Le sommet des présidents du Mercosur à Rio de Janeiro a été marqué jeudi et vendredi par les appels du président vénézuélien Hugo Chavez à transformer cette communauté économique sud-américaine en un instrument politique continental de lutte contre le néo-libéralisme. Vedette incontestée du sommet, M. Chavez a souhaité que le Mercosur, créé en 1991 par le Brésil, l'Argentine, l'Uruguay et le Paraguay, soit "décontaminé du virus néo-libéral". "En cette nouvelle ère s'impose le retour à la politique, à l'idéologie et non pas au marché", a dit le président du Venezuela, nouvel adhérent du Mercosur depuis fin 2006. "L'époque néo-libérale est terminée en Amérique latine. Nous ne permettrons pas qu'elle revienne", a-t-il affirmé devant une assistance plus large que celle du Mercosur. Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva a reçu pendant deux jours dans le cadre somptueux du célèbre Copacabana Palace de Rio, outre les cinq pays membres du Marché commun du sud, plusieurs autres présidents d'Amérique latine invités: Bolivie, Chili, Colombie, Equateur, Surinam et Guyana. La réunion a parfois pris les allures d'un forum polémique entre dirigeants d'une Amérique latine ayant connu les victoires récentes de plusieurs présidents se réclamant de la gauche, mais encore bien loin de l'entente parfaite. On a ainsi vu le nouveau président bolivien Evo Morales s'en prendre à son hôte et allié brésilien en affirmant qu'il "n'est pas possible que la Bolivie continue à subventionner le gaz en faveur du Brésil", une référence aux difficiles négociations en cours entre son pays et la compagnie nationale brésilienne Petrobras (PETR3.SA - actualité) . "Quand Lula parle de solidarité c'est important", mais ce que veut la Bolivie pour son gaz c'est "un prix juste", a-t-il souligné. Le même Evo Morales s'est lancé dans une attaque en règle contre le président colombien Alvaro Uribe: "En Colombie, sous prétexte de lutte contre le trafic de drogue, les Etats-Unis ont investi des millions et des millions, mais le pays continue de connaître un déficit budgétaire et un déficit commercial". En termes de résultats concrets, le bilan du sommet du Mercosur est modeste. Les dirigeants du Mercosur, communauté économique sud-américaine, ont réaffirmé vendredi leur objectif commun d'une intégration accrue, au terme d'un sommet qui s'est toutefois surtout soldé par un constat de divergences importantes sur les politiques économiques à mettre en oeuvre. Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva a clos le sommet annuel en déclarant qu'il n'y a "jamais eu un climat si prometteur pour l'intégration du Mercosur". Mais son optimisme affiché ne pouvait dissimuler les différences qui opposent les membres du bloc économique, ainsi que les autres pays d'Amérique latine, où les élections des dernières années ont vu émerger de nombreux dirigeants de gauche. Le président bolivien Evo Morales a indiqué qu'il ne soutiendrait pas une adhésion de son pays au Mercosur tant que la question de la future orientation économique du bloc n'aura pas été réglée. Tenant d'une gauche "radicale", il a plaidé pour des réformes au sein de la communauté économique pour "permettre la résolution des problèmes auxquels la majorité de nos peuples sont confrontés". Allié de Morales, le président vénézuélien Hugo Chavez a affirmé que son modèle de "socialisme du 21e siècle" était la solution. Il a appelé à "décontaminer" le Mercosur de ses politiques libérales et de privatisations qui ont prévalu dans la région au cours de la dernière décennie, et a prôné "une plus grande présence de l'Etat dans l'économie". Le président brésilien Lula, symbole d'une gauche latino-américaine modérée, a plaidé pour une approche plus prudente, appelant de ses voeux une intégration économique régionale dans le respect des différences de chacun. "Nous devons chercher des solutions consensuelles qui respectent les options de chaque pays", a-t-il déclaré, ajoutant que "notre union est nécessaire, pas même les plus forts d'entre nous seront capables de résoudre seuls les contradictions dans lesquelles sont immergées nos pays".