L'Union européenne et l'Inde se retrouvaient hier à Marseille en sommet annuel afin de négocier un accord de libre-échange et surtout pour parler entre grandes puissances démocratiques du réchauffement climatique, des crises financière et alimentaire et du terrorisme. Ce neuvième sommet --en présence du Premier ministre indien Manmohan Singh, du président français Nicolas Sarkozy et du président de la Commission européenne José Manuel Durao Barroso-- se tient au moment où l'Inde n'a jamais été aussi fière de son double statut de "plus grande démocratie du monde" et d'économie la plus performante de la planète, juste derrière la Chine. "L'Inde et Europe sont liées par les valeurs communes de la démocratie et du pluralisme", a souligné M. Singh en partant lundi dernier pour une semaine à New York et à Washington, avant sa visite à Marseille puis à Paris les 29 et 30 septembre. L'UE reste, devant la Chine, le premier partenaire commercial de l'Inde, avec 60 milliards d'euros de biens et de services échangés l'an dernier. Mais le géant asiatique "n'est que le neuvième partenaire commercial de l'UE, derrière la Corée du Sud, ce qui est anormal", a relevé devant le Parlement européen le secrétaire d'Etat français aux Affaires européennes, Jean-Pierre Jouyet. Pour corriger ce déséquilibre, les deux parties vont continuer de discuter d'un éventuel accord de libre-échange. Même si la Fédération des chambres indiennes de commerce et d'industrie (FICCI) rêve d'un accord "bouclé pour 2009", des diplomates indiens et européens admettent qu'"il reste beaucoup de travail". "Nous ne conclurons pas à Marseille", préviennent-ils, notamment en raison du calendrier électoral en Inde qui doit organiser ses législatives avant mai 2009. L'UE a fait de l'Inde son "partenaire stratégique" en 2004. L'année suivante, elle a adopté "un plan d'action", un cadre pour le dialogue politique et la coopération, les Européens étant alors convaincus du potentiel économique du poids-lourd asiatique, qui a su aussi préserver depuis son indépendance en 1947 une démocratie de 1,1 milliard d'habitants. "Nous souhaitons adopter un plan d'action rénové, plus court, plus opérationnel", a plaidé M. Jouyet, notamment pour les questions énergétiques, climatiques et de sécurité. Pour le réchauffement climatique, l'UE juge que l'Inde, dorénavant troisième pollueur de la planète, ne fait pas assez d'efforts pour se fixer des objectifs de réduction de ses émissions de CO2. "Nous avons une conception opposée à celle de l'Inde: agir contre le changement climatique n'est pas contradictoire avec la croissance économique", a expliqué la vice-présidente de la Commission européenne Margot Wallström. Avant d'arriver en France, M. Singh avait dit vouloir "renforcer la coopération dans l'antiterrorisme" avec l'Europe, au moment où son pays est frappé depuis novembre 2007 par une vague d'attentats revendiqués par un groupe islamiste indien qui ont fait 150 morts. M. Jouyet lui a répondu que "la lutte contre le terrorisme (était) un élément central du dialogue avec l'Inde" voisine d'un Pakistan en plein chaos et engagée dans des projets de reconstruction d'un Afghanistan en guerre. La dialogue diplomatique devrait également tourner autour de la crise financière américaine et mondiale, à laquelle l'Inde assure, pour l'instant, avoir échapper. Grand producteur agricole, l'Inde sera probablement sollicitée par l'UE à propos de la flambée des denrées alimentaires. "Il est plus que temps qu'un pays émergent comme l'Inde ait sa place dans les affaires mondiales", a résumé un diplomate. D'ailleurs, le Premier ministre Singh ne manquera certainement pas de parler une nouvelle fois d'un siège permanent au Conseil de sécurité pour l'Inde et de l'élargissement du G8. Des revendications que la France soutient, mais sur lesquelles l'UE n'a pas de position commune.