Hormis la subsistance de quelques poches de l'activité terroriste, l'Algérie n'est pas classée parmi les pays atteints par les diverses formes de la criminalité, par les différentes organisations planétaires habilitées à le faire, comme l'ONU. Cependant, la plus grave des illusions serait de dire qu'elle est définitivement à l'abri. Au contraire, les enjeux et les dangers qui guettent notre pays, de part sa situation géostratégique, son ouverture sur le monde et ses richesses, sont sérieux, voire même imminents. Les quatre experts en matières économique, financière et juridique que sont M. Malek Serrai, Maitres Mihoub Mihoubi, (ex ministre de l'Education), Chorfi et Ahmed Gharnaouet, conviés hier, au forum d'El Moudjahid ont, tous, tiré la sonnette d'alarme et appelé au devoir de mobilisation de l'élite et de la société civile pour la sauvegarde des intérêts nationaux menacés, face, aux défis induits par la mondialisation. La réalité est complexe dans sa profondeur. Voici un exemple : " La chine est un pays qui nous fait réellement beaucoup mal. Face à la contrefaçon, 40% de nos PME sont menacées de fermeture, tôt ou tard ! ", a dit M. Serraï. Aux yeux de cet expert, fort de ses longues années passées au sein de l'ONU, l'ouverture " hasardeuse" de notre économie ouvre la voie devant tous les types de risques auxquels celle-ci n'est cependant pas préparée. " L'Europe grouille de près de 4 000 groupes criminels qui emploient 40 000 faux experts et technocrates qui font des pays comme l'Algérie, une des cibles de prédilection ". Pour étayer ses dires, M. Serraï a cité de nombreux exemples où ces faux experts se livrent à la conclusion de faux contrats, de transferts, d'escroqueries, et de factures erronées. Maintes reprises, des experts nationaux ont empêché l'établissement de ces opérations qui auraient pu coûter cher au Trésor. Les ennemis sont embusqués de partout : des individus, qu'il ne faut jamais cesser de débusquer et de mettre à nu, s'adonnent par ailleurs au chantage en quête d'avantage et de pots de vin. "35% des investisseurs européens, honnêtement intéressés par le travail en Algérie, sont sans cesse " soudoyés " et " subissent des pressions en permanence par des cercles visant à les amener à délaisser leurs projets… ", ajoute- t-il. Pour M. Mihoub Mihoubi, la mondialisation est une forme d'occupation, de domination économique, culturelle et sociale, que nous accueillons à bras ouverts. Pour lui, la question est de savoir si l'Algérie est préparée à affronter les défis. Cet ex-ministre de l'Education répond par la négative. " Nous avons vite et mal engagé notre adhésion à l'UE et l'OMC. Nous souffrons de l'économie du bazar, où la contrefaçon produit des biens à quoi nos routes et trottoirs servent d'étals. On s'en est aperçu tardivement et on s'est tourné dans la même hâte à la définition d'une stratégie qui risque de faire faux chemin, sans une concertation approfondie avec les partenaires économiques ", argumente-t-il. Maître Mihoubi relève l'incohérence et l'absence de projets structurants. "Nous ne sommes point à l'abri de la criminalité ", renchérit maître Chorfi. Ce dernier va loin en s'interrogeant : " est-ce que la mondialisation est la cause de la criminalité ? Apparemment " oui ", puisque le terrorisme et la criminalité sont parvenus à s'organiser de la même manière que les grandes firmes internationales. C'est-à-dire, sur des bases solides et pérennes. Certes, les invités d'El Moudjahid sont tous d'accord pour dire que l'Algérie a accompli l'un des exploits en éditant les deux dispositifs de lutte contre la corruption et le blanchiment d'argent. Suffit-il d'avoir cependant des textes juridiques ? Un peu sceptique M. Ghernaouet remarque que l'Algérie est un pays prolifique en matière de rédactions de textes juridiques. L'urgence, selon les conférenciers, est de faire appel à toutes les compétences nationales pour s'armer de stratégie nationale consistante à court et à moyen terme. A l'égard des " revenants français ", maître Gharnaouet est particulièrement virulent. Le système financier national est totalement à leur merci, à entendre cet expert et ces derniers seraient à l'origine des échecs répétés des velléités d'investissement privées dans le secteur bancaire du moment. C'est ce qui fait, en définitif, que les réformes bancaires tentées par les pouvoirs publiques s'avèrent être toujours vaines.