"Quoi que l'on dise, les événements d'Octobre 1988 étaient une profonde revendication populaire pour le changement", a déclaré Abdelhamid Mehri l'année passée. Cet avis de M. Mehri, qui était à l'époque ambassadeur d'Algérie à Paris, donne un peu de crédibilité à ces événements. D'autres analyses expliquent que les événements douloureux du 5 octobre 1988, ont des facteurs objectifs à leur origine. Cependant, la violence avec laquelle ont éclaté les manifestations et les affrontements de citoyens avec les forces de l'ordre, ont fait montre d'une situation qui risquait d'être incontrôlable. En 1988, le cadre politique national a pris un violent coup. Les jeunes de l'époque, sortis dans les rues, ont exprimé les carences, les insuffisances et autres maux qui faisaient l'actualité des situations négatives de la société algérienne. Et même si le mot "société civile" a commencé à prendre racine à partir de 1988 pour exiger plus de démocratie et de transparence, certains milieux n'ont pas donné l'occasion à cette dynamique de la démocratie de la vie de s'exprimer dans le pays. La démarche en elle-même a été déviée par des politiciens. Le phénomène de l'avènement du FIS a été un caractère négatif dans l'avancée de la démocratie. Il était symptomatique d'une situation dramatique et d'un éventuel retour en arrière. Analyse et débats au lendemain de ces événements font ressortir que ce fut le début de la fin d'un règne sans partage avec le parti unique et sa poigne de fer qui a verrouillé le paysage politique, l'échec du ménage organique entre le FLN et les organisations de masse. Les fameux articles 120/121 ont été largement dénoncés par la nouvelle société civile pour avoir justement permis la caporalisation des appareils et le disfonctionnement entre la base et le sommet. Il convient également de rappeler que le début des années 80 a correspondu avec l'euphorie d'un baril à 40 dollars. Le pays découvrait le PAP (programme anti-pénurie), le début de la "bazadisation" à coups de devises. Lorsque la situation a commencé à se dégrader et qu'il apparu évident que le pouvoir, au lieu de se rapprocher du peuple, s'en séparait davantage, on a prévenu du danger que représentait la situation sociale. En haut lieu on faisait la sourde oreille. Le régime en place avait l'air de démissionner face aux problèmes qui s'abattaient sur le pays. Aucune décision n'est venue pour rétablir, du moins en partie, le dialogue avec le peuple. Aussi dans les milieux populaires commence-t-on à soupçonner que l'intérêt de la nation ne concerne plus personne ; il s'agissait surtout de contenir l'influence des forces occultes qui tentaient de plonger le pays dans une guerre civile. Par ailleurs, les conséquences d'Octobre 1988 ont été mal gérées, sans aucune prise sur la réalité de la société et les institutions. Les politiques de l'époque se sont rendus à l'évidence d'essayer de mettre à profit ce bouillonnement populaire pour adopter de nouveaux réflexes, et s'adapter aux nouveaux changements qui se dessinent. Le diagnostic de la situation du pays et la localisation des insuffisances, que le peuple a désigné à profusion, n'ont pas été pris en compte. Le pouvoir, malgré ces émeutes, n'a pas réussi à assainir les situations générées par Octobre 88. La réorganisation générale du pays n'a pas permis la mise en marche d'une médication appropriée. En effet, ni les rôles ni les prérogatives n'ont été clarifiés, ce qui a donné l'occasion aux dirigeants du FIS de s'approprier les revendications populaires pour en faire un registre du commerce politique. La suite des événements est connue. Ahmed Saber