argent, d'une valeur équivalente au déficit constaté dans la caisse principale de l'ordre de 2,29 milliards de dinars et d'importants montants en devises. Le tout s'évalue autour de 3,2 mds de dinars. L'artifice est tellement élaboré qu'Agaoua, venu inspecter la caisse principale le 12 mars 2003, ne trouve presque aucun déficit en comparant les existants physiques, autrement dit l'argent liquide, aux registres comptables, il a donc trouvé seulement un déficit de 1 200 DA et un surplus de 400 francs suisses il se rappelle même avoir félicité Akli Youcef pour sa bonne gestion. Mais cette situation n'a pas duré trop longtemps, car le 25 février 2003, le Conseil de la monnaie et du crédit de la Banque d'Algérie, soupçonnant des irrégularités a mis Khalifa Bank sous tutelle d'un administrateur provisoire, Mohamed Djellab, qui entre en fonction le 2 mars. M. Djellab a ordonné à Agaoua de mener une inspection à la caisse principale et ce dernier, trompé d'abord sur les 11 EES, finit par les découvrir le 17 mars. Alerté, l'administrateur provisoire met sur pied une commission d'audition qui interrogera tous les acteurs concernés par les fameux EES. Ainsi, Youcef Akli, son adjoint Mohamed Chebli, Hamou Nekkache, directeur adjoint chargé de la comptabilité, sont entendus par les membres de la commission. Chose qui a permis à Akli de reconnaître avoir été chargé de régulariser la caisse, Chebli d'avoir saisi sur ordinateur les 11 EES et Nekkache de les avoir reçus d'Akli. Djellab a ensuite demandé à chacun des trois d'apposer son empreinte digitale en plus de sa signature sur le rapport contenant leurs déclarations devant la commission, le 22 mars. Le jour même, l'administrateur provisoire charge le directeur du service juridique d'El Khalifa Bank, Boualem Laouche, de déposer plainte à la brigade économique de la Sûreté nationale, qui déclenchera alors l'enquête judiciaire, une enquête qui a duré trois ans pour voir enfin le procès ouvert à la Chambre criminelle près la Cour de Blida.
104 personnes sont poursuivies par la justice
Au total, 104 personnes sont poursuivies, dont Abdelmoumen Khalifa, qui se trouve toujours à l'étranger et fait l'objet d'un mandat d'arrêt international. Il est jugé par contumace pour les chefs d'accusation de constitution d'une association de malfaiteurs, vol répété, fraude, escroquerie, abus de confiance, falsification de documents officiels et bancaires, corruption, abus de pouvoir et faillite frauduleuse. Parmi les principaux accusés, figurent aussi des chefs d'agence de Khalifa Bank, notamment celles de Hussein-Dey, de Blida et d'Oran, qui envoyaient également des sommes d'argent, en millions de dinars, tirées des caisses des agences qu'ils dirigeaient sur simple ordre verbal de leur patron. L'ex-gouverneur de la Banque d'Algérie et ancien ministre délégué à la Réforme bancaire, Abdelouahab Keramane, est accusé, quant à lui, de participation à la constitution d'une association de malfaiteurs, vol répété et abus de confiance. Le parquet l'accuse notamment d'avoir eu connaissance, en tant que gouverneur de la Banque d'Algérie au moment des faits, des violations commises par les gestionnaires et les actionnaires de la Khalifa Bank durant deux ans, entre 1998 et 2000, et de n'avoir rien fait pour les arrêter. En outre, 41 responsables de sociétés nationales sont accusés d'avoir reçus des privilèges matériels tels argent, voitures, titres de voyages gratuits,.. en contrepartie du dépôt des fonds de leurs sociétés à Khalifa Bank, et sont donc inculpés de corruption et d'abus de pouvoir. Le procès a permis, à ce jour, d'éclaircir un certain nombre de choses de la part des témoins et des accusés qui se défilent à la barre pour répondre aux questions de la présidente Mme Fatiha Brahimi chargée de l'affaire.