La chute brutale des cours du pétrole a de quoi inquiéter sérieusement les producteurs. Ces derniers craignent, en effet ,que la baisse des recettes ne remette en cause leurs investissements dans des projets énergétiques. Ainsi l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) avait annoncé que la situation actuelle du marché allait conduire au gel de 35 projets pétroliers. Il faut savoir que les membres de l'Opep estiment que le prix du baril de pétrole devrait évoluer entre 60 et 75 dollars afin de soutenir les investissements dans le secteur. Néanmoins, crise oblige, certains membres de l'Opep se contentent d'un certain seuil. C'est dans ce sens que le ministre qatari du pétrole, Abdallah al-Attiyah a estimé, hier en marge d'un forum sur l'énergie à Koweït, qu'un baril à "50 dollars est un prix raisonnable pour 2009 compte tenu de la crise de l'économie mondiale". "L'économie mondiale traverse une récession et je m'attends à ce que la situation empire", a encore indiqué le ministre. Il faut savoir que les cours du pétrole avaient amorcé la semaine dernière une nette ascension pour toucher les 55 dollars, jeudi, après la publication de stocks US en forte baisse. Néanmoins, l'euphorie des marchés n'aura été que de courte durée. En effet, et après avoir enregistré une légère baisse à la clôture des marchés vendredi, le baril de brut a entamé une nouvelle semaine hier sur une chute de 2 dollars des cours en début d'échanges européens. Le marché voyant la consommation pétrolière persister dans sa faiblesse et jugeant l'envolée récente des prix injustifiée, l'InterContinental Exchange de Londres a été marqué par une baisse 1,50 dollar à 50,48 dollars pour Brent de la mer du Nord pour livraison en mai. A New York, le baril de "light sweet crude" pour livraison en mai perdait 1,73 dollar à 50,65 dollars. "Les inquiétudes sur la faiblesse de la demande sont largement responsables du déclin des cours", explique Christophe Barret, analyste chez Calyon. Depuis jeudi, jour où son prix avait frôlé 55 dollars, le pétrole a perdu quelque 3 dollars. "De fait, il est difficile de parier sur une remontée des prix du brut, dans un environnement où les prévisions économiques sont constamment révisées à la baisse, quand la récession économique est de plus en plus profonde. Le Fonds monétaire international, l'OCDE, l'Organisation mondiale du commerce et la Banque mondiale semblent rivaliser dans le pessimisme", développe M. Barret. Au chapitre des derniers indicateurs catastrophiques, la production industrielle du Japon a subi en février une nouvelle chute de 9,4% par rapport au mois précédent. Les chiffres des stocks pétroliers avaient déjà servi de rappel au marché la semaine dernière: les stocks américains de brut se sont affichés à leur niveau le plus élevé depuis 1993 et la demande américaine de produits pétroliers n'a pas donné signe de redémarrage. En outre, l'attrait du pétrole est érodé par une nette remontée du billet vert face aux autres devises. Le dollar a atteint lundi 1,3162 dollar pour un euro, son niveau le plus élevé face à la monnaie unique depuis le 18 mars. Le raffermissement du dollar grignote le pouvoir d'achat des investisseurs pour les matières premières vendues dans cette devise. Dans ce contexte de consommation chancelante, seuls les efforts de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) pour réduire la production mondiale peuvent soutenir les prix. Or, selon des chiffres de l'agence Petro-Logistics -- cités lundi par les analystes de JBC Energy -- l'Organisation n'aurait pas progressé au mois de mars dans ses efforts pour atteindre son plafond de production de 24,84 mbj. Lors de sa dernière réunion le 15 mars, elle s'était pourtant engagée à respecter strictement ce plafond. L'Opep aurait pompé, selon Petro-Logistics, 25,9 mbj en mars, un niveau équivalent à celui de février, plus de 1 mbj au-dessus de son quota. Dans ce contexte, nombre d'experts jugent que l'envolée récente des prix, passés en deux semaines de quelque 45 dollars à plus de 55 dollars, reposait sur de fragiles fondations. En outre, un facteur de soutien des cours a disparu lundi, avec l'arrêt imminent d'une grève du personnel dans la compagnie pétrolière brésilienne d'Etat Petrobras. Ce mouvement social ayant duré cinq jours devrait cesser, car un accord préliminaire a été trouvé entre les employés et la direction. Dalila T.