Le 9 août 2008, l'oiseau de Galilée disparaissait. Né en 1941 dans le village de Birwa, en Galilée, qui fut rasé en 1948, Mahmoud Darwich a toujours été profondément engagé dans la lutte de son peuple, il n'a pour autant jamais cessé d'espérer la paix et sa renommée dépasse largement les frontières de son pays.L'œuvre de Darwich, essentiellement poétique, est une véritable défense et illustration d'une terre, d'un peuple, d'une culture en même temps qu'une entreprise hardie de genèse littéraire. Elle est hantée d'un bout à l'autre par une seule idée, une seule référence, un seul corps : la Palestine. La solitude et le désarroi de l'exil exprimés côtoient l'acceptation noble et courageuse où le désespoir profond devient générateur de création, porteur d'une charge poétique intense.Ses poèmes, qui, lors de ses années à l'étranger, entraient en Palestine, dit-on, " sur un nuage ", et dont les plus célèbres sont Identité, Rita ou Je me languis du pain de ma mère, marquent profondément des générations entières, dans son pays et au-delà. Ils ont fait l'objet d'adaptations théâtrales et ont été mis en musique par le chanteur libanais Marcel Khalifa. Ses vers sont parfois devenus des slogans, l'amenant à développer des réflexions fines et souvent empreintes d'humour sur les liens qu'entretiennent poésie et politique. Il se définissait comme le poète des vaincus - comme un " poète troyen ", c'est-à-dire comme " l'un de ceux à qui on a enlevé jusqu'au droit de transmettre leur propre défaite". Mais il refusait d'être réduit au rôle de porte-parole de la cause palestinienne, ou de subordonner son art aux exigences de la lutte de libération nationale - ce qui, à terme, assurait-il, n'aurait pu que desservir l'un comme l'autre. Son oeuvre est irradiée par la présence charnelle de cette terre, par son souvenir, par l'absence et par l'exil. Son poème "Pense aux autres", reproduit ici même il y a un an en témoignait parmi tant d'autres. Il se réclamait d'une tradition lyrique et humaniste qui puise son inspiration dans un imaginaire arabe bien antérieur à la naissance de l'Islam. Sans ignorer l'Histoire, il travaillait à soulager sa poésie du poids, de l'intensité et de la pression de l'Histoire immédiate. Face au chaos ambiant, il revendiquait le droit à l'absurde. Sa poésie ne se lamentait pas. Il faut le lire et, le lisant, écouter son chant secret, universel dans sa faculté de dire la détresse et l'espoir de tous et de chacun. R.C.