New Delhi a transmis lundi à Islamabad des preuves "accablantes" de l'implication d'"éléments pakistanais" dans les attentats de Bombay et a dénoncé la complicité "probable" de hiérarques du pouvoir pakistanais. Depuis ces attaques islamistes perpétrées du 26 au 29 novembre contre la mégalopole-symbole de la puissance économique indienne, l'Inde et le Pakistan enchaînent les joutes diplomatiques, mais n'ont jamais pris de mesures concrètes qui pourraient les conduire à se faire la guerre. Au terme de cinq semaines d'enquête, "nous avons envoyé aujourd'hui au Pakistan des preuves sur des liens entre des éléments pakistanais et les terroristes qui ont attaqué Bombay le 26 novembre", a annoncé le ministre des Affaires étrangères, Pranab Mukherjee. "Nous attendons que le gouvernement pakistanais poursuive rapidement son enquête, en partage avec nous les conclusions afin de traduire les responsables en justice", a insisté le chef de la diplomatie indienne. Le Premier ministre pakistanais, Yousuf Raza Gilani, lui a répondu que ces éventuels auteurs pakistanais seraient punis, si des preuves "crédibles" sont produites contre eux. Ce dossier à charge présenté par l'Inde et qu'Islamabad s'est engagé à "examiner" se compose de transcriptions d'appels téléphoniques, d'interceptions de communications et de rapports d'interrogatoires, notamment celui du seul survivant du commando islamiste, Mohammed Ajmal Amir Iman, détenu en Inde et citoyen pakistanais selon New Delhi. L'Inde, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne imputent le carnage de Bombay (172 morts, dont neuf assaillants) au Lashkar-e-Taïba (LeT), un groupe islamiste armé clandestin pakistanais. Ce mouvement --qui a nié toute implication-- aurait entraîné le commando de 10 assaillants, tous des Pakistanais selon New Delhi, avec le soutien d'"éléments" du régime pakistanais, c'est-à-dire liés aux services de renseignement d'Islamabad, affirment des responsables indiens sous le couvert de l'anomymat. Car "il est difficile de croire que quelque chose de cette ampleur qui fut si long à préparer ait pu arriver sans que quiconque, n'importe où au sein de +l'establishment+ (Ndlr: l'ordre établi ou le pouvoir) du Pakistan, ne sache que cela se déroulait", a dénoncé le secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, Shiv Shankar Menon. Le numéro 2 de la diplomatie indienne n'a toutefois pas accusé explicitement le régime d'Islamabad, ni ses puissants services de renseignement (Inter-Services Intelligence, ISI) d'une responsabilité directe dans les attentats. Mais New Delhi --sous le choc de son "11-Septembre" et largement soutenu par la communauté internationale-- entend maintenir la pression sur Islamabad en lançant une grande offensive diplomatique. Ainsi, le ministre de l'Intérieur Palaniappan Chidambaram se rendra cette semaine aux Etats-Unis pour y présenter des preuves "accablantes et irréfutables (montrant) que le complot s'est tramé au Pakistan et que l'opération était organisée et contrôlée depuis le Pakistan", a-t-il annoncé dimanche. L'Inde a déjà partagé ses preuves avec plusieurs Etats et s'apprête à informer le corps diplomatique à New Delhi, pendant que ses ambassadeurs feront de même dans leurs pays de résidence, a annoncé M. Mukherjee. A cause des attentats de Bombay, les deux puissances nucléaires d'Asie du Sud ont de facto gelé leur laborieux processus de paix réamorcé en janvier 2004. Toutefois, relèvent experts et diplomates, elles ne peuvent pas, pour l'instant, courir le risque d'une nouvelle guerre. Les "frères-ennemis", nés les 14 et 15 août 1947 de la partition bâclée et sanglante de l'Empire britannique des Indes, se sont affrontés à trois reprises --dont deux fois à cause du Cachemire-- et ont frôlé en 2002 une quatrième confrontation, potentiellement atomique.