Le parcours du réformateur Cheikh Omar Derdour, une personnalité que le cheikh Abdelhamid Ben Badis considérait comme "l'âme de l'action islahiste dans les Aurès", a fait l'objet lundi d'une journée d'étude organisée par l'université de Batna. Des chercheurs, des universitaires, des imams et des cadres du secteur des affaires religieuses, ont pris part, aux côtés de proches du défunt et de nombreux étudiants, à cette journée consacrée à celui qui fut l'un des premiers élèves de cheikh Ben Badis à Constantine, au début des années 1930, après la création de l'association des oulémas musulmans algériens. Connu pour l'intérêt qu'il portait à tout ce qui touche au savoir et à l'enseignement, cheikh Omar Derdour a été le fondateur de l'enseignement islamique en Algérie, puisqu'il a fondé le premier institut islamique à Batna en mai 1963, suivi par la création d'établissements similaires dans plusieurs villes du pays, rassemblant jusqu'à 10.000 élèves, selon le témoignage de cheikh Mohamed Boukhari, imam et président du conseil scientifique des fetwas de Batna. L'intervenant qui fut un compagnon de Cheikh Omar Derdour, a ajouté que Cheikh Tewfik El Madani "avait soutenu cheikh Omar dans cette oeuvre qui constituait la concrétisation du voeu de Cheikh Ben Badis lui-même, dont le souci constant était de préserver l'islam et la langue arabe". De son côté, le Dr. Ammar Talbi, président du conseil scientifique de la fondation de la mosquée d'Alger, a indiqué que l'imam Ben Badis avait eu une influence majeure dans la formation islahiste de cheikh Derdour qui avait séjourné jeune à Constantine, pour suivre des études à la "mosquée verte" en 1933 avant d'être nommé, trois années plus tard, responsable dans les Aurès de l'association des oulémas, avec d'autres étudiants originaires de la région. Selon le Dr. Talbi, Cheikh Derdour a rejoint très tôt les rangs de la Révolution armée, après avoir joué un rôle essentiel dans l'action réformiste dans cette région, en dépit d'une surveillance étroite des autorités coloniales, en particulier à Tazoult, au Sud-est de Batna, où il résidait. Cheikh Derdour a eu l'occasion de représenter la Révolution algérienne dans de nombreux pays arabes, de même qu'il a eu une activité militante en France, puis en Egypte, auprès du gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA). Egalement invité à cette journée d'étude, le directeur général des archives nationales, M. Abdelmadjid Chikhi, dont le père Mohamed Salah Chikhi, qui fut de son vivant enseignant de son état, a été un ami et un proche de Cheikh Derdour, rapporte que ce dernier était connu pour sa modestie, son humanisme et la qualité des relations qu'il entretenait avec ses concitoyens dans la petite ville de Tazoult. M. Chikhi devait, dans son intervention, mettre l'accent sur les efforts accomplis par Cheikh Derdour dans le domaine de la généralisation de l'enseignement de la langue arabe et la défense de la culture et des valeurs de la société algérienne, tout en multipliant les actions de bienfaisance. Le fils de Cheikh Derdour, Abdelhak, a souligné pour sa part, que son père a été profondément influencé par son maître Cheikh Ben Badis, faisant de son enseignement le crédo d'une vie consacrée à l'islam et la langue arabe. M. Abdelhak Derdour a annoncé qu'un travail est "en cours"', pour rassembler l'oeuvre de son père, en vue de sa publication et de la création d'une fondation consacrée à cet intellectuel réformateur de la région des Aurès. Cheikh Omar Derdour qui a fait l'objet de recherches importantes effectuées par la sociologue et anthropologue Fanny Colonna, était un éducateur, une personnalité influente, un intellectuel et un réformiste de la région des Aurès. Il est né en octobre 1913 dans le petit village de montagne de Hidouss, au coeur du massif des Aurès, près de l'actuelle daïra de Théniet El Abed. Il a appris le Coran dans la Zaouia de son arrière grand-père, Ali Derdour, avant de se rendre dans la Zaouia Sidi Ali de Tolga (Biskra) pour parfaire sa connaissance des sciences religieuses. En 1933, il s'inscrivit pour suivre les cours que donnait Cheikh Abdelhamid Ben Badis à la "mosquée verte" de Constantine où il séjourna 7 années. Au cours des années 1930, cheikh Omar Derdour avait été inquiété par les autorités coloniales pour son action réformiste. Le cheikh Ben Badis lui-même assistera au procès qu'il lui a été fait, mais il continuera dans la même voie, jusqu'au déclenchement de la lutte armée qu'il avait activement soutenue. Cheikh Omar Derdour s'est éteint le 19 mars 2009 à l'âge de 95 ans à Batna. Il avait construit sur ses propres fonds la mosquée de la Zaouia au village d'El Hamza auquel il a consacré une partie de ses propriétés. D'autres terres qu'il a léguées aux wakfs abritent actuellement un cimetière de village, ainsi qu'une école coranique et des logements attenants, à Bouzina. R.R