L'Union européenne s'en prend vivement à l'Otan au lendemain du bombardement des forces de l'Alliance atlantique qui a coûté la vie à des dizaines de personnes, dont de nombreux civils, dans le nord de l'Afghanistan. Ce raid a été mené quelques heures à peine avant que ne s'ouvre vendredi à Stockholm une réunion de deux jours des chefs de la diplomatie des Vingt-Sept, au cours de laquelle il était justement question de faire le point sur la nouvelle stratégie occidentale dans le pays, basée sur un effort à destination des populations civiles et une "afghanisation" de la sécurité. "Nous devons travailler avec les Afghans et non pas les bombarder (...) C'est une grosse erreur. Il doit y avoir une enquête. Nous devons enquêter et dénoncer les responsabilités", a déclaré à la presse le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner. Son homologue luxembourgeois, Jean Asselborn, faisant écho à un sentiment partagé par l'ensemble des Vingt-Sept a quant à lui parlé d'une catastrophe inacceptable. "Il est très très difficile d'accepter et de comprendre qu'on puisse larguer des bombes aussi rapidement. C'est une catastrophe, ce qui s'est passé hier, pour l'image aussi du monde que nous représentons ici", a-t-il dit. "Il faut que les règles soient respectées. Larguer des bombes dans un pays où on est là pour protéger la population civile, c'est quelque chose qui doit être très exceptionnel et ce qui s'est passé hier, je ne peux pas l'accepter", a-t-il ajouté avant que ne s'ouvre la seconde journée de discussions. Comme Paris, Londres ou Berlin la veille, il a ensuite réclamé l'ouverture d'une enquête "sans attendre" et une révision de la stratégie de l'Otan. Des dizaines de personnes, peut-être jusqu'à 90, ont été tuées vendredi dans un raid des forces de l'Otan qui visait des camions-citernes dont les taliban s'étaient emparés dans la province septentrionale de Kunduz. L'Alliance a d'abord assuré que les victimes appartenaient toutes à la milice islamiste, mais a ensuite reconnu que de nombreux civils avaient été hospitalisés dans le secteur. Les services du président Hamid Karzaï ont fait état de 90 morts et annoncé l'ouverture d'une enquête sur place. Eviter les pertes civiles est l'une des priorités du général américain Stanley McChrystal, qui a pris en juin les rênes de l'Isaf (Force d'assistance à la sécurité en Afghanistan) et les directives qu'il a données en juillet interdisent aux pilotes de faire feu tant qu'ils ne se pas certains qu'aucun civil n'est en danger, s'il ne sont pas eux-mêmes menacés. Samedi matin, des officiers américains et allemands ont d'ailleurs rencontré des victimes et leurs familles pour tenter d'apaiser la colère que le bombardement a suscité. Alexander Stubb, le ministre finlandais des Affaires étrangères, a indiqué que cette émotion était également palpable parmi les ministres européens à Stockholm et qu'il était nécessaire de se concentrer plus encore sur les efforts civils. "Il est clair qu'il faut une double approche : civile et militaire (...) Mais le volet civil sera celui sur lequel nous allons concentrer nos forces sur le long terme. Je pense que les Etats-Unis en font de même", a-t-il dit. Plus explicite, Bernard Kouchner, a quant à lui fait valoir que les Européens devraient revoir à la hausse leurs contributions financières. "Les taliban offrent 50 dollars par famille, ce qui permet de vivre un mois entier, alors que nous payons seulement la moitié. Bien sûr que nous devons payer plus", a-t-il déclaré. M.K