Verrouillées trois heures par jour, les portes des tribunaux roumains affichent "fermé" depuis le 9 juillet. Dans le cyclone de la crise économique, le gouvernement de Bucarest tente désespérément de freiner les dépenses publiques et plus de 6 000 magistrats font grève pour protester contre une diminution de moitié de leurs revenus. "Le ministère de la justice se comporte avec nous comme le maître dans une plantation d'esclaves, proteste Viorica Costiniu, membre du comité de direction de l'Association des magistrats roumains. Un juge peut-il accepter le salaire d'un conducteur de tramway ? Nous sommes poussés à démissionner sur le plan national." Le gouvernement n'a pas l'intention de céder. Les comptes publics sont au plus bas. "Les juges ne semblent pas prendre la mesure des difficultés financières dues à la crise économique", a conclu le ministre de la justice Catalin Predoiu. En mars, la Roumanie avait obtenu un prêt de 20 milliards d'euros, dont 13 milliards accordés par le Fonds monétaire international (FMI), 5 milliards par l'Union européenne (UE), un milliard par la Banque mondiale, le milliard restant par d'autres bailleurs de fonds dont la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD). Une première tranche de 5 milliards a été dépensée. L'Etat roumain attend la deuxième tranche de 2 milliards prévue en septembre. Le premier ministre Emil Boc a demandé le feu vert du FMI et de la Commission européenne pour augmenter le déficit budgétaire, prévu cette année à 4,6 %, afin d'investir davantage dans les infrastructures et de relancer l'économie et l'emploi. Le FMI n'est pas pressé de répondre à cette demande. Sa prochaine mission d'évaluation n'aura lieu qu'au mois d'août. Réunis à Bruxelles le 7 juillet, les ministres des finances de l'UE ont entamé une procédure qui octroie à la Roumanie un délai de deux ans pour ramener son déficit dans la limite des 3 % exigée par l'UE. Lequel déficit a déjà atteint 2,7 % les six premiers mois de l'année, et la situation n'est pas en voie d'amélioration. "Bucarest va lancer une action diplomatique énergique pour défendre ses projets économiques, dont des investissements dans l'infrastructure", a affirmé le ministre roumain des affaires étrangères, Cristian Diaconescu, fort d'une déclaration qui n'engage que lui-même. La fonction publique souffre du manque de financement. Depuis l'adhésion de la Roumanie à l'UE en 2007, Bucarest a doublé le salaire des magistrats pour diminuer la corruption qui gangrenait la justice. La crise pousse les autorités à un retour à la case départ qui risque de freiner la réforme du système judiciaire. Le rapport sur la justice préparé par la Commission européenne, qui sera rendu public le 22 juillet, s'annonce très critique. Les professeurs, dont le salaire moyen voisine les 300 euros, sont encore plus frappés par la crise. La hausse de 50 % de leurs salaires votée par le Parlement fin 2008 est annulée pour cette année. Les policiers, qui avaient manifesté en février dernier pour dénoncer leurs bas salaires, menacent eux aussi de se mettre en grève. Le gouvernement de coalition entre le parti démocrate-libéral et les sociaux-démocrates n'a d'autre solution que d'augmenter le déficit... Option qui n'est du goût ni de Bruxelles ni du FMI.