Comment arrêter l'hémorragie ? Le gouvernement de José Luis Rodriguez Zapatero semble tétanisé parle flot du chômage qui submerge l'Espagne. Les prévisions les plus pessimistes du Fonds monétaire international (FMI) faisaient état de 4 millions de chômeurs à la fin de 2009 : ce seuil a été dépassé dès le 31 mars. En un an, l'économie espagnole a vu la destruction de 1,8 million d'emplois, soit la moitié du chômage additionnel de toute l'Union européenne. En 2007, elle faisait des envieux pour avoir créé environ 40 % des emplois de la zone euro. Dix-huit mois ont suffi pour voir le taux de chômage passer de 7,9 % à 17,3 %. Un basculement aussi brusque, au rythme de 8 000 nouveaux demandeurs d'emploi par jour, tient à la structure du marché de l'emploi. Un travailleur sur quatre a un contrat à durée déterminée (CDD). La proportion était même d'un sur trois quand l'économie tournait à plein régime. "Sur les 16,6 millions de contrats de travail signés en 2008, 14,6 millions étaient temporaires ; c'est ce qui explique l'ajustement rapide de l'emploi à la crise", rappelle Ignacio Fernandez Toxo, secrétaire général des Comisiones Obreras (CC OO), l'une des deux principales centrales syndicales. Dans ce contexte, le gouvernement socialiste et les syndicats ont jugé provocatrice la proposition du patronat d'apporter encore plus de flexibilité au marché du travail, en particulier en rendant plus simples et moins coûteuses les procédures de licenciement. Mais si les entreprises espagnoles ont usé et abusé des CDD, c'est à cause de l'extrême rigidité des contrats à durée indéterminée (CDI). Le statut des travailleurs espagnols, élaboré en 1980, a été assoupli par cinq réformes, en 1984, 1994, 1997, 2001 et 2006, mais l'indemnisation des licenciements demeure l'une des plus élevées au monde. Confronté à l'urgence, le gouvernement exclut pour l'instant une réforme en profondeur du marché du travail, pourtant suggérée par de nombreux experts. Pour Florentino Felgueroso, directeur de la chaire "capital humain et emploi" de la Fondation des études d'économie appliquées (Fedea), "il faut réduire l'écart entre les contrats fixes et temporaires en créant un contrat unique prévoyant une indemnisation de licenciement croissante avec l'ancienneté". Le chercheur estime nécessaire de "pénaliser les entreprises qui abusent des CDD en augmentant leurs cotisations chômage", mais aussi de "plafonner les prestations sociales sans toucher aux incitations à la recherche d'emploi". Pour sa part, la confédération CC OO souhaite "un pacte de législature pour l'emploi, la protection sociale et l'économie de production" discuté par les partenaires sociaux et le gouvernement. Un voeu pieux dans l'immédiat, car le dialogue social est interrompu depuis l'échec, cet hiver, des négociations paritaires sur les conventions collectives locales. Accablé par les mauvais chiffres, M. Zapatero espère pour les prochaines semaines les premiers effets sur l'emploi de son plan de relance, baptisé "Plan E", annoncé en novembre 2008. Sur un total de 40 milliards d'euros, 8 milliards ont été affectés aux collectivités locales pour des travaux publics. Le 24 avril, Madrid a débloqué une nouvelle enveloppe de 14 milliards "pour dynamiser l'économie". Le quotidien El Pais, pourtant proche des socialistes, critique l'inefficacité de ces mesures, reprochant à l'exécutif de n'avoir pas anticipé le désastre en minimisant la gravité de la crise. "L'optimisme excessif de Zapatero a empêché que soient prises des mesures préventives face à l'effondrement de l'emploi", a-t-il diagnostiqué dans un éditorial.