Au lendemain d'une audience tumultueuse, samedi soir, marquée par les témoignages d'Abdelmadjid Sidi Saïd, SG de l'UGTA, et de Bouguerra Soltani, actuel ministre d'Etat sans portefeuille, le procès a repris, hier matin, avec l'interrogatoire de nouveaux accusés. C'est ainsi que l'ex-directeur financier de la Caisse nationale d'allocations du chômage M. Rachid Aichar, accusé de corruption et abus de confiance est passé à la barre. Il dira que "le conseil d'administration composé de 19 membres a décidé du placement des fonds de la Cnac à la Banque Khalifa", avant d'ajouter qu'il a été "convoqué par le directeur général de la caisse qui lui a demandé de retirer l'argent de la Cnep pour le placer à El-Khalifa Bank si son offre concernant les taux d'intérêt est intéressante". La présidente de l'audience, Mme Fatiha Brahimi, lui demandera quel était le montant du placement. "Le premier placement a été effectué à l'agence Khalifa de Saint George et était de l'ordre de 182 millions de dinars pour un taux d'intérêt de 10%", soulignera l'accusé. C'est à ce moment que Mme Brahimi reviendra sur la résolution du conseil d'administration et demandera à l'accusé si la tutelle a été informée ? Celui-ci rétorque que "la décision a été prise le 6 août 2001 et appliquée le 6 septembre 2001". C'est ainsi que la présidente lui précise que cela enfreint la loi puisque il faut attendre 45 jours pour appliquer la décision du conseil. M. Aichar indiquera que "la Cnac a fait un deuxième placement à l'agence d'El Harrach pour un taux d'intérêt de 11%". La magistrate l'interrogera ensuite sur les avantages dont il a bénéficié de la part de Khalifa Bank. L'accusé avouera avoir "bénéficié de cartes de voyage gratuites de Khalifa Airways pour me déplacer deux fois avec ma famille à Annaba et une fois seul à Marseille", avant d'ajouter que "Aziz Djamel m'a remis une carte d'accès gratuit au centre de thalassothérapie de Sidi Fredj et je ne me suis jamais servi". La juge lui demandera ensuite d'expliquer le fait que son nom figure dans la liste nominative des meilleurs clients de Khalifa Bank. "Je ne peux pas expliquer cela Mme la présidente", dira-t-il. Pour sa part, le procureur général lui demandera quelle était la date du dernier placement de la Cnac au sein de la banque Khalifa. "C'était le 22 janvier 2003", répondra l'accusé. Sur ce, le procureur général enchaîne : "Comment peut-on placer de l'argent dans une banque au moment où tout le monde se précipite pour retirer ses fonds ?". "On n'était pas au courant monsieur", répondra tout simplement Aichar, lequel dira par la suite que " c'est le directeur général de la caisse, M. Ait Belkacem, qui a signé les conventions avec Khalifa Moumen. A travers ces placements, la Cnac a perdu 1 milliard et 874 000 DA". La magistrate fait remarquer que la caisse a des contacts quotidiens avec le marché monétaire et les premiers responsables de la Cnac pouvaient très bien savoir dans quelle situation se trouvait Khalifa Bank. Par la suite, la présidente de l'audience a appelé à la barre M. Mahrez Ait Belkacem , ex directeur général de la Cnac, accusé de corruption. Ce dernier confirmera que la réunion du conseil d'administration a bien été tenue le 6 Août 2001, et lors de cette réunion le conseil n'a pas précisé où se fera le placement de la caisse, banque privée ou autre. Il souligne, dans un autre sens, que "la plus grande fierté de la Cnac c'est la régularisation du versement des indemnités des chômeurs à temps, puisque on avait des entrées de 1 milliard de centimes tout les deux jours". La magistrate l'interrogera sur les précautions qui n'ont pas été prises concernant les placements dans une banque privée et qu'il fallait faire une étude ou une analyse avant de prendre une décision. " L'escroquerie a été très bien maquillée et tout le monde s'est fait avoir", rétorqua l'ex DG de la Cnac. Dans le même context,e l'accusé dira qu'ils ont fait "un dépôt de l'ordre de 1,250 milliards de DA à travers 6 dépôts de la Caisse d'assurance des microcrédits". La juge lui demanda comment peut-il expliquer le fait que son fils ait bénéficié d'un stage au sein de Khalifa Bank ? "Il n'y avait pas que lui. Il y avait 400 autres stagiaires". Il faut dire que Mme Brahimi n'a pas hésité à faire remarquer qu'il n'y avait pas parmi ces 400 stagiaires, un élément qui ne soit pas fils de cadre de l'Etat. Dans l'après-midi, c'était au tour de l'ex-DG de la Casnos, M. Hassan Boubedra, accusé de corruption, de passer à la barre. Celui-ci indiquera que le conseil d'administration, composé de 21 membres, a décidé, en 2001, de placer des fonds à El-Khalifa Bank. Et qu'ils ont adressé un P.V. au ministère du Travail et de la Sécurité sociale tout de suite après. Un P.V. dont on ne trouve nulle trace à ce jour. Il dira également qu'ils ont effectué deux dépôts à l'agence d'El-Harrach, le premier de 12 milliards de DA et le second de 200 milliards de DA en juin 2001 et qu'il a lui même signé la convention avec Aziz Djamel. La présidente de l'audience lui demandera s'il a bénéficié, lui-même ou un membre de sa famille, d'avantages de la part du groupe Khalifa. L'accusé refusera de répondre. Sur ce, la magistrate lui rappellera que son fils a bénéficié d'un stage au sein de Khalifa Airways et qu'il a bénéficié d'une réduction de 50 % sur les billets de la compagnie aérienne. Mme Brahimi a appelé, par la suite, M. Telli Safi à la barre. Ex-DG de l'Agence de développement social, celui-ci est inculpé de corruption et de trafic d'influence. L'accusé dira que l'ADS retirait ses fonds du Trésor public avant de les placer dans différentes banques de la BNA et du CPA ainsi que dans un compte courant postal. L'accusé affirmera qu'il a occupé le poste de DG entre 2001 et le 2 juin 2004, tout en insistant sur le fait, qu'à son arrivée à l'ADS, il a trouvé deux comptes d'exploitation ouverts à l'agence d'El-Harrach d'El-Khalifa Bank. La magistrate lui demandera à quel montant se chiffraient les dépôts de l'ADS à El-Khalifa Bank. L'accusé rétorque : " Je l'ignore ". Mme Brahimi précisera qu'il s'agit de 949 millions de dinars. Elle demandera à l'accusé s'il a bénéficié d'avantages de la part du groupe Khalifa. Celui-ci indiquera que Khalifa Airways a offert 20 ordinateurs à l'ADS et a fait bénéficier les employés de l'agence de 50 % de réduction. Il indiquera également que l'ADS a organisé du temps où Tayeb Bélaïz était ministre de l'Emploi et de la Solidarité nationale, un séminaire sur le micro-crédit. Un séminaire qu'El-Khalifa Bank a été le seul à sponsoriser. L'accusé indiquera néanmoins ne pas avoir de contrat de sponsoring à sa disposition. Par la suite, la présidente de l'audience appellera M. Mouloud Mohamed Meziani, Ex-DG adjoint de l'ADS, accusé lui aussi de corruption et de trafic d'influence. Celui-ci ne fera que confirmer le témoignage de Telli. Il serait utile de noter que les deux derniers accusés ont nié avoir profité d'avantages personnels de la part du groupe Khalifa, néanmoins la juge Brahimi fera remarquer que leurs enfants ont bénéficié de stages au sein du groupe Khalifa.