Gagnés par l'euphorie générale des marchés, après les mesures d'assainissement prises par plusieurs régulateurs pour endiguer la panique boursière, les cours du pétrole se sont raffermis hier matin pour la troisième journée consécutive, repassant la barre des 100 dollars. Il faut dire que le marché pétrolier est secoué actuellement par de très violentes fluctuations. Les cours du baril ont ainsi lâché près de 10 dollars lundi et mardi, et en ont repris autant les deux séances suivantes, remontant jusqu'à 102,24 dollars à New York. La crise bancaire exacerbe la volatilité des cours du pétrole, l'or noir étant, tout à la fois, vendu par des investisseurs rapatriant fébrilement leurs fonds et acheté au titre de valeur refuge. Depuis le début de la semaine, les cours sont embarqués dans les remous de cette crise financière qui ébranle les banques de Wall Street et de la City londonienne, et ils sont davantage dictés par la perception du risque financier que par l'offre et la demande. Depuis l'annonce de la faillite de la banque Lehmann Brothers dimanche, deux tendances aux effets contradictoires se livrent bataille sur un marché hypernerveux : le besoin de liquidités d'un côté, la recherche de placements sûrs de l'autre. Lundi et mardi, les cours sont tombés en chute libre (sous les 89 dollars à Londres) alors que les investisseurs liquidaient leurs actifs pour chercher de l'argent frais. "Beaucoup se débarrassent de leurs matières premières pour réduire leur exposition aux risques et lever de l'argent pour des appels de marge (demandes de garanties, NDLR)", confirmait Mike Wittner, analyste de la banque Société Générale. Mercredi, la tendance s'est inversée et les cours ont regagné 6 dollars, à la faveur d'une affluence des fonds vers les matières premières, perçues comme des valeurs refuge. Jeudi, le pétrole a terminé quasi stable, au terme d'une séance à nouveau très volatile au cours de laquelle il a dépassé 102 dollars à New York. "Malgré l'annonce du sauvetage de l'assureur AIG, les nerfs ne sont pas calmés et les taux interbancaires (reflet de l'extrême défiance qui règne entre les banques, NDLR) sont restés extrêmement élevés. Du coup, les acteurs du marché ont afflué vers les placements refuges comme l'or, les bonds du Trésor américains, et aussi le pétrole", a rappelé Nimit Khamar, de la maison de courtage Sucden. A ce jour, "il est difficile de savoir si les rapatriements de capitaux sont arrivés à leur terme ou si l'on assiste seulement à une pause" dans les liquidations, estime Mike Wittner. "Une chose est sûre, les investisseurs ont vendu sans faire le moindre cas de l'offre et la demande", ajoute-t-il. Il faut donc attendre que la poussière retombe sur les marchés financiers avant que les investisseurs ne s'intéressent de plus près à la réalité de l'offre et la demande. Après avoir atteint un record historique de plus de 147 dollars le baril le 11 juillet, le pétrole a chuté de plus d'un tiers en raison d'inquiétudes sur la demande en provenance des Etats-Unis et des craintes de l'impact que pourrait avoir la crise du crédit sur l'économie mondiale. L'or noir est également soutenu par des interrogations du côté de l'offre, les installations américaines du Golfe du Mexique étant très loin d'être à nouveau opérationnelles après le passage de deux ouragan et celles de Shell au Nigeria ayant fait l'objet de nouvelles attaques. Par ailleurs, le directeur des marchés du pétrole à l'Agence internationale de l'Energie (AIE) a soutenu vendredi l'idée qu'un juste prix du pétrole pour les producteurs et les consommateurs se situait autour de 80 dollars le baril.